i
Œ.
n^
ECO
r\
= 00
5ITY(
= lÔ
CD
CO
D. GRÉGOIRE M^ SUNOL O. S. B.
Moine de Montserrat
MÉTHODE COMPLÈTE
DE
CHANT GRÉGORIEN
D'APRÈS
LES PRINCIPES DE L'ÉCOLE DE SOLESMES
SEPTIEME EDITION
TRADUCTION ET PRÉFACE
PAR
D. MAUR SABLAYROLLES O. S. B.
loine de l'abbaye Saint-Benoît d'En Galcat, Dourgne, (Tarn)
SOCIÉTÉ SAINT JEAN L'ÉVANGÉLISTE
DESCLÉE & CiE
Imprimeurs du Saint Siège et de la Sacrée Congrégation des Rites
PARIS, TOURNAI, ROME
Ir t. ^ ^
METHODE COMPLÈTE
DE
CHANT GRÉGORIEN
No 674
Digitized by the Internet Archive
in 2011 with funding from
University of Toronto
http://www.archive.org/details/mthodecompltOOsu
D. GRÉGOIRE M^ SUNOL O, S. B.
Moine de Montserrat
MÉTHODE COMPLÈTE
DE
CHANT GRÉGORIEN
D'APRÈS
LES PRINCIPES DE L'ÉCOLE DE SOLESMES
SEPTIEME EDITION
■ÜBBWPI—il.» Jl'i .IJBI.,e5WfH>WIW—i
UNIVERSITY OF TORONTO
JUN1219S3
EDWARS> JOHNSON
MUSIC LfBRARY
TRADUCTION ET PRÉFACE
PAR
D. MAUR SABLAYROLLES O. S. B.
Moine de l'abbaye Saint-Benoît d'En Galcat, Dourgne, (Tarn)
SOCIÉTÉ SAINT JEAN L'ÊVANGÉLISTE
DESCLÉE & CiE
Imprimeurs du Saint Siège et de la Sacrée Congrégation des Rites
PARIS, TOURNAI, ROME
Avec la permission des Supérieurs de l'Ordre.
Imprimatur.
Tornaci, die 24 Novembris 1922.
MT
U . .. Ou. iv- 1953 j
8 5 1» 8 2 (I
V. Cantineau, Vie. Gen.
TOUS DROITS RESERVES.
Copyright 1922 by DesclÉE & Co, Paris.
PAX
Préface de la première édition.
AU LECTEUR.
Enthousiaste autant qu'on peut l'être pour le vrai chant de
S. Grégoire, je me suis décidé à publier cette Méthode pour
seconder dans la mesure de mes forces les désirs des Souverains
Pontifes Léon XIII et Pie X, et contribuer moi aussi, ne fût-ce
que par une petite pierre, à la reconstruction du grand édifice du
chant liturgique.
Ma doctrine n'est pas de moi, je tiens à le dire tout de suite.
Mon unique but a été de reproduire avec clarté et exactitude les
enseignements de l'Ecole de Solesmes, à laquelle revient aujour-
d'hui l'honneur d'avoir servi si magnifiquement l'Eglise en lui
restituant son vrai chant, ce chant si beau, si grave, si conforme à
sa sainteté, ce chant inspiré de Dieu et sorti du cœur d'un de ses
plus illustres enfants, comme d'un instrument délicat, sensible
aux touches de l'Esprit-Saint.
La meilleure récompense que j'aie pu recevoir déjà de ce travail
est l'approbation que m'en a donnée le T. R. P. Dom André
Mocquereau, Prieur de Solesmes, le personnage le plus compétent
aujourd'hui en matière d'études critiques grégoriennes.
Voici en effet la lettre qu'il a bien voulu m'adresser :
Mon Révérend et cher Père Suñol,
« C'est pour moi une grande joie de pouvoir donner à votre
Méthode la plus complète approbation.
« Il m'était impossible de mieux faire. Vous reproduisez avec
précision, clarté et exactitude les enseignements de l'Ecole de
Solesmes.
« Que N. D. de Montserrat bénisse votre livre. Nul doute
qu'écrit à ses pieds avec foi et amour, elle ne le répande dans
vj. Préface de la première édition.
toute l'Espagne et n'enseigne, par son moyen, à chanter avec art
et piété les gloires de son divin Fils.
« Daignez recevoir, mon Révérend et cher Père, l'expression de
mon affection en Notre-Seigneur. »
Fr. André Mocquereau, O. S. B.
Prieur de Solesmes.
Appuldurcombe, 8 Juillet 1905.
Après cette lettre nous n'avons rien à ajouter. Au lecteur
maintenant de faire à cet ouvrage l'honneur de le parcourir, et
d'être indulgent pour les fautes qui peuvent s'y rencontrer.
Monastère de Montserrat, 15 Août 1905.
L'Auteur.
1. O. G. D.
PAX
Préface du Traducteur.
La Méthode théorique et pratique de chant grégorien, dont
nous donnons la traduction française, était faite pour l'Espagne.
Dom Gregorio Suñol dit lui-même les motifs et le but qui la lui
ont fait entreprendre.
Mais ce que l'auteur ne pouvait pas dire alors et qu'il nous est
permis de dévoiler aujourd'hui sans blesser sa modestie, c'est le
succès complet qu'elle a remporté en Catalogne et dans la
Péninsule hispanique entière.
Les nombreuses et élogieuses appréciations qui en ont été
données à maintes reprises dans les revues et journaux espagnols;
les opinions non moins flatteuses et non moins autorisées que nous
en ont personnellement exprimées les Maîtres de chapelle et ceux
qui s'occupent activement de la diffusion du chant grégorien en ce
pays; enfin les résultats incontestables que nous avons nous-même
obtenus, en nous servant de cette Méthode pour enseigner le chant
grégorien dans plusieurs cathédrales, séminaires et maisons reli-
gieuses d'Espagne, nous en ont montré jusqu'à l'évidence le mérite
et la valeur. Ils proviennent, sans nul doute, de la compétence
personnelle notoire du moine espagnol, de son grand esprit
pratique et de sa longue habitude de la direction des chœurs ;
mais ils proviennent aussi et surtout de son enseignement et de la
compétence des maîtres autorisés auxquels il l'emprunte.
Le chant liturgique, en effet, est un sujet complexe qui, faute
de règles précises léguées par les anciens, se prête aux interpréta-
tions les plus variées et parfois les plus fantaisistes. Il n'est pas si
facile qu'on pourrait le croire d'en parler; c'est même d'autant
plus difficile, à l'heure où nous écrivons ces lignes, que ceux qui en
parlent sont plus nombreux que jamais. Quelle opinion suivre au
milieu du chassé-croisé de tant d'opinions diverses? Quelle voix
écouter au milieu de tant de voix discordantes?
Avec une sûreté de vue et un bon sens pratique qui lui font le
plus grand honneur, Dom Suñol n'a pas hésité sur le parti qu'il
avait à prendre : il est allé droit aux opinions et aux voix Soles-
miennes ; et le public espagnol y a répondu, en faisant à son livre
l'accueil flatteur auquel nous sommes nous-même très heureux
d'applaudir.
La Méthode de notre confrère se recommande donc suffisam-
ment d'elle-même. C'est une œuvre nouvelle, sérieuse, doctrinale,
pratique, aussi utile à ceux qui donnent l'enseignement du chant,
viij. Préface du Traducteur.
qu'à ceux qui le reçoivent. Le lecteur comprendra qu'il est superflu
de donner à nos éloges plus de développement : ils sont sans
restriction aucune.
Mais l'auteur, dans la seconde partie de son travail, a traité, en
parlant du rythme, une matière trop importante pour ne pas lui
consacrer nous-même quelques pages. Nous ne pouvons pas ne
pas en parler. Partisan convaincu de la doctrine de l'Ecole de
Solesmes sur le chant grégorien, loin de nous, certes, la prétention
de défendre cette doctrine : elle se défend par elle-même. Mais
nous voudrions, en quelques mots précis et succincts, en faire
l'exposé doctrinal; en montrer l'ampleur, la sûreté, la profondeur,
et contribuer ainsi, pour la part que Dieu seul connaît, à faire
l'unité des esprits sur une question qui, de plus en plus étudiée,
nous paraît la plus rationnelle, la plus scientifique, la plus pratique
et, pour tout dire en un mot, la plus conforme à la juste compré-
hension de l'art musical quel qu'il soit et du caractère même
du chant grégorien.
Nous venons de dire, il n'y a qu'un instant, qu'il n'est pas facile
de traiter les questions de chant : c'est une matière trop complexe.
Mais combien la chose est encore plus difficile et plus délicate,
quand il s'agit du rythme!
La théorie du rythme suppose, en effet, dans celui qui se croit
assez compétent et suffisam^ment prêt pour l'exposer, une connais-
sance profonde des éléments qui constituent le rythme et une
étude sérieuse et très raisonnée de la manière dont les maîtres en
ont fait l'application dans leurs œuvres.
C'est une des gloires du dernier siècle d'avoir produit des
hommes, assez artistes pour se livrer à ce travail, assez sagaces et
assez pénétrants, pour ramener l'art de la composition ou de
l'interprétation des oeuvres des grands maîtres à une doctrine qui
en est la base fondamentale, celle du rythme.
Méconnue ou altérée par le temps ou le mauvais goût des
éditeurs, cette doctrine, si belle et si profonde, revit tout entière
dans les livres remarquables où elle est exposée.
Le mérite des hommes éminents auxquels nous les devons, est
non seulement d'avoir montré le sens musical et classique des
grands maîtres, mais encore d'avoir élevé le rythme à la hauteur
d'une doctrine et de l'avoir exposée et développée avec l'éclat
et la magnificence qui assurent à leur nom une gloire impérissable.
Or, ce que les grands musicologues contemporains ont fait pour
la musique en général, les Bénédictins de Solesmes l'ont fait pour
le chant grégorien en particulier.
Préface du Traducteur. ix.
Partant de ce principe, posé par Dom Pothier dans les Mélodies
grégoriennes, à savoir, que le rythme grégorien est le rythme
oratoire, ils se mirent à étudier de plus près, dans les belles
éditions du chant traditionnel qu'ils venaient de reproduire, ce
rythme sur lequel on n'avait encore que des idées vagues et
imprécises et, après de longues années, exposèrent, en des travaux
excessivement remarquables, le fruit de leurs études et de leur
expérience personnelle.
Ce sont ces travaux qui constituent ce que nous pourrions
appeler l'édifice de la rythmique grégorienne ou de la théorie du
rythme dans le chant.
Il est vraiment imposant.
Nous ne pouvons nous lasser de l'admirer, de l'étudier et de
nous en pénétrer.
Il comprend deux parties bien distinctes.
Dans la première, on trouve d'abord l'étude approfondie de la
langue latine et de sa rythmique, menée de front avec celle des
mélodies ; puis, tour à tour, les études comparées des rapports du
texte avec la mélodie et de leurs influences réciproques; d'autres
études non moins remarquables sur la structure des phrases, leurs
formes et leurs cadences, modelées sur des types syllabiques ; ces
formes, démontrées invariables, quelles que soient les paroles qui
viennent s'y adapter, parce qu'elles ne peuvent les perdre sans
perdre immédiatement leur rythme ; tous les secrets de l'art de la
composition arrachés aux auteurs du chant grégorien, grâce à ces
profondes analyses auxquelles les théoriciens du moyen âge ne
songèrent jamais : telle est la première partie de ce splendide
édifice.
La seconde s'élève non moins grandiose et non moins
imposante.
Nous y voyons, en effet, l'accent latin, élément générateur
principal du rythme oratoire, étudié dans les compositions des
plus grands polyphonistes et dans les chefs-d'œuvre de l'art
grégorien ; puis les divers éléments du rythme : relations d'arsis et
de thésis, d'élan et d'appui, de temps léger et de temps lourd;
rapports des membres de phrase, des phrases et des périodes;
liens qui les enchaînent; caractères qui les distinguent, toutes ces
nuances si délicates admirablement exposées; enfin la marche
harmonieuse elle-même du rythme, analysée dans chacun de ses
pas, dans chacun de ses mouvements binaires ou ternaires.
Tel est, dans son ensemble et dans ses parties, l'édifice que les
moines de Solesmes ont élevé sur la base inébranlable du rythme
7nusical libre et qui, par ses admirables proportions, fait involon-
tairement penser à cet autre édifice matériel inachevé, aujourd'hui
X. Préface du Traducteur.
désert, l'honneur du moine qui l'a conçu et l'objet de l'admiration
de tous les hommes de l'art.
Mais le rythme ne saurait rester exclusivement dans l'ordre
spéculatif auquel il n'appartient d'ailleurs que dans une mesure
déterminée : la mesure nécessaire pour régler et ordonner ses
mouvements.
Le rythme, en effet, est l'âme de la mélodie. Or, l'âme se
manifeste par la vie et le mouvement. Le rythme, étant donc
mouvement et vie, tombe rigoureusement dans le domaine de la
pratique.
C'est pourquoi les études profondes et les analyses pénétrantes
n'auraient pas suffi aux Bénédictins de Solesmes pour le définir et
en exposer les divers éléments. Il leur fallait un troisième instru-
ment de travail : l'expérience ou la p7'atique fréquente du chant
liturgique ; il fallait que celle-ci vînt au secours de leurs savantes
recherches, se joignît à elles et les conduisît pas à pas à travers les
difficultés du chemin, pour les empêcher de s'égarer ou de faire
fausse route.
Or, nous savons si la pratique du chant est venue d'elle-même
se mettre à leur service! et dans quelle mesure!!
Le propre de la vie du moine, la condition principale, la plus
noble, la plus élevée, la plus sainte de son existence, est de
chanter, au nom de l'Eglise qui la lui impose, la louange de
Dieu. Saintement passionnés pour cette « œuvre divine » comme
l'appelle S. Benoît dans sa Règle, ce n'était pas assez pour les
moines de Solesmes, de rétablir dans sa pureté primitive le chant
qui en est la vivante expression, il fallait surtout l'exécuter avec
l'art et la perfection qui lui conviennent.
Or, qui dans l'Eglise, même parmi les artistes, admirateurs du
chant grégorien, peut se flatter d'avoir eu autant qu'eux la
pratique de ce chant ; pratique non individuelle, mais collective;
non transitoire, mais continuelle; non routinière et inconsciente,
mais intelligente, réfléchie, toujours soutenue par cette piété qui
est <i utile à tout » et dont l'influence très heureuse n'a pu que
contribuer à développer extraordinairement en eux le sens musical ;
pratique enfin qui en les mettant, jour et nuit, en contact direct
avec le rythme vivant lui-même, avec ce qu'il y a de plus intime,
avec ce que nous appellerions volontiers : sa moelle, a fini par en
faire des chantres parfaits de la louange divine?
Si donc les Bénédictins de Solesmes, par suite de leur vocation
privilégiée et de leurs connaissances personnelles très étendues en
matière de chant, ont pu mettre en jeu tant de moyens réunis et
si puissants, on comprend aisément qu'avec le temps et l'expé-
rience, ils se soient trouvés en état de traiter magistralement
Préface du Traducteur. xj.
toutes les questions grégoriennes, notamment la question du
rythme. On comprendra surtout que ces questions aient pu être
poussées si loin, si l'on veut bien se rappeler qu'après Dom
Guéranger et Dom Pothier qui en ont été les premiers initiateurs,
elles ont été dirigées et conduites par un savant et un artiste
éminent, Dom Mocquereau, l'illustre fondateur et directeur de la
Paléographie musicale.
*
* *
La Paléographie musicale!
Qui n'a déjà reconnu dans cette « publication sans pareille (i) >
le splendide édifice dont nous avons retracé tout à l'heure les
grandioses proportions! Qui, à mesure que nous le décrivions, ne
l'a vu s'élever graduellement jusqu'au faîte, c'est-à-dire jusqu'au
septième volume qui en est le digne couronnement!
Composé avec cette unité de principes qui n'exclut point le
progrès continu et ascendant des idées, avec ce déploiement de
science, ce luxe de preuves et cette puissance de démonstration
qui sont le caractère dominant de la Paléographie musicale, ce
septième volume est incontestablement le traité complet, solide et
lumineux du rythme grégorien. On sent, en le lisant, qu'il a été
écrit par un profond musicologue et un grand artiste, joignant à
une connaissance musicale très étendue une prodigieuse connais-
sance grégorienne.
Aussi, après l'avoir lu et relu, nous rappelant ce que J. Comba-
rieu a dit du quatrième volume de la grande publication, « qu'à lui
seul il aurait suffi à assurer la gloire d'un savant », volontiers nous
dirions à notre tour du septième volume, qu'à lui seul il suffirait
pour assurer à jamais la gloire d'un musicographe.
*
A n'en juger que par les apparences, il semble qu'après tout ce
que nous venons de dire, nous voilà bien loin de la Méthode de
Dom Suñol.
Il n'en est rien; car cette Méthode n'est, dans sa partie
doctrinale et rythmique, que l'analyse pure et simple du septième
volume de la Paléographie musicale.
Loin donc, en parlant comme nous l'avons fait de cette œuvre
grandiose, de nous être écarté du travail de notre confrère, nous
n'avons fait au contraire qu'en grandir l'importance et rehausser
la valeur.
C'est là une première constatation.
(l) H. RiEMANN.
xij. Préface du Traducteur.
Il en est d'autres qui s'imposent et que nous tenons à bien
mettre en relief.
En faisant entrer dans les limites restreintes d'une Méthode les
principes de l'Ecole de Solesmes, Dom Suñol a rendu d'abord aux
nombreux amis de cette Ecole un service signalé ; de plus, par sa
Méthode, il a trouvé le moyen le plus pratique de les introduire
dans les milieux où ils étaient jusqu'ici inconnus et, par consé-
quent, le moyen de contribuer, pour une très large part, à leur
développement.
La Paléographie musicale ne peut, en effet, à cause des condi-
tions vraiment dignes dans lesquelles elle est publiée, être que le
privilège des savants ou des amateurs et, pour cette raison, le
septième volume ne pourra jamais devenir un Manuel pratique
pour les séminaires et autres établissements ecclésiastiques ou
religieux. Il fallait donc rendre accessible à tous les doctrines qu'il
contient ; il le fallait, surtout, pour la perfection du chant dont la
beauté dépend de l'exécution, c'est-à-dire, du rythme.
Or, c'est ce que Dom Suñol, le premier, a fait, du moins dans
cette mesure, et l'on ne peut lui en être trop reconnaissant.
% *
Il ne nous reste plus maintenant, comme conclusion à donner à
cette Préface, qu'à présenter au lecteur la traduction de la Méthode
de notre confrère de Montserrat.
Nous ne l'avons entreprise qu'à la sollicitation pressante des
amis du chant grégorien, et dans l'intérêt de cette cause qui nous
est très chère et que nous avons toujours voulu servir depuis nos
plus tendres années.
On a vu, dans les développements que nous avons donnés au
cours de cette Préface, l'importance de la doctrine pour la bonne
exécution du chant. Cette Méthode l'expose avec la clarté, la
précision et l'autorité de la source où elle a été abondamment
puisée.
Qu'on lui fasse bon accueil.
Elle a été bien reçue en Espagne ; qu'elle le soit également en
France. Qu'elle pénètre dans le monde ecclésiastique, religieux et
laïque; qu'elle pénètre surtout dans les séminaires et maisons
d'éducation et que, sous la conduite de maîtres expérimentés, elle
y enseigne à chanter les mélodies grégoriennes, comme on les
chante au Conservatoire grégorien de Solesmes.
* *
C'est en 1907 et en Espagne que nous écrivions les lignes
précédentes. Dom Suñol n'avait pu utiliser alors que le septième
Préface du Traducteur. xiij.
volume de la Paléographie musicale. Depuis ont paru successive-
ment le dixième volume de la Paléographie, le Nombre Musical
Grégorien et les Monographies Grégoriennes. C'est à toutes ces
sources réunies que Dom Suñol a puisé à partir de la quatrième
édition de sa Méthode. Nous-même, avec la traduction, nous
avons apporté notre modeste contribution personnelle à la cin-
quième édition française par des changements, des développements,
des chapitres et des notes qui la diiTérencient de l'édition espa-
gnole et que l'auteur nous a permis.
Dom Maur Sablayrolles.
Abbaye Saint-Benoît d'En Calcat.
DOURGNE (Tarn)
II Juillet 1922, en la fête de la Translation de notre glorieux
Père S. Benoît.
CeUe septième édition française reproduit exactement la précédente. Le
manque de temps ne nous a pas permis d'utiliser les modifications apportées
par l'auteur à la sienne.
Constitution apostolique
de Sa Sainteté le Pape Pie XI
recommandant une pratique toujours plus parfaite
de la Liturgie et du chant grégorien
et de la musique sacrée '.
PIE, évêque, Serviteur des Serviteurs de Dieu,
pour perpétuelle mémoire.
L'Eglise a reçu du Christ, son Fondateur, la charge de veiller
sur la sainteté du culte divin. Il lui appartient donc — tout en
sauvegardant l'essence du Saint Sacrifice et des Sacrements —
d'édicter tout ce qui assure la parfaite ordonnance de ce ministère
auguste et public : les cérémonies, les rites, les textes, les prières,
le chant. C'est ce qui s'appelle, de son nom propre, la Liturgie^ ou
« action sacrée » par excellence.
La liturgie, en effet, est une chose sacrée. Par elle nous nous
élevons jusqu'à Dieu et nous lui sommes unis : nous professons
devant Lui notre foi ; nous nous acquittons envers Lui d'un grave
devoir de reconnaissance pour les bienfaits et les secours qu'il
nous accorde et dont nous avons un perpétuel besoin ; de là, une
certaine connexion entre le dogme et la liturgie, comme aussi
entre le culte chrétien et la sanctification du peuple. Aussi le pape
Célestin I^^ estimait-il que la règle de la foi est exprimée dans !es
vénérables formules de la liturgie. Il disait en effet : « Que la loi
de la prière détermine la loi de la croyance. Car lorsque les chefs
des saintes assemblées s'acquittent de leurs fonctions en vertu de
la délégation qu'ils ont reçue, ils plaident devant la clémence
divine la cause du genre humain et ils prient et ils supplient avec
l'Eglise tout entière qui unit ses gémissements aux leurs ».
Ces communes supplications appelées d'abord « œuvre de
Dieu » — opus Dei^ puis « office divin » officium divinuni^ —
comme une dette dont nous sommes quotidiennement redevables
envers Dieu, avaient lieu jadis de nuit et de jour, et de nombreux
chrétiens y prenaient part. Et c'est merveille de constater, dès
l'antiquité même, combien les mélodies naïves qui ornaient les
prières sacrées et l'action liturgique contribuaient à favoriser la
' Nous empruntons à la Semaine religieuse de Paris la traduction française
du document pontifical.
N° 674. — b
xvj. Constitution apostolique
piété du peuple. Dans les vieilles basiliques en particulier, où
l'évêque, le clergé et les fidèles chantaient, en alternant, les
louanges divines, les chants liturgiques ont contribué pour beau-
coup — l'histoire l'atteste — à amener un grand nombre de
barbares au christianisme et à la civilisation. Dans les temples,
les adversaires de la foi catholique apprirent à connaître plus
à fond le dogme de la communion des Saints. Ainsi l'empereur
arien Valens, frappé comme d'une stupeur inouïe devant la
majesté du divin mystère célébré par saint Basile, tombait en
défaillance; ainsi, à Milan, les hérétiques reprochaient à saint
Ambroise de fasciner les foules par les chants liturgiques, ces
chants qui frappèrent Augustin lui-même et lui inspirèrent la
résolution d'embrasser la foi chrétienne. Plus tard, dans les églises,
où de presque toute la cité se formait un chœur immense, artisans,
ouvriers du bâtiment, peintres, sculpteurs, gens d'études eux-mêmes
s'imprégnaient, grâce à la liturgie, de cette connaissance des
choses théologiques qui aujourd'hui brille avec tant d'éclat dans
les monuments du moyen âge.
On comprend dès lors pourquoi les Pontifes romains ont
apporté tant de sollicitude à défendre et à sauvegarder la liturgie
et pourquoi le même soin minutieux qu'ils mettaient à exprimer
le dogme par des formules exactes, ils l'ont appliqué à établir,
à défendre et à sauvegarder de toute altération les lois sacrées de
la liturgie. On le voit aussi, c'est la raison pour laquelle les Saints
Pères ont recommandé par leurs paroles et leurs écrits la liturgie
sacrée (la loi de la prière) et le Concile de Trente a voulu qu'elle
fût exposée et expliquée au peuple chrétien.
De nos jours, Pie X, il y a vingt-cinq ans, dans les règles
promulguées par son Motu Proprio relatif au chant grégorien et
à la musique sacrée, s'est proposé tout d'abord de réveiller et
d'alimenter dans le peuple l'esprit chrétien, écartant avec sagesse
tout ce qui ne conviendrait pas à la sainteté et à la majesté de
nos temples. Les fidèles, en effet, se réunissent dans le lieu saint
pour y puiser la piété comme à sa source principale, prenant une
part active aux vénérables mystères de l'Eglise et aux prières
publiques et solennelles. Il importe donc grandement que tout ce
qui sert d'ornement à la liturgie soit réglementé par certaines lois
et prescriptions de l'Eglise, afin que les arts, ainsi qu'il convient,
contribuent au culte divin comme de très nobles serviteurs. Les
arts, utilisés dans les églises, n'en éprouveront aucun dommage;
bien plutôt ils y trouveront à coup sûr un accroissement de
dignité et d'éclat. C'est ce qui est arrivé à merveille pour la
musique sacrée : partout où les règles édictées ont été appliquées
avec soin, on a vu revivre la beauté de cet art exquis et refleurir
largement l'esprit religieux : c'est que le peuple chrétien, plus
de S. S. Pie XI. xvij.
profondément pénétré du sens liturgique, s'est mis à participer
plus activement et au rite eucharistique et à la psalmodie sacrée
et aux supplications publiques. Nous l'avons Nous-même expéri-
menté avec satisfaction quand, la première année de Notre Pon-
tificat, un chœur nombreux de clercs de toutes nations a rehaussé
par le chant des mélodies grégoriennes la messe solennelle que
Nous célébrions dans la basilique vaticane.
Nous devons le déplorer ici : en certains endroits ces règles très
sages n'ont pas été complètement appliquées; aussi n'en a-t-on
pas recueilli les fruits espérés. Nous le savons parfaitement :
quelques-uns ont prétendu que ces règles, pourtant promulguées
solennellement, ne les obligeaient pas; quelques autres, après s'y
être soumis, se sont peu à peu montrés complaisants pour un
genre de musique qu'il faut absolument écarter des églises; enfin,
en quelques endroits, particulièrement pour la célébration solen-
nelle de centenaires de musiciens illustres, on a pris occasion de
faire exécuter dans le temple des œuvres, très belles sans doute
par elles-mêmes, mais qui, séant mal à la sainteté du lieu et de la
liturgie, ne devaient pas être jouées dans les églises.
Mais pour que le clergé et le peuple obéissent plus conscien-
cieusement aux règles et prescriptions qui doivent être observées
religieusement et inviolablement dans l'Eglise universelle, il Nous
a plu d'y faire ici quelques additions. Nous appuyant sur
l'expérience de ces vingt-cinq dernières années. Et nous le faisons
d'autant plus volontiers que cette année Nous célébrons non
seulement, comme Nous l'avons dit, le souvenir de la restauration
de la musique sacrée, mais aussi la mémoire de l'illustre moine
Guy d'Arezzo. Celui-ci, — voici à peu près neuf cents ans, — vint
à Rome sur l'ordre du Pape et fit connaître son ingénieuse
invention grâce à laquelle les chants liturgiques, transmis depuis
l'antiquité, furent facilement divulgués, et, pour l'utilité et pour
l'honneur de l'Eglise et de l'Art lui-même, conservés sans
altération pour les générations à venir.
Au Palais de Latran, où jadis saint Grégoire le Grand, après
avoir rassemblé, ordonné et accru le trésor des mélodies sacrées,
— héritage et souvenir des Pères, — avait si sagement fondé sa
célèbre Schola pour perpétuer la vraie interprétation des chants
liturgiques, le moine Guy fit l'expérience de sa merveilleuse
invention, en présence du clergé romain et du Souverain Pontife
lui-même. Le Pape approuva pleinement et loua comme il le
méritait ce nouveau procédé qui, grâce à lui, se propagea peu
à peu au loin et fit faire à tous les genres de musique des progrès
considérables.
Aux Evêques donc et aux Ordinaires, qui, comme gardiens de
la liturgie, doivent s'occuper des arts sacrés dans les églises, Nous
xviij. Constitution apostolique
voulons faire quelques recommandations répondant aux vœux de
nombreux congrès de musique et particulièrement du récent
congrès tenu à Rome. Ces vœux, à Nous adressés par un grand
nombre de pasteurs des âmes et de maîtres en l'art musical, à qui
Nous adressons ici les félicitations qu'ils méritent, Nous en
ordonnons la mise en pratique par des voies et moyens plus
efficaces.
I. — Que tous les candidats au sacerdoce, non seulement dans
les Séminaires, mais dans les Maisons religieuses, soient instruits,
dès leur enfance, du chant grégorien et de la musique sacrée :
à cet âge ils apprennent plus facilement tout ce qui a trait aux
mélodies et aux sons; et des défauts de voix, s'ils en ont, ils
peuvent se débarrasser ou du moins les corriger; plus tard, ayant
grandi, ils seraient impuissants à y remédier. L'étude du chant et
de la musique doit commencer dès les écoles élémentaires et se
poursuivre ensuite dans l'enseignement secondaire. Ainsi ceux qui
sont appelés à recevoir les saints Ordres, instruits peu à peu du
chant, peuvent, au cours de leurs études théologiques, sans effort
et sans difficulté, se former à cette science plus élevée qu'on
appellerait avec raison V esthétique de la mélodie grégorienne et de
l'art musical, de la polyphonie et de l'orgue, science qu'il convient
absolument au clergé de connaître.
II. — Qu'il y ait donc dans les Séminaires et dans toutes les
autres maisons d'études, pour la formation rationnelle de l'un et
l'autre clergé, fréquemment et presque tous les jours, une brève
leçon — ou exercice — de chant grégorien et de musique sacrée.
S'ils s'y donnent avec un esprit liturgique, ce sera plutôt pour les
élèves un repos qu'une fatigue, après l'étude de sciences plus
austères. Ainsi la formation plus soignée et plus complète des
deux clergés à la musique liturgique aura pour effet de rendre
à son antique dignité et splendeur l'office du chœur, qui est la
partie principale du culte divin. Il en résultera aussi que les Scholœ
et « chapelles » de musiciens, comme on les appelle, retrouveront
leur gloire antique.
III. — Que tous ceux qui règlent et exercent le culte dans les
basiliques, cathédrales, églises collégiales ou conventuelles de
Religieux, travaillent de toutes leurs forces à restaurer, selon les
préceptes de l'Eglise, l'Office du chœur; non seulement pour ce
qui est du commun précepte qui oblige à célébrer toujours l'Office
divin avec dignité, aitentiojt et dévotion, mais aussi pour ce qui
regarde le chant. Car, dans la psalmodie, il faut avoir soin
d'observer les tons indiqués, avec leur mediante et les clausules
adaptées à la tonalité et le repos convenable à l'astérisque, et enfin
l'unisson parfait dans l'exécution des versets, des psaumes et des
de S. S. Pie XI. xix.
strophes des hymnes. Si tout cela est observé avec art, tous ceux
qui chantent selon les règles, témoignant admirablement de
l'union de leurs âmes dans l'adoration de Dieu, semblent par
l'alternance régulière des deux parties du chœur imiter l'éternelle
louange des Séraphins qui se renvoyaient leurs acclamations :
Saint, Saint, Saint.
IV. — Mais pour que personne à l'avenir ne mette en avant de
faciles excuses pour se croire dispensé d'obéir aux lois de l'Eglise :
que tous les ordres de chanoines, que toutes les communautés
religieuses soumises aux mêmes règles, traitent de ces questions
dans leurs réunions officielles. Et comme autrefois existait un
chantre {cantor^ ou chef de chœur {^rector chori), ainsi à l'avenir
que dans les chœurs des chanoines et des religieux, on choisisse
quelqu'un de compétent pour veiller à la pratique des règles de la
liturgie et du chant choral, et pour corriger les fautes commises
individuellement ou par le chœur entier. Il est bon de le rappeler
à ce sujet : d'après une antique et constante discipline de l'Eglise,
comme d'après les constitutions capitulaires encore en vigueur,
tous ceux qui sont tenus à l'Office du chœur doivent parfaitement
connaître au moins le chant grégorien. Or le chant grégorien, dont
l'usage est prescrit dans toutes les églises de quelque ordre qu'elles
soient, est celui-là même qui, reconstitué d'après les anciens
manuscrits, a été proposé par l'Eglise dans une édition authentique
publiée par l'imprimerie vaticane.
V. — Nous voulons attirer ici l'intérêt des personnes qualifiées
à cet égard sur les « chapelles » de musiciens. Ce sont elles qui, peu
à peu succédant aux anciennes scholœ, se sont constituées dans les
basiliques et les grandes églises pour exécuter plus spécialement
la musique polyphonique. Or, et avec raison, la polyphonie sacrée
tient la première place après le chant grégorien : aussi souhaitons-
Nous vivement que les chapelles de ce genre, florissantes du XIV'^
au XVI^ siècle, se renouvellent et prospèrent là surtout où la
fréquence et l'ampleur du culte divin réclament un nombre plus
grand, un choix plus excellent de chanteurs.
VI. — Que des scholœ d'enfants soient formées non seulement
dans les grandes églises et les cathédrales, mais même dans les
églises plus modestes des simples paroisses. Que ces enfants y
apprennent à chanter selon les règles sous la direction des maîtres
de chapelle, pour que leurs voix, selon l'ancienne coutume de
l'Eglise, s'unissent aux chœurs des hommes, surtout quand dans
la musique polyphonique ils doivent, comme jadis, exécuter la
partie supérieure qu'on appelle ordinairement le chant. Du nombre
de ces enfants sont sortis, on le sait, au XVI^ siècle en particulier,
des auteurs très experts en polyphonie, et parmi eux, celui qui
XX. Constitution apostolique
est, sans contredit, leur maître à tous : le célèbre Jean-Pierre-Louis
de Palestrina.
VII. — Ayant appris qu'on essayait en quelques endroits de
remettre à la mode un certain genre de musique absolument
déplacé dans la célébration des offices divins, surtout à cause de
l'usage abusif des instruments, Nous déclarons ici que le chant uni
à la symphonie n'est pas du tout tenu par l'Eglise comme une
forme de musique plus parfaite ou mieux adaptée aux choses
saintes; plus en effet que les instruments, il convient que la voix
elle-même résonne dans les édifices sacrés. — Nous voulons dire
la voix du clergé, des chantres et du peuple. Qu'on ne croie pas
que l'Eglise s'oppose au progrès de l'art musical en préférant la
voix humaine à un instrument de musique quelconque : nul instru-
ment, en effet, si excellent, si parfait qu'il soit, ne peut surpasser la
voix humaine pour l'expression des sentiments, surtout quand elle
est mise au service de l'âme, pour adresser à Dieu Tout Puissant
des prières et des louanges.
VIII. — Il y a un instrument qui nous vient des anciens et qui
est proprement d'église, — on l'appelle l'orgue (organuin) : une
ampleur et une majesté admirables l'ont rendu digne d'être
associé aux rites liturgiques, soit pour l'accompagnement du
chant, soit, durant le silence du chœur, et selon les règles pres-
crites, pour l'exécution de très suaves harmonies.
Or, en cela encore, il faut éviter le mélange du sacré et du
profane : par la faute des facteurs d'orgue ou de certains organistes
trop favorables aux productions d'une musique ultra-moderne, on
en arriverait à faire dévier ce magnifique instrument de la fin
à laquelle il est destiné. Certes, les règles de la liturgie restant
sauves. Nous souhaitons Nous-même que tout ce qui a trait
à l'orgue fasse toujours de nouveaux progrès ; mais Nous ne
saurions pas ne pas Nous plaindre des tentatives faites aujour-
d'hui pour introduire dans le temple un esprit profane grâce
à des formes de musique tout à fait modernes, comme jadis on l'a
essayé par d'autres procédés qui furent justement prohibés par
l'Eglise. Si ce gence de musique commençait à s'introduire,
l'Eglise devrait le condamner absolument. Qu'on entende dans les
églises les accents de l'orgue, mais qu'ils expriment la majesté
du lieu et respirent la sainteté des rites; à cette condition, l'art
et des constructeurs dans la fabrication, et des musiciens dans
l'emploi des orgues refleurira pour apporter une aide efficace
à la liturgie sacrée.
IX. — Afin que les fidèles prennent une part plus active au
culte divin, que le chant grégorien soit remis en usage parmi le
de S. S. Pie XI. xxj.
peuple, pour les parties du moins qui lui sont réservées. Il est
absolument nécessaire, en effet, que les fidèles ne se comportent
pas en étrangers ou en spectateurs muets; mais, saisis par la
beauté de la liturgie, ils doivent prendre part aux cérémonies
sacrées, y compris les cortèges ou processions, comme on a
coutume d'appeler celles où les membres du clergé et des asso-
ciations pieuses marchent en rangs, mêlant alternativement leurs
voix, selon les règles tracées, aux voix du prêtre et de la schola.
Il n'adviendra plus, dès lors, que le peuple ne réponde pas, ou ne
réponde qu'à peine, par une sorte de léger et de faible murmure,
aux prières communes récitées en langue liturgique ou en langue
vulgaire.
X. — Que les membres de l'un et de l'autre clergé mettent
toute leur industrie, sous la direction des Evêques et des Ordi-
naires, à pourvoir par eux-mêmes ou par le concours de personnes
compétentes à la formation liturgique et musicale du peuple,
formation d'ailleurs intimement liée à la doctrine chrétienne. Pour
y arriver plus facilement, on instruira des chants liturgiques
surtout les Scko/œ, les associations pieuses et tous autres grou-
pements. Quant aux communautés dé religieux, de sœurs et de
pieuses femmes, qu'elles s'y adonnent avec zèle dans les différents
Instituts où elles ont charge de l'éducation et de l'enseignement.
Nous avons également une très grande confiance, pour atteindre
ce résultat, dans les sociétés qui, en certaines régions, déférant
aux volontés des autorités ecclésiastiques, travaillent à restaurer la
musique sacrée selon les règles tracées par l'Eglise.
XI. — Pour réaliser toutes ces espérances, il est absolument
nécessaire d'avoir des maîtres habiles et très nombreux. A cet
égard, nous décernons aux Scholœ et Instituts fondés ici et là
dans l'univers catholique des éloges bien mérités, car par leurs
soins diligents à répandre ces différentes connaissances, ils
forment des maîtres capables et excellents, mais en particulier, il
nous plaît de citer ici et de louer l'Ecole supérieure pontificale de
musique sacrée fondée à Rome en 1910 par Pie X. Cette Ecole
que Notre prédécesseur immédiat Benoît XV a soutenue avec zèle
et a dotée d'un nouveau local. Nous l'entourons Nous aussi d'une
faveur particulière, comme un héritage précieux des deux Pon-
tifes : aussi voulons-Nous la recommander vivement à tous les
Ordinaires.
Certes Nous savons ce que toutes les prescriptions plus haut
formulées demandent de soins et de travail ; mais qui donc ignore
les œuvres nombreuses et réalisées avec un art remarquable, que
nos ancêtres, surmontant tous les obstacles, ont laissées à la
postérité, parce qu'ils étaient remplis de zèle pour la piété et de
xxij. Constitution apostolique de S. S. Pie XI.
l'esprit de la liturgie? Rien d'étonnant, car tout ce qui a son
origine dans la vie intérieure, dont vit l'Eglise, dépasse les choses
les plus parfaites de ce monde. Que les difficultés de cette entre-
prise très sainte animent et excitent, loin de la briser, l'ardeur des
prélats de la sainte Eglise; tous unis constamment dans l'obéis-
sance à Nos volontés, ils réaliseront, en l'honneur de l'Evêque
des Evêques, une œuvre très digne de leur ministère episcopal.
Telles sont Nos prescriptions, Nos déclarations, Nos ordres.
Nous voulons que cette Constitution apostolique soit et demeure
toujours ferme, valide et efficace et qu elle reçoive et obtienne ses
effets pleins et entiers, nonobstant toute chose contraire. Qu'il ne
soit permis à personne d'enfreindre cette Constitution par Nous
promulguée, ou d'}- contredire par une audace téméraire.
Donné à Rome, près de Saint-Pierre, au début de la cinquan-
tième année de Notre sacerdoce, le 20 décembre 1928, de Notre
Pontificat la septième.
Fr. André, Card. PRUHWIRTH, Camille, Card. LaURENTI,
Chancelier de la S. E. R. Pro-Préfet de la S. C. R.
Joseph WiLPERT, Doyen du Collège des Protonotaires apostoliques.
Dominique Spolverini, Protonotaire apostolique.
■ >»»Kni^&^ri» I
^N$^:=5^--^?=^ ^
PREMIERE PARTIE.
l'^e Leçon.
Définition de la musique et du chant grégorien. — Les notes et
leurs noms. — La note ordinaire et ses modifications. — La
clef. — Le guidon. — La virgule. — Les lignes de séparation.
1. — La musique, en général, est l'art de combiner les sons et
d'en régler la durée.
Le son est donc avant tout l'élément matériel de la musique; et
les différentes combinaisons par lesquelles on peut le faire
passer et qui en sont l'élément formel, constituent, selon les
principes auxquels elles obéissent, autant de branches diverses de
Part musical.
2. — Le chant grégorien est une musique du genre diatonique
et de rythme libre que l'Eglise a adoptée pour la célébration
solennelle de sa liturgie.
Les termes de cette définition seront expliqués plus loin.
3. — Les sons musicaux sont désignés par des signes qui
s'appellent notes.
4. — Leurs noms sont : do, ré, mi, fa, sol, la, si. Elles se répètent
successivement dans le même ordre.
5. — Ces noms sont dus à Guy d'Arezzo, O. S. B. (f 1050), qui
les emprunta aux premières syllabes de la strophe suivante de
l'hymne de saint Jean-Baptiste.
.s ; ^ —
SI
"• «Sa ■■ «■"
■^ ■ ■ ñ 1
_ ■ ■■ RIH^Ei
■ Mi "
Ut qué-ant lá-xis ^^-so-ná-re fíbris Mí- ra gestó-
■P ■ ■ ■ ■
■"B . ■ ' " ■ - J
■Ï . ■ 1
■ .
fS ■
rum Fá-vcí\x- li tu- ó- rum Sol- ve póllu-ti Lá-\A- i
•! S
r.
■S ■
r. ■ .
"■a ■
re- á-tum 5áncte /o-ánnes. ^
' Édition typique, p. 619.
No 674. — 1
Première Partie.
En 1673 Bononcini changea le nom de ut par celui de do.
Le nom de la note si, composé des deux premières lettres des
deux derniers mots, fut introduit plus tard.
6. — Avant Guy d'Arezzo on désignait les notes par les lettres
de Talphabet :
C D E F G A B
do ré mi fa sol la si (b ou b).
7. — La note ordinaire du chant grégorien s'appelle punctum
quadratuni et s'écrit ainsi :
8. — Sa valeur se modifie diversement par l'addition du point ■•
ou par Xépishne de reta7'd |
9. — Les notes se placent sur une portée composée de quatre
lignes horizontales et de trois espaces blancs ou interlignes :
l 3
Lignes 2 2 Interlignes
10. — Quand les notes dépassent la portée, on emploie, pour
les recevoir, d'autres lignes qui s'appellent lignes supplémentaires :
r^
A^
II. — On connaît le nom des notes sur la portée au moyen d'un
signe appelé clef, qui dérive des anciennes lettres musicales.
Actuellement deux clefs sont seules en usage en chant gré-
gorien, les clefs
de^.g(C) etde/.^(/J.
Toutes les notes, qui se trouvent sur la même ligne que la clef,
portent son nom. On part de cette ligne pour connaître, soit en
montant soit en descendant, le nom des autres notes.
.-fVa
!»■« Leçon.
Voici quelques exemples de clefs sur différentes lignes :
do ré mi fa do ré mi fa sol la
-««•-
do si la sol fa mi ré do
f
■
— «-
s
■
B
-■ =
do si la sol fa mi ré
do ré mi fa sol la si do
* .1. ;
do si la sol fa mi
aP
fa
sol la
si
■m
--■ ■
'5
■ ■
■
■
■
-«-
fa sol la si do ré
HMHh
fa mi ré do si la solfa
fa mi ré do si la
Le maître dev7'a écrire sur un tableau rayé une série de notes ^ à
intervalles tantôt conjoints et tantôt disf oints ^ et demander leur nom
aux élèves. Il leur demandera aussi quelle note est sur telle partie de
la portée^ quand la clef est sur telle ligne, etc.
12. — Le guidon est un signe q^ui se place à la fin de la portée
pour indiquer d'avance la première note de la portée suivante.
On l'emploie aussi en pleine portée lorsque l'extension de la
mélodie oblige à un changement de clef, sans qu'il y ait pour cela
un changement de ton :
c ■"'Sñ
'fi^
1
-a-i — ■-
do Láu-dem
13' — La virgule (5) indique une respiration très rapide et qui
doit être prise sur la durée de la note précédente.
Première Partie.
14. — Le quart de bai're et la demi-barre
quart de barre demi-barre
marquent des pauses secondaires qui se font également en prenant
sur la valeur de la note antérieure.
On verra plus loin le rôle que joue chacun de ces signes dans la
ponctuation de la phrase musicale.
15. — La gra7îde barre
représente un silence de la durée d'un temps ou de la valeur
d'une note.
2^ Leçon.
Echelle diatonique. — Tons et de^ni-tons. — Le bémol.
Le bécarre. — Echelle chromatique.
16. — On a dit, en définissant le chant grégorien, qu'il est une
musique du ge^ire diatonique.
Pour comprendre cette première partie de la définition, il faut
savoir que Véchelle ou la ga^nme diatonique est une série de sept
sons qui procèdent naturellement par tons et demi-tons.
17. — Il n'y a que deux demi-tons dans la gamme diatonique.
Ils se trouvent entre mi, fa et si, do. Toutes les autres notes
sont à intervalles d'un ton.
g , ■ ■
ton ton Yz ton ton ton ton yi ton
18. — Une seule altération est permise en chant grégorien. Elle
consiste à transporter entre le la et le si le demi-ton qui se trouve
entre le si et le do.
Cette opération se fait au moyen du bémol^.
\ r-nri — ■ —
fi
ton ton Yz ton ton ton Yi ton ton
S'"*^ Leçon, 5
19. — Dans rédition vaticane et ses reproductions, l'effet du
bémol se prolonge : i*^ tant que dure la parole en tête de laquelle
il est placé, et 2° jusqu'à la première barre de séparation qui se
présente.
Si avant une nouvelle parole ou une barre de séparation le si
doit recouvrer son état naturel, on emploie le bécarre \.
20. — La gamme chromatique de la musique moderne se dis-
tingue de la gamme diatonique, seule employée dans le chant
grégorien, par la subdivision de tous les tons en demi-tons au
moyen du dièse \.
\
DIATON.
CHROMAT.
■ l^^^fa^^j^^ife^^^
d. d. d. d. d. d. d.
d.
3e Leçon.
Intervalle. — Intervalles conjoints et disjoints.
Intervalle de seconde : majeure et m,ineure. — Exercices.
21. — La distance entre deux sons quelconques de la gamme
diatonique s'appelle intervalle musical.
22. — Les intervalles sont conjoints ou disjoints.
Ils sont conjoints quand ils se suivent immédiatement, et
disjoints quand ils sont séparés par d'autres intervalles.
e
Conjoints.
-•^^
-«=^
(ré)
Disjoints.
(mi-fa)
(sol, la, si)
Première Partie.
23. — En chant grégorien les intervalles peuvent comprendre
jusqu'à huit notes. Selon leur étendue, on les appelle : seconde^
tierce^ quarte^ quinte^ sixte, septième et octave.
24. — Par intervalle de seconde on entend la distance d'un ton
ou d'un demi-ton.
25. — L'intervalle de seconde peut être majeur ou '¡nineur.
26. — Il est majeur quand la distance est d'un ton, et mineur
quand elle n'est que d'un demi-ton.
Le maître devra indiquer quelles sont dans réchelle diatonique,
m.êm,e qua7îd le si est bémol, les secondes ^najeur^s et m.ineures.
Quon ait soin de chanter lentement les deux exercices suivants
jusqu'à ce que V élève se rende compte par lui-7nême de la parfaite
émission de chaque note. Il appartiendra au maître de faire prolonger
les notes à son gré.
1
■
■
-— n
— »-
■ -
■ ■ ■
■
.
- ■
■ ■ . il
■
^»
^
" ■•
1
- ■ "
■ -
- ■•
, ■
■"
■ ■
•
■ -
_ . • ■
"
■ ■ . .
27.
28.
4^ Leçon.
Parfaite émission des notes. — Exercices de solfège
par intervalles de seconde.
Les exercices suivants ont pour but d'obtenir la précision et la
clarté dans l'émission des notes en même temps que la sûreté en
passant de l'une à l'autre.
29. — Que l'attaque de chaque note se fasse sans hésitation,
directement, sans aspiration, sans port de voix. On aura atteint la
perfection lorsque chaque note sera émise sans effort apparent,
sans rudesse et avec netteté.
Le maître peut aider beaucoup ses élèves à obtenir ce résultat.
Il devra toujours accompagner le chant du geste rythmique de
la main, d'après l'exposition qui en est faite au chap. IX (IP partie).
En demandant à ses élèves d'imiter son exemple, qu'il les
avertisse de faire coïncider très exactement les notes affectées de
l'épisème vertical (appui rythmique) avec le baissé de la main.
4""^ Leçon
7
arsis
arsis thésis
1
^0.
- - .■-■-.
1
-■-■-•
■ ^
-■"■•' 7 7
■ " ■• T 7 " '
1
- -■-■-.
■ ■ -
H B *
■ "
. ■ ■•
7 7"
■ ■ ■
" ■•
1 1
1 1
• •
a. t.
t. ;
-•
C î ■ ?
■ ■ .
■ 1 ■•
• •*
,
1 ■ 1 ■ ■ a
? ■ ■
1 B B*
, ■ 1 ■
m
t.
a. t.
m
■ ■ -*
? ■ ?
■ - ' ■ ■ ■•
— m—^
. ■ ■ ■•-!
a. a. t.
1
a. t.
1
• ' ' m-
:^i. ■*■■■•■■■■"
■ ■ ■ 1 ■
1 i
fi 1 -• --■••-■-■■il
n . ■■•'■■■■
■ - ■ - 1 - . - 1
■ ■ ■ ■ ■ , ■
' '
1 1
a. t. t. a. t.
Í • • ■
1 1- l-l-,- ■"■.■••J
II" i
P 1 1
Í . ■ ■ n- ■ ' '
■ ■■o"' ■■. ■• a 1
'■ ■.■«■ ■■■.■• J
1 • ■ '
a. t.
«
«?.,.■■•
1
8
Première Partie.
(E
xercice de D. Mocquereau).
t. t. a. a. t.
1
E >
1
1
1\2.
■
m
■
.*
1
■
-• ■■'■■■•
m ■
? ■
1
■
1
■ ■ ? ■
1
•
■ ■ ■
- ■
1
■ .
m*
1
, ■
1
■
■
■•
■ ■ ? ■ ■ 7
1
•
P .
■
■• I ■ ■ "^ ■ ■ ■•
a.
t.
t.
■*
1 S
c ■ ■
1
■
■ ' T ■ ,
I
1
1
a.
t.
t.
■
■* - - '
C ' ■
■
7 ■ , ■ " ■•
■ -
. ■
.• (
J
1
■ , - , - -
i 1 1
^ 1 '
c , . '
'
T ■
■
"
■• ■ ■ ■ ■•
■
■
1
■ ■ ■ ■ ■
7 ■
■ ■
■•
1
7
1
5-»^
,
J^
-»^
5e Leçon.
N eûmes : de deux^ de trois et de quatre notes. — N eûmes spéciaux.
Exercices.
33. — La réunion de plusieurs notes en un seul groupe s'appelle
neu7ne.
Les neumes en usage dans la notation actuelle du chant gré-
gorien sont les suivants :
34. — a) NEUMES DE DEUX NOTES.
Pes ou Podatus
_ fa sol fa la sol do
1 -7 — r-
Clivis
la sol do sol la ré
Bivirga
í=í
HHV-
-^-n-
5"^* Leçon,
35. — b) NEUMES DE TROIS NOTES.
Torcuîus Porrectus Climacus
.do la si la sol la fa ré sol ^
tus
í¿
Scandicus
Salicus
il J J
Í— î
■ ■
36. — c) NEUMES DE QUATRE NOTES.
Porrectus flexus Scandicus flexus Salicus flexus
^=t
m m-
Torculus resupinus
Climacus resupinus
1
-"♦ ,
♦•■
♦■
V
\
37. — d) NEUMES SPÉCIAUX.
Quilisma Apostropha. Dist. Trist. Oriscus
h-^
w
-■-■-
^+
^ ^
-H^-
HHMh
OU
OU
38. — SEMIVOCAUX ET LIQUESCENTS.
EpipJionus Cephalicus Ancus
ou Podafus liqiiescent ou Clivis liquescenie ou Climacus liquescent
g g g_ ^
U-
Prcssus
5;:
39. ]% F'p. z:^
10
Première Partie.
a.a.t. t.
a.a.t. t.
a. a. t.
a.a. t. t.
a.t.a. t. t.
■
r»^
40.
A
T^
U
^^.
Nt
t. a.t. t.
a. t. t.
*- — 1M^.-
a. a. t. t. a.a.t. t. a.a. t. t.
a. t. t.
a.t. a. t.
41.
1 ♦
^♦r*
■»43
a. t. a. t.
M^
a. 1. 1. a. t.
a.a. t. t. a. t.
^-^^
a. a.t.
42.
♦^ »5,
¡♦^i^
♦-=-*r»^
k5«
*♦:
5Í
♦ î
WA. — i
a. t. a.t. t. t.
*♦!
V^^^I^^X*^
6« Leçon.
Emission de la voix : l'ègles. — Vocalisation : règles : exercices.
43. — Dès qu'on est arrivé à parcourir l'échelle musicale des
sons avec sûreté et perfection, il convient, avant d'aller plus loin,
de savoir ce qui se rapporte à la parfaite émission de la voix, dans
la crainte que ceux qui auraient déjà contracté des défauts qui lui
sont contraires, ne soient inaptes à chanter comme il faut les
mélodies du chant grégorien.
^ La voix est, selon l'expression des auteurs, l'instrument admi-
rable dont la divine Providence nous a doués pour exprimer nos
pensées et nos sentiments. Jamais l'homme n'arrivera à inventer
un instrument aussi parfait que la voix humaine. De sa culture
proviennent, en grande partie, les aptitudes qu'elle a à chanter
avec grâce et expression les paroles sacrées.
Pour chanter convenablement, voici les règles qu'il faut scrupu-
leusement observer :
44. — 1° Autant que possible, on doit chanter debout.
6""= Leçon.
n
2" Jamais la tête ne doit être baissée, mais plutôt légèrement
relevée en arrière, tandis que la poitrine se porte un peu en avant.
30 II ne faut jamais croiser les bras sur la poitrine, et si on a un
livre entre les mains, qu'on le tienne à une petite distance et à la
hauteur de la bouche.
40 Ouvrir convenablement la bouche de façon à avoir les lèvres
dans l'état où elles se trouvent quand on sourit.
50 Sa position, ainsi plus arrondie qu'ovale, doit cependant se
modifier selon que l'exige l'émission normale de chaque voyelle.
6° Que la voix soit claire, sans nasillement et sans conti:action
des muscles du larynx.
70 L'aspiration doit partir du fond des poumons et se faire sans
bruit. Retenir et ménager ensuite l'air de manière à n'avoir pas à
reprendre haleine à tout moment.
Le professeur doit expliquer pratiquement toutes ces règles^ et
faire voir les défauts dans lesquels tombent ceux qui ne les observent
pas. — Cela fait, on passera aux exercices de vocalisation.
45. — Vocaliser, c'est adapter les voyelles à des séries de notes,
soit sur le même degré, soit sur des degrés différents.
— L' application de cette règle aux exercices suivants donnera
sûrement cV excellents résultats.
46. — Pendant que dure l'émission de la même voyelle, la
langue et les lèvres doivent rester immobiles.
De plus, qu'on fasse en sorte de ne pas marteler les sons, mais
de les lier les uns aux autres. Le professeur avertira ses élèves de
renforcer délicatement la voix quand il décrit de sa main un mou-
vement arsique, et de l'adoucir au contraire quand il dessine un
geste thétique.
F ^'
a.
t.
1
47.
•
1
_ .^ .^ .-^ -»•
■ ■■■■■
1 1
■
1
a
■ ■■■•7 "7"" '
e i 0 u. a e i 0 u.
b
•
■ ■■■■* ""T
i
■ ■■■■■
1 1
1 1
t 1
1
e ""■
t.
1 B fl B B fl*
m
1
1
■ ■■■■• ■■■■■•
1
t
i
12
Première Partie.
t. t.
■ ■•
■ ■ ■ ■ ■
■ ■■■•■•
On chantera d'abord très lentement l'exercice suivant, comme
si chaque note était accompagnée du point qui double sa valeur;
ensuite, le maître marquant le rythme comme il a été dit, on
accélérera peu à peu le mouvement jusqu'à obtenir une exécution
vive et liée. — Il sera utile de varier l'interprétation rythmique
afin d'habituer les élèves aux diverses nuances du rythme.
On commencera par chanter sur une même voyelle, puis on les
émettra successivement toutes les cinq, ou bien de toute autre
manière, selon que le professeur jugera à propos.
48.
t
A . .
E . .
I . .
O . .
U . .
t. t.
Avant d'aller plus loin, qu'on revienne sur les exercices précé-
dents en les vocalisant comme nous venons de l'expliquer.
7e Leçon.
Style lié. — Avertissements. — Règles.
Exercices.
49. — Il est souverainement important que l'exécution du chant
grégorien soit d'un style lié.
Sans style lié, en effet, le chant liturgique est dépourvu de
beauté, de transparence et de grâce.
50. — Pour arriver à ce style lié il est d'abord nécessaire de
grouper les notes de deux en deux, ou de trois en trois, comme il
a été indiqué dans les précédents exercices; il faut ensuite passer
d'un groupe à un autre et même distinctement d'une note à une
autre d'un môme groupe, mais en coulant si bien les sons que.
7""^ Leçon,
13
sans traîner la voix, notes et groupes soient émis comme d'une
seule impulsion.
51. — Les exercices suivants ont pour but de conduire à ce
résultat. Voici comment on les chantera :
1° Aspirer d'abord largement et à son aise, puis ménager l'air de
manière à ne pas le dépenser tout en un moment.
2° Chaque exercice devra être chanté en entier sur chaque
voyelle, en conservant la même du commencement à la fin.
30 On commencera à chanter très doucement, à mz-voix; ensuite
on ira. peu à peu en augmentant, mais sans jamais crier.
40 De même, au début, le mouvement sera lent, puis plus rapide,
mais toujours soutenu de façon à ce que toutes les notes aient une
égale valeur.
Nous laissons au professeur la liberté d'adopter toutes les com-
binaisons rythmiques possibles, en plaçant à son gré les arsis et
les thésis.
52.
53.
54.
55.
56.
f
tiftr — Hiit — irîiv — a a a a A.
ai^ V a a^ a^s» a a^' a^ a^»»- a a^ a> a^' a^v
Jl\. a?t> a^\ t^ i^^^^.
t\ S\S^\ ' ,a^v,aH,.a^v
— r*^; — a — ^"a — "^^ — a — ^*i — ^^1 — ^
,■♦.
^'\i^'\: sJ-^!.a= \i 'X
♦• ■
57. . .!''*♦
iH
t^. — :S^
s* ^^
a ■v.a
^^
a 'V.a
%-
r*-*
T*i
x*-f
1^*:
^
14
58.
Première Partie.
^
Tt
^
T*i7
*^
V
■ ■
■ ■'
■ ■'
V
■ ■'
8« Leçon.
Intervalles de tierce : majeure et tnineure. — Exercices.
59. — L'intervalle de tierce est celui qui comprend trois degrés
immédiats de l'échelle.
60. — Si ces trois degrés ne renferment pas un demi-ton, la
tierce est majeure.
Exemple :
Tierce majeure.
61.
\
ton ton
ton ton
ton ton
S'ils contiennent un demi-ton, la tierce est m^ineure.
Exemple :
Tierce mineure.
\
t
62.
ton demi-t.
d.-t. ton
ton d.-t.
d.-t. ton
Tous les exercices d'intervalles doivent d'abord être solfiés jusquà
ce que l'on puisse passer d'une note à l'autre sans broncher ; ensuite
ils seront vocalises de la manière indiquée plus haut.
_ a. a. t.
" 1
1
1 > >
0^ - ■■■■■■•"
_ ■ ■ ■ ■ -• ■ ■ j ■ 1
■ ■?■.?■'■•
' a. t. t.
'lia--'
^ .^" 1 .t|" ■•
"■■"■•'■■ ■ 1
■ ■? ■• ■■n, ■
■ ■ ' ■ ■ ■. '
1
1 :
9"^= Leçon.
15
a. a. t.
F-fr
^
64.
a. t.
■ É~
HHI-
■ ■
■*»■
■ ■
-M-
a. a. t.
T «ï
-M-
^-^
-•#-
6s.
a. t.
^
■ ■ ^ JU
-**
ÍSÍ
Mzísíd
-N fsa ^ A
a. t. a. t, t. a. t. a.t, a. a.t.
H»
a.a. t. t. a. a.t
i
ts-ç
66.
*
♦• ■
i*
♦^— ^
ki T
a. t. a. t. t. t.
M--^
9« Leçon.
Intervalle de quarte .\ juste et augmentée. — Exercices,
67. — L'intervalle de quarte est celui qui comprend quatre
degrés immédiats de l'échelle.
68. — On l'appelle quarte juste quand elle renferme deux tons
et un demi-ton, soit que les deux tons se rencontrent au commen-
cement ou à la fin de l'intervalle, soit que le demi-ton se trouve
intercalé entre eux.
16
Première Partie.
Quarte juste.
.9-^.
ton ton demi-t.
ton d.-t. ton
d.-t. ton ton
69. — Si l'intervalle de quarte compte trois tons successifs, elle
reçoit le nom de quarte augmentée ou triton.
Quarte augmentée.
\
ton ton ton
^ a. a. t.
W 1
1
C '
1
■
70. ,
■
■
■
. ■ ?
•*
1
, ■ ■
■
,• ■ ■
•
■•
7
1
P ■ 1
1
■
■
a. t.
" ■
t.
■• 1
■
a*
1 ■ " '
■ ■
■
.*
. ■ a
1
■ ■ ■
1
■ ■ ' ■• ?
•
■
■
1
■
1 i r
«
1
t. t. a. t.
b ■ ■•
' . -•
^ Il
' ■ ■
■ ■ ■
■ ■•
■ ■
? ■
-^-^-^ —
■
a. t.
71
• — « — ^-
Î^
A. A- I NClA^u
a. t.t.
ÎPS
10*= Leçon.
17
a. a. a. t.
72.
a. t. 1. 1.
i^^?±^U
-ft-' , w bw
Í
'-h
tfp%=
10« Leçon.
Intervalle de quinte : juste et diminuée. — Exercices.
73. — L'intervalle de quinte est formé de cinq degrés consécutifs
de l'échelle.
74. — Trois tons et un demi-ton entrent dans la formation de
cet intervalle.
Quinte juste.
.te^
ton ton d. t. ton ton d. t. ton ton
75* — La quinte diminuée contient deux tons et deux demi-tons.
Quinte diminuée.
t
d. t. ton ton d.-t.
La quinte diminuée était inconnue de l'ancien chant grégorien,
mais elle a été parfois employée dans des compositions plus
récentes.
76.
\
a. t.
18
Première Partie.
a. t.
f^
a.
t. t.
77.
a. t.
+-i
i
^^
78.
^
■ ■
m ñ
H
11« Leçon.
Intervalles de sixte, de septihne et d'octave,
79. — L'intervalle de sixte, d'un usage très rare dans le chant
grégorien, se compose de six degrés de l'échelle.
80. — Il peut être majeur ou mineur. — Il est majeur s'il con-
tient quatre tons et un demi-ton :
5—
t. t. d. t. t. t. t. t. d. t. t.
Il est mineur s'il comprend trois tons et deux demi-tons :
Ê TTï-^
t. d. t. t d.
12« Leçon.
19
¡ , 8i. — L'intervalle de septième n'est pas en usage dans le vrai
chant grégorien. Il embrasse sept degrés.
■ \
F ■ n
^ ° D
° D □
° ■
82.-
- Uoctave renferme huit degrés.^
F ■
Í G °
Q Ü °
- Q ° °
12e Leçon.
Importance de la bonne lecture. — Règles essentielles.
Prononciation : voyelles^ consonnes^ syllabes.
83. — Avant de passer à la seconde partie, il convient de
connaître les règles pratiques dont dépend la bonne lecture de la
langue latine, la seule en usage dans la liturgie.
Pour bien chanter, en effet, et pour donner au chant toute
l'expression qu'il requiert, la première condition est de bien lire.
Les règles à observer pour obtenir une bonne lecture peuvent se
ramener à trois chefs principaux :
1° Prononciation correcte des paroles;
2° Accentuation;
30 Phrasé.
84. — Prononciation.
Les lettres se divisent en voyelles et en consonnes.
Les voyelles étant l'âme des mots, il faut les prononcer avec une
pureté et une clarté parfaites. On donnera à chacune son timbre
propre, et pour ne pas porter à celui-ci la moindre atteinte, on
évitera soigneusement, pendant l'émission de la voyelle, de modi-
fier tant soit peu la position première de la langue et des lèvres.
Les consonnes, comme leur nom l'indique, ne peuvent être pro-
noncées qu'au contact d'un autre élément, les voyelles. Il faut les
* En fait, l'intervalle d'octave n'existe pas en chant grégorien. On le rencontre
quelquefois, mais dans des compositions de la dernière période et seulement
entre deux phrases musicales. Les Sanctiis des messes IX et XIV en offrent
chacun un exemple.
20 Première Partie.
émettre avec énergie et netteté; sans cela les mots seraient inintel-
ligibles et la lecture manquerait de vigueur. ^
85. — Les lettres s'unissent pour former les syllabes. Dans
l'émission de celles-ci on doit bien se garder de séparer chaque
élément d'une syllabe pour la joindre à une autre, en disant, par
exemple, y«¿^27<2-^/¿7 ^our jubi-la-tio. 2
86. — Quant à la prononciation des mots, se rappeler toujours
la fameuse règle appelée règle d'or : Non débet fieri pausa, quando
débet exprùni sy liaba inchoatœ dictionis.'i
^ Règles essentielles de la prononciation romaine du latin. On sait qu'elle
intéresse souverainement la restauration intégrale du chant grégorien.
C doux se prononce ch après une consonne, dch après une voyelle ou au
commencement d'un mot : (itcere = diáchere^ Q¿?lum = ácheh¿m.
G doux se prononce comme le/ dans le français après une consonne ; comme
dj après une voyelle ou au commencement d'un mot : vigére — viagère.
Gn, même prononciation qu'en français : magnificat = 7nagmfique.
H dans nihil, vtiki, et leurs dérivés se prononce k : nihil = nikil.
J se change toujours en z.
S entre deux voyelles est doux : rosa = rose; il est dur après une consonne.
Se se prononce comme ch en français : descendit = dechennditt.
T devant i et non précédé dV ou de ;r a le son de ss; précédé d'une voyelle,
il se prononce ds : graiia — graásia.
U se prononce toujours ou.
X après une voyelle, e excepté, est toujours dur ; il est doux après e .-exalta =
examen. Avant j il reste dur, quoique précédé d'une voyelle -.exsulta = ^xer.
' A notre avis, il n'est pas superflu d'insérer ici en note quelques règles
relatives à V union et à la division des lettres dans P écriture du latin. Elles
seront d'une très appréciable utilité, pour prononcer les lettres comme il
convient à la place qic' elles occupc7it dans la syllabe ou dans le mot.
r° Règle. — On ne doit pas doubler une consonne au commencement et à
la fin d'un mot. Pour qu'elle soit doublée, il faut qu'elle soit placée dans le
corps d'un mot entre deux voyelles comme dans a7inus., ijitelligo. Si, dans le
corps d'un mot, elle est liquide, il va sans dire que la durée de sa prononciation
est encore moins longue : Afiïigo, attribuo.
2^ Règle. — Lorsqu'une consonne se trouve entre deux voyelles dans les
mots sim.ples, c'est à la seconde qu'elle est jointe : A-mor, Le-por.
3^ Règle. — Lorsque deux consonnes sont placées entre deux voyelles,
elles doivent être séparées : Ec-ce, car-neni.
4* Règle. — Les consonnes qui peuvent être jointes l'une à l'autre au
commencement d'un mot ne doivent jamais être séparées : 0-m?îis., A-gnus,
Pa-stor., etc.. Ces consonnes sont les suivantes : Ed., Bl, Br, Cl, Cm, Cn, Ct,
Cr, Dm, Dn, Dr, FI, Fr, Gl, Gn, Gr, Mn, Ph, Phi, Phn, Phr, Phth, PI, Pn,
Pr, Ps, Pt, Se, Scr, Sh, Sgn, Sp, Sph, St, Sth, Str, Th, Thn, Tl, Tfn, Tr.
5^ Règle. — Dans les mots composés, les consonnes restent unies à la
voyelle avec laquelle elles faisaient corps avant que le mot fut composé :
Ab-eo, ad-oro, con-scientia, et di-stinctio, en \ertu de la règle 4* {st) et de la 5*
{distin et scio).
3 Élie Salomón, Scientia artis musicce. Cap. XI.
14« Leçon, 21
13« Leçon.
Accentuation. — Accent tonique. — Accents pi'incipal et secondaire.
87. — • Ni la prononciation correcte des syllabes, ni leur émission
parfaite, ne suffisent pour donner au mot son unité.
Pour constituer le mot, ses éléments ont besoin d'un principe
vital, d'un facteur intime qui est \ accent.
La syllabe accentuée est comme un point lumineux qui répand
la lumière sur les autres syllabes, ou comme la clef de voûte qui sou-
tient les diverses arches d'un pont. En résumé, elle est l'âme du mot.
88. — Par accent nous entendons ici X accent tonique^ c'est-à-dire
une syllabe plus intense que les autres.
89. — L'intensité qui caractérise l'accent tonique doit être
modérée.
Elle n'est pas un poids qui l'écrase, mais bien une impulsion
qui le soulève. Très différent de l'accent des langues romanes,
lourd et grave, l'accent latin est, de sa nature, léger et aigu.
90. — Tout ce que nous avons dit antérieurement du style lié dans
l'exécution des neumes, s'applique également à l'émission des mots.
Comme les neumes, les mots doivent être prononcés d'une seule
respiration et d'une seule impulsion.
91. — La grammaire enseigne quels sont les mots qui ont un
accent et quelle est la syllabe qui le porte. Rappelons seulement
ici que les mots de plus de trois syllabes admettent des accents
secondaires, v. gr. : dóminátiónem^ înitnicus.
Bien accentuée, la lecture devient en quelque sorte un chant
que l'on entend avec satisfaction.
14^ Leçon.
Phrasé. — Ustión et Distinction. — Mots : incises :
membj'es .-phrase. — Accents phraséologiques. — Exercices.
92. — Phrasé.
De même que les syllabes s'unissent entre elles pour former les
mots, de même les mots se rassemblent pour constituer les phrases.
C'est sur cette dépendance des mots les uns à l'égard des autres
que repose essentiellement \q phrasé.
La réunion de plusieurs syllabes sous l'influence de l'accent
tonique constitue le mot. La réunion de plusieurs mots, subor-
donnés à un accent d'ordre supérieur ou phraséologique, constitue
une phrase ou un membre de phrase.
Savoir distinguer et unir tout ensemble les divers membres
d'une phrase est absolument nécessaire.
22
Première Partie.
a
o
c
4-)
3
>
C
C
c
C
(L>
;?
(D
•s»
"^-
V.1
îi
-i-i
•Cî
C/5
-u
Ci
-rt
*J
<1)
<D
u.
5Í
<— •
(l>
y
i.
S
CL
KJ
a
nJ
v^
w^
m
o
Ov
y-i
l \^ ^.:
3
C
3
u ^
V
ni
u
■5^
— o"_i
c u
c
3
>
O
oí
o V
c
u
■4—»
c
rt
E
^H
1
4-1
u cr
^
c NU
a
— ' (T.
3
>
u=:
• v^
-c
V
et
> —
I
v-O ^
c u
I— ( -4;
■4-*
s
— in - —
Q-
vH2 V
fo
rr*
o;
-J-»
3
O
cr
£
t/î
C)
(/j
■4-»
<i)
-v
O
c
o
ifi
c
C
^3
'o
•4-*
S
(L)
3
r"
O
O
a:
•i-l
3
u
c
Cl-
•4->
eo
Í/2
r"
t! :^V>A
n:: o
^'%
c/j *-•
O en
CL Ü
«J T3
•4->
3 g
'- "a
3 P
tfï .3
CL -^
'5 §
CL-^
— J
'<U vu
> JL
•4-»
3 O
-4-» "O
^ r-
^^ I X
CL o
3 O
O C ¿
^ O c
u '^ S
CLTJ ^
_ o
2 rt 3
C
O
(t5
O
t/5
Si 3
3
!ü
CO
C
3
(D
C
V5 (D
;^ (D
a 3
CL^CT"
4-r *c
c o
3 (L)
rt CL
3
O
5 =5
o <U
a3 <^
Í2 ^
?: -3
"^ CL
S ^ .
tfî ü c
•§ S <^
5; o 73
3 -'-'
o o
^^s; "^
a;
3
cr u
W3
tO ü
3 î-
CJ 3
C "^ -O T3
"" "^ ^^
■*-• 3 tJO
CL^^ O
P '-^^
= S^ rt
. 3 Im
c
o
c;
8 ais
^ S ^ -
(D o .2
g 21
•- CL-Û
^ -Îj CL C ^
c/f 3 Z3 C V^
O rt 3 O W U
^ O • 2 ^ 03 ^
' 3^ i¿ - c/: u
ti 3 53 ^ i5
v: 3 u ^
CL
3
3
C/)
<D
I
'u
CL
S
V
X
<U
CL
3
O
fcJO
C
rt
en
en
'5
a
6
en
V)
"(3
/^
c
o
e
s
«u
e
c
3
en
(D
en
tn
'Oj ,,_,
3
en
ai
CL V
en
(U
CL
a
en
U
3
3
NU
<U
3
cr
^^-(Uj^enî^r-CL -^
^ 3 :±;t^'^-:=3T- 4-.
O
o
cr .o^ o
'So = ::;
o o .t¿
■^ .S
o ;-
O 3
C --cj O
c^ 3
§
^
O
o
"t: CL ft
S^ ^ -3
ü -^ —
en -^
^U 3
CL ÍJ
3 ^
O
Os
. - '■/■. ^ 3
o '^ r-
3
3-2
- 30 t£ i
;j J U •- -J y: ^
CL t: V
o
3
"o.
(U
u
(J
oí
í:
s
14« Leçon. 23
les mots ensemble ; il les détache au contraire par son uniformité
même. Donc, rien pour le phrasé dans cette première ligne.
2""' Ligne. — Quatre accents se détachent légèrement sur les autres.
C'est suffisant pour obtenir autant de petits groupements de mots
appelés incises. Ce sont les plus petites subdivisions de la phrase.
j"" Ligne. — Deux accents seulement prédominent, mais avec
un degré supérieur à celui des précédents. En conséquence,, au
lifeu de réunir quelques mots seulement, ils joignent les quatre
incises deux par deux et constituent ainsi deux membres de
phrase appelés membre antécédent et membre subséquent. Ce sont
les divisions principales de toute la phrase.
^f^ Ligne. — Un seul accent; il domine tous les autres et fait de
l'ensemble des divisions, qu'ils commandent respectivement, un
seul tout : la phrase. \.\ ^
95. — Telle est la puissance d'unification des accents phraséolo-
giques. Aussi il faut bien se garder, en lisant, de donner la même
intensité à tous les accents toniques, les accents phraséologiques
n'étant en réalité que des accents toniques plus marqués. ;
96. — La distinction entre les incises ne doit pas être telle
qu'elle brise l'unité du membre, ni la pause entre les membres si
importante qu'elle détruise la phrase en séparant trop ses éléments
constitutifs. Pour bien phraser, il faut se guider d'après le sens du
texte et donner aux différentes pauses la mesure respective que
l'oreille apprécie naturellement.
97. — La lecture est alors un va-et-vient, une ondulation con-
tinue et variée des syllabes et des mots qui captive notre attention
et charme notre oreille.
Combien la psalmodie et les récitatifs gagneraient à être con-
duits conformément à ces règles!
Ces règles^ le maître aura à cœur de bien e7i apprendre la théorie
et la pratique à ses élèves^ car elles sont d'une im^portance capitale
pour la bonne exécution du chant.
Quand ils sauront parfaitement lire recto tono les exemples sui-
vants^ ils se serviront du bréviaire et des autres livres liturgiques ;
on ne saurait trop insister dans ce genre d'exercices.
98. Psaume 107.
Díxit-Dóminus Dómino-méo : * Sede a-déxtris-méis :
Donec-pónam inimícos-túos, * scabéllum pédum-tuórum.
Vírgam-virtútis-túae emíttet-Dóminus-ex-Síon : * dominare in-
médio-inimicórum-tuórum.
Técum-princípium in-díe-virtútis-túae in-splendóribus-sanctó-
rum : * ex-útero ante-lucíferum génui-te.
24 Première Partie.
Jurávit-Dóminus et-nón-paenitébit-éum : * Tu-es-sacérdos-in-
aetérnum secúndum-órdinem-Melchísedech.
Dóminus a-déxtris-túis, * confrégit in-díe-írae-súae reges.
ludicábit-in-natiónibus, implébit-ruínas : * conquassábit-cápita
in-térra multórum.
De-torrénte in-vía-bíbet : * proptérea exaltábit-cáput.
Glória-Pátri, et-Fílio, * et-Spirítui-Sáncto.
Sicut-érat-in-princípio, et-núnc, et-sémper, * et-in-saécula-
saeculórum. Amen.
99. Psaume 110.
Confitébor-tíbi-Dómine in-tóto-córde-méo : * in-consílio-iustó-
rum et-congregatióne.
Magna ópera-Dómini : * exquisita in-ómnes-voluntátes-éius.
Conféssio-et-magnificéntia ópus-éius : * et-iustítia-éius mánet-
in-saéculum-saéculi.
Memóriam-fécit mirabílium-suórum, f miséricors-et-miserátor-
Dóminus : * éscam-dédit timéntibus-se.
Mémor érit-in saéculum testaménti-súi : * virtútem-óperum-
suórum annuntiábit-pópulo-súo.
Ut-det-íllis haereditátem-géntium : * ópera-mánuum-éius véritas-
et-iudícium.
Fidélia ómnia-mandáta-éius: ~ confirmáta in-saéculum-saéculi : *
fácta in-veritáte-et-aequitáte.
Redemptiónem-mísit pópulo-súo : * mandávit-in-aetérnum testa-
méntum-súum.
Sánctum-et-terríbile nónien-éius : * inítium-sapiéntiae tímor-
Dómini.
Intelléctus-bónus ómnibus-faciéntibus-éum : * laudátio-éius
mánet-in-saéculum-saéculi.
100. Canticum B. Mariae Virgiris. Luc i.
Magníficat * ánima-méa Dóminum.
Et-exsultávit spíritus-méus * in-Déo salutári-méo.
Quia-respéxit-humilitátem ancíllae-súae : * ecce-enim-ex-hoc
beátam-me-dícent ómnes-generatiónes.
Quia-fécit-míhi-mágna, qui-pótens-est : * et-sánctum nómen-éius.
Et-misericórdia-éius a-progénie-in-progénies * timéntibus-éum.
Fécit-poténtiam in-bráchio-súo : * dispérsit-supérbos ménte-
córdis-sui.
Depósuit-poténtes de-séde, * et-exaltávit-húmiles.
Esuriéntes implévit-bónis : * et-dívites dimísit-inánes,
Suscépit-Israel púerum-súum, * recordátus misericórdiae-súae.
Sicut-locútus-est ad-pátres nóstros, * Abraham êl-sémini-éius
in-saécula.
DEUXIEME PARTIE.
CHAPITRE PREMIER.
Tonalité grégorienne.
Son importance. — Gamme fondamentale. — Eléments constitutifs
du ton. — Extension mélodique. — Tons et demi-tons. — Toniques.
— Dofninantes : leur importance. — Tableau complet. — Tonique
et do7ninante de chaque mode. — Tons tra?tsposés : mixtes. —
Modulations : changements de mode. — La modulation grégorienne
est riche et mixte. — Exercices.
101. — La connaissance des modes est d'une importance
souveraine en chant grégorien aussi bien qu'en musique.
Aujourd'hui surtout qu'on revient à la modalité antique, afin de
procurer plus de variété aux compositions modernes et de donner
un caractère plus religieux à celles qui sont particulièrement
destinées au culte, il est nécessaire de définir en termes très précis
en quoi consiste la tonalité grégorienne.
Nous n'en étudierons la théorie qu'autant que sa connaissance
importe à la pratique, restant ainsi dans le cadre didactique qui
convient à une méthode.
102. — Il faut rappeler d'abord que la gamme diatonique, seule
en usage dans le chant grégorien, est tirée de l'échelle suivante :
A B C D E F G
f g
^
à laquelle les anciens ajoutaient, comme complément deux notes
extrêmes :
26 Deuxième Partie.
ABCDEFGabcdefgaa
1^
^H-t
(-.-)■
103. — Tous les degrés de cette échelle s'emploient en chant
grégorien, bien qu'individuellement les mélodies n'en embrassent
jamais tout l'ensemble.
Les unes parcourent l'octave inférieure :
A B C D E F G a
P
15
A -^
-r-*- '
Hi-i
d'autres l'octave centrale :
EFGabcde
e — ■ ■ ■ "
-p , ■
d'autres enfin l'octave supérieure
Gabcde fgaa
(-^)
-«-
■
Ces fractions de l'ancienne échelle des sons, dans lesquelles les
mélodies grégoriennes se meuvent et dont elles reçoivent le
caractère particulier et la physionomie propre qui les distinguent
parfaitement les unes des autres, constituent le premier éléinent dq ^
la tonalité dans l'art grégorien. 1^-^
Chapitre Premier. — Tonalité grégorienne.
21
104. — Le second élément résulte de la disposition différente des "J
tons et des demi-tons dans chaque fraction de l'échelle fonda- _
mentale : - — - ,
fl
t. d. t. t. d. tr 1 t.
ll^''^'T^rí=' «
• r ' • ■
■ ■ "
inférieure %
. ■ ■
d. t. t. t. d. t. t.
Ortave ■
■ ■ "
. ■
centrale i •
■ ■
t. t. d. t. t. d. t.
Octave
supérieure
\ — '—
— ^ -^^^
■ "
.. \,
105. — A ces deux premiers ' éléments nous devons en ajouter
deux autres auxquels les anciens donnaient une grande importance
et qui, en réalité, sont comme le principe synthétique et vivifiant
de toute tonalité. 1
Ces éléments sont : la fondamentale ou tonique et \d, dominante.
IOÓ. — La tonique est cette note par laquelle une mélodie peut
commencer de préférence, mais sur laquelle elle doit nécessairement
terminer.
Quatre notes ont été adoptées, depuis des siècles, pour remplir
l'office de toniques. Ce sont le^ notes centrales : r/, m,i^fa, sol.
Il n'y aurait donc eu primitivement que quatre tons.
\
(-Ï-)
iS
Autour de chaque tonique on a établi une échelle modale de
onze notes ainsi réparties : sur la tonique, une quinte et une quarte;
sous la tonique, une qua^'te seulement.
28
Deuxième Partie.
107. —
Protus ni"
^-"
Deuterus
Tritus
Te tr ardu s W
108. — L'étendue de ces échelles modales est telle que les
mélodies la parcourent rarement dans son ensemble : tantôt elles
se renferment dans la quinte centrale, et tantôt elles montent
jusqu'à la quarte supérieure ou descendent jusqu'à la quat'te
infé7'ieure; et cependant, quelle que soit leur évolution respective,
toutes terminent par la même note, la tonique.
Il faut conclure de là à la présence dans chacune de ces gammes
d'une seconde note qui, sans avoir la prépondérance souveraine de
la tonique, exerce à côté d'elle une action assez puissante pour
devenir elle-même un centre d'attraction autour duquel gravitent
volontiers les mélodies. Cette note, c'est la doniiiiante. On ne
saurait mieux la définir et en souligner l'importance.
Chapitre Premier. — Tonalité grégorienne.
29
109. — Ayant reconnu l'effet de deux dominantes distinctes dans
la tendance qui porte les mélodies soit en haut soit en bas de
l'échelle, les anciens eurent la pensée de partager les échelles
ci-dessus en deux gammes de huit notes chacune. Ces deux
nouvelles gammes eurent la tonique commune, mais se distinguèrent
par la dominante et par ¿a disposition différente des notes. Ces notes
forment ensemble une quinte et une quarte consécutives.
Dans la première gamme qui porte le nom ^authentique^ la
quinte et la quarte furent superposées sur la tonique; dans la
seconde gamme qui s'appela plágale, la quinte resta sur la tonique,
mais la quarte vint se placer au-dessous.
Les échelles primitives étant au nombre de quatre, après le
partage de chacune d'elles en deux gammes il y eut désormais
huit tons grégoriens divisés en quatre tons authentiques ow primitifs
et en quatre tons plagaux ou dérivés. Les premiers sont désignés
par les chiffres impairs i, 3, 5, 7, et les seconds par les chiffres
pairs 2, 4, 6, 8.
IIO. —
Ter?mnoIogîe
antique
Protus
authentique
Protus
plagal
•
Deuterus
authentique
Deuterus
plagal
Terminologie
moderne
I" Mode
2^ Mode
3« Mode
4« Mode
fl
~\
a ■
c
1
■
■
- ■
1
Chant
aigu
Chant
grave
3 ■ ' i
1
1
M
3
1
-ê
0 ■
— a
PU
^ t
, ■ °
a ■
■ ■
■X-
fl
1
■^
«
Q
— u
L
Chant
aigu
Chant
grave
■ ■ ■ ' 1
w
Í
3 ■
1
fl
^
3
0
*l
p
1
a °
. ■ °
a ° "
V
1
30
Deuxième Partie.
h
Terminologie
antique
Chant I Tritus
aigu '' authentique
Chant
grave
Tritus
plagal
Terminologie
moderne
5« Mode
6= Mode
. r f-,-^
ff I , ■ '° !
0-'—
C/3
•a
u
H
Chant . Tetrardus
aigu i authentique
7« Mode
Chant ', Tetrardus ge Mode
grave ; plagal
_ .1.. .
, ' , «-r
■ ■ I —
III. — Les tons se distinguent par leur tonique, par leur
dominante et par leur ambitus ou l'étendue de leurs notes.
112.
— Tonique ou finale ré \
Premier mode.
Deuxième mode.
. J Troisième mode.
^^^ (^ Quatrième mode.
. J Cinquième mode.
J^^ y Sixième mode.
Septième mode.
Huitième mode.
sol
113. — Dominante. Dans les modes authentiques elle est à la
quinte au-dessus de la tonique.
On excepte le troisième mode, dans lequel la dominante a passé
insensiblement du si au do, à cause de l'instabilité du si (< ou t?) et
de l'attraction que le degré supérieur exerce sur lui. Cependant,
dans l'intérieur des pièces, le si joue souvent le rôle de dominante.
Les modes plagaux ont la dominante trois degrés au-dessous de
celle de leur authentique correspondant, excepté le huitième mode
qui se trouve dans le cas du troisième.
Chapitre Premier. — Tonalité grégorienne.
31
114.
Dominante.
( Premier mode, /a. ( Troisième mode, (si) do.
\ Deuxième mode,y¿^, \ Quatrième mode, la.
{Cinquième mode, do. ( Septième mode, ré.
Sixième mode, /a. \ Huitième mode, (si) do.
115. — Ua?ndi tus ou l'étendue de chaque mode se voit parfaite-
ment dans le tableau ci-dessus de leurs échelles.
116. — Les mélodies ne sont pas tenues à se mouvoir rigou-
reusement dans les limites étroites de leur octave modale; elles
peuvent en franchir passagèrement d'un degré les points extrêmes
sans que Yambitus soit modifié pour si peu.
117. — Au sujet du degré inférieur avoisinant la tonique, il
faut rappeler que les anciens avaient horreur, à cause de sa
mièvrerie ^, de la note que les modernes appellent la sensible.
C'est pourquoi, dans les cadences finales des cinquième et
sixième modes, ils n'amenaient jamais \ç^fa par le mi ; ils préfé-
raient y arriver par les notes supérieures ^^ ou en faisant entendre
la tierce inférieure ré 3.
118. — Les modes sont appelés mixtes quand ils embrassent les
onze degrés de l'échelle primitive, parce que, dans ce cas, ils
réunissent ensemble le plagal et \ authentique.
119. - — Modes transposés (?)
Il est des mélodies qui terminent par les notes la^ si Jj do^ c'est-
à-dire par celles qui font suite aux quatre notes, ré, 7ni,fa, sol, les
seules que nous avons données comme toniques. Ces tonalités
équivalant respectivement aux trois premières, Protus (i^^ et 2*^),
Deuterus (3^ et 4^) et Tritus (5^ et 6^), si on en bémolise le si, v. gr. :
, Protus
i« et 2^ Mode
Normal
5
-i(b*-'
Transposé §
* Propter subiectain semitonii iinperfectionem. G. d'AREZZO. — Gerbert.
ScHpt.,\\. p. 13.
' Voirie Pdngé lingua espagnol au chap. VI (11*^ partie).
3 Le graduel Constitues eos en offre un exemple au motfilii.
32
Deuxième Partie.
Deuterus .
3e et 4^ Mode
Normal -§_
1i
:(i)n:
(Í)-
Transposé j"
lU- ^
Tritus
5« et 6= Mode
Normal •
Transposé
4
-M:
certains les ont considérées comme de pures transpositions. Nous
ne saurions partager ce sentiment.
120. — On range aussi dans le quatrième mode transposai^')
quelques antiennes telles que Laeva ejus^ In odoreni^ bien qu'en
réalité leur mélodie soit écrite dans une gamme toute différente de
la gamme normale de ce ton.
121.
Modîilations.
Nous avons précédemment attiré l'attention sur l'influence que
la dominante exerce dans toute tonalité. En voici une nouvelle
preuve. Elle nous est fournie par les modulations.
En chant grégorien comme en musique, moduler c'est passer
d'un ton dans un autre. Mais tandis qu'en musique l'harmonie
prête aux modulations des moyens variés et puissants, en chant
grégorien la mélodie doit les réaliser par ses seules ressources. Et
cependant aucun genre musical n'^stp/us riche en modulations que
le chant grégorien. Il n'y a qu'à examiner une pièce tant soit peu
importante du Graduel pour s'en convaincre. A chaque pas la
mélodie module. Elle va d'un ton à un autre, sans effort, natu-
rellement et avec un art consommé.
Or, quel est le principe de ces oscillations modales presque
continuelles, auxquelles les mélodies grégoriennes doivent en partie
leur variété et leur charme? L'entrée en scène, à tour de rôle, de
Chapitre Premier. — Tonalité grégorienne.
33
nouvelles do?ninantes étrangères à la tonalité de la pièce. Chacune,
réclamant la cadence et la tonique qui lui sont propres, détermine
une modulation. Ainsi le veut la loi de l'attraction des sons.
Combien les artistes délicats de l'âge d'or du chant grégorien
ont connu cette loi et ont su, avec des moyens très restreints, en
tirer habilement parti, c'est ce que les deux exemples suivants
vont nous révéler.
Í
î
122. ■
■ ■
■ ■•
^
Christus * re- surgens ex mor- tu- is, iam non m ó- ri-
3iî
i
■*ít
-■4^
■ ■
^S
■ ■
^-J^^nr-*
tur.
aile- lu- ia : mors il-li ultra non do-mi-ná-bi-
tur, aile- lu- ia, aile- lu-
ía.
Cette mélodie est du huitième mode. Elle y entre résolument
par un vif élan vers le do qui en est la dominante et qui, répétée
jusqu'à cinq fois, détermine une première cadence à la tonique sol.
Mais la mélodie ne reste pas longtemps dans cette tonalité.
Bientôt le si apparaît, supplante le do et amène une nouvelle
cadence en ;;//. Quoique le si ait été autrefois dominante commune
aux troisième et huitième modes et qu'il le soit encore quelquefois
à l'intérieur des pièces, ici il est plutôt, passagèrement, dominante
du troisième mode, puisqu'il appelle sa fondamentale mi. Et il est
dominante du Deuterus dans ses deux formes : de l'authentique à
iam non 7noritur et du plagal à alléluia^ malgré la prédominance
du la sur ce dernier mot.
Le la qui domine encore dans l'incise suivante à laquelle il sert
de cadence, n'empêche pas le Deuterus de se maintenir jusque sur
le mot ultra. La cadence en la elle-même, propre cependant aux
tournures mélodiques du deuxième ton transposé, ne s'y oppose
pas. Quant aux incises non dom^inabitur, alléluia^ il n'est pas
douteux, avec leur cadence en j/, qu'elles appartiennent au
quatrième mode transposé.
iVprès ces excursions dans des tonalités différentes, la mélodie
termine, comme elle a commencé, par le huitième mode. Elle y
revient naturellement, en passant par la dominante do qu'elle fait
No 674. — 2
34
Deuxième Partie.
entendre discrètement deux fois, et d'où, de note en note, elle
descend insensiblement jusqu'à la tonique qui lui procure son
repos final.
123. — Le second exemple donne lieu à des considérations
analogues.
t
te
^
-*z*-
A-i
Stá- tu- it * é- i DÓ- mi- nus te- staméntum pá-
f
-tHh
-tHh
m m
-m ■
ois, et prin-ci-pem fé- oit é- um : ut sit il-li
sa-
^
i-^
i»T»
r*» ^•'
f-f
cerdo- ti- i dígni- tas
m
ae-
tér- nu m.
Jusqu'à /eci¿ eunt la dominante et la tonique sont celles du
premier mode auquel la pièce est attribuée. A partir de ut sit illi
une modulation se produit : le do devient dominante et le la
tonique. Nous avons ainsi sur dignitas une vraie cadence du
deuxième mode transposé, qui fait rime avec celle plus importante
du vciot pacis. La mélodie reprend ensuite sa marche par sa note
initiale, monte à la quinte qui redevient sa dominante, et enfin
redescend vers sa fondamentale, terminant majestueusement son
évolution dans le ton par lequel elle l'a commencée.
124. — Ce qui a été dit jusqu'ici de la tonalité grégorienne en a
suffisamment révélé la richesse : elle fournit au chant liturgique de
nombreux moyens pour varier à l'infini ses compositions et pour
traduire merveilleusement toute sorte de sentiments élevés.
Inñexible dans la succession naturelle de ses intervalles, elle
donne de plus aux mélodies un caractère de majesté et de sainteté
en rapport avec la majesté et la sainteté de la maison de Dieu.
« Le chant sacré, dit avec raison Dom Mocquereau, s'adresse à
la partie supérieure de l'âme. Sa beauté, sa noblesse proviennent
de ce qu'il n'emprunte rien, ou le moins possible, au monde des
sens ; s'il passe par eux, ce n'est pas à eux qu'il s'adresse. Rien
pour les passions, rien pour l'imagination. Il peut traduire des
vérités terribles, exprimer des sentiments énergiques sans sortir de
sa sobriété, de sa pureté, de sa simplicité.
Chapitre Premier. — Tonalité grégorienne.
35
La musique moderne peut être — elle ne l'est pas toujours, je le
sais, -^ elle peut être la voix des passions violentes ou grossières et
les faire naître; on ne peut abuser ainsi de notre mélodie; toujours
elle est saine, chaste, sereine et sans action sur les nerfs; elle ne
se sert pas plus du monde inférieur qu'elle n'y ramène.
Avec sa tonalité franche, avec cette absence totale de successions
chromatiques qui représentent par les demi-tons les choses incom-
plètes, on dirait qu'elle ne peut exprimer que la beauté parfaite, la
vérité pure : est, est, non, non. L'oreille habituée à son incomparable
franchise ne peut plus sentir ces airs mous, imprégnés de
sensualisme jusqu'à ce qui devrait être l'expression de l'amour
divin. Il y a quelque chose d'angélique dans l'inflexibilité de sa
gamme -qui ne souffre aucune altération » ^.
Ainsi parle quiconque est arrivé, par l'étude et la pratique
constante du chant grégorien, à se pénétrer de son esprit.
Les exercices suivants ont pour objet d'initier V élève à la connais-
sance des formes mélodiques propres à chaque tonalité. Le maître
pou7'ra multiplier ces exercices en choisissant, dans les livres de chant ^
des mélodies typiques et faciles à comprendre.
Chaque leçon sera, pour le professeur, U7ie occasion de faire repasser
tout ce qui a été vu jusqu' à présent. Il interrogera sur les intervalles,
les Diodes, la tonique, la dominante^ les gammes, etc., etc.
On solfiera d'aboi'd les exercices, ensuite on les vocalisera dans la
forme que le maître jugera la meilleure.
Soit qu'il les solfie, soit qu'il les vocalise, V élève en accompagnera
de la main les combinaisons rythmiques, comme il Va déjà fait aux
leçofis précédentes et sans qu'il soit pour le moment nécessaire de
procéder à l'étude approfoitdie du rythifie.
Nous lui facilitons la tâche en lui indiquant les arsis et les thesis.
H
Premier Mode. = Mélodie typique.
a. t. a. t t. a. a. a. t. t.a. t. t. t.
125.
.*^i#.
if^
_ = 1 ^^¡-
Pri-mum quaéri-te régnum Dé- i.
EXERCICE,
a. t. t. a.t. a. t. a. a. t. a. t. t. t.
a. t. a. a.t. a. a.t.
126.
^-*
-•-■^Jl
ITTi
-»♦
-»*^
■"U "a -
♦ ■
:♦
#4^
* L*Art grégorien, son but, ses procédés, ses caractères. — Solesmes, 1896.
36
Deuxième Partie.
0:
- a.t. t. t.
a. a.t
1
a. a. t. a.
a. a.
1
t.
t. t.
a.
a. a. t. a.
1
1 )
t
■
.iî
. ■♦ ■ '
. ^"i ■• ' J
i.
■ ■'
■■ V'
■ ■
■■
■■F.
■
■■ V'
1
' ■'■%.■■
■ ■ !▼
■ ■1,1 1 -,
■ ]▼ . .-
;:(
i • •• : I
■••ia. t. t, t-
a. 1. 1. a. t.
t. a. a.t. t. t.
a. t. t.a.
1
1
^ m \ ■•
■
'^/è ■•
1
■ %■
■ ^ a
■ !•
1 % J
1
^*A ■ ■ *4
■_!'♦•■# ■•
J ■
:%■ ••
%■ ♦ ♦♦■
a. a. a. t.
a. a. a.t. t, t.
1 ■■■■Sa ■
a. 1. 1. a. t.
a. a.
t. t. a. a. t. t.
5 ■■"■■!.
I ■■■■ ■%«j|^
* ^ ■
■
■ ■.
^ 0
A"
^,
■•^♦é
■ ■
_. ,*S%., I
■ ' %,
■%■ '■•
Second Mode. = Mélodie typique.
t. a.
t. t.
a. a.
t. a. a. t. a.t. a. t. a.t
127. 5£
H— ff
■ ■ M
%
•a — ■ — ■-
î
,*"♦.. J ' * ♦^ §
-«^^^-^
^r«f*:
Se- CLindum autem simi- le est hú- ic.
EXERCICE.
128. % ■■ i'V
a. a.a.t. 1. 1. a.a. t. a.t. t. a a. t. t a. t. a.t. t. t.
^♦t-*
■*^n
■ PLB ' ♦
■ I ♦^ ■ ■ ■ »^ T ■-
a. t. a. a. a.t.
a. t. a. a.t. a
1 ■
. a. t. t. t. a. t. t.
.p
> "^ •
A ■ ■ ■ ■
m m
1Î
?♦/ 'f ■
" A ■ ■ ■ ■■
— ■-■ 1 m-\
î 'L-i
■■•%■ d"-
1
a.a.t. t. t.
a. a. t. t. a. a. t. a. a. t. t.
il b ! =: Ib ■
.0 ■
Chapitre Premier. ^ Tonalité grégorienne. 37
.) , . ,1
Troisième Mode. = Mélodie typique.
a. t. a. t. a. t. t. a.a. t. t. a. t. t.t.
f ■
■ ■
■ un ■
Í ■
, ; ■ ■
■
■ ■ ^1
I2Q. à
? ■ *
■
■
: • ?♦.>"> ">M
■ ■ % ' ' '^'H
Térti- a di- es est quod haec fácta sunt.
EXERCICE,
a. t. a. t. a. a.t. a. t. t. a.a. t. a. t. t.
»-Hh
130.
«-7 — !■
♦ i
r-«
m»
♦ - T»^ MM m
■ ♦
J5-P.
a. a.a. t. a.t. a. t.
a. t. a. t. t.
Sn^r"''" g.^i
a. t. t.a.a. t. t. a. t.
iHI-i — ^
^
♦ #!♦
♦• ♦
i^
iV
a.a. L a. a. t.a. t. a. t. a. t.t. t.
tm-
^"MN l";""!^.. A»,
Quatrième Mode. = Mélodie typique.
a. t. t. a.
a. t.a. a. t. a.a. t. t.
131.
Í
«— «-
1
^
*^
a^
■ i !
m — ■-
■ a.
tM
Quár-ta vi-gí- li- a vé-nit ad é- os.
EXERCICE.
a. t. t. a. a. a. t. a. t. a. a. t.
132.
iw^
♦r*
§ ■'
4
♦r— «i
a.a. a.t. t.
■ ■ ■ ■ ♦.
a. t. a. t. t. a.a. t. a.a.a.t. t. a. a. t. t. a. a. t. a. t. t,
5=3
-»♦-
■t!?!?
i;î^
— ■-■
■i — ¡V
w^
Mi:
■ ■
T»^i* ' <
38
Deuxième Partie.
a. t. a. t. t. a.t.
a. t. a. t.a.a. t. t. t.t.
^ ■Pa'Sèaa*
jr» ■%■ V
^ % ■"■ éS^ p.. . •
■ •
1^ ■ r d'' ^.
Cinquième Mode. = Mélodie typique.
a. t a. t. t. t. t. a.a. a. t. 1. 1.
133. i
<
■ S ■•
— tts-
■ ñ
■
■
■ ■ ■
a
"■ "
in
L'
-• —
■
•
■
■-
■ ■
. '7^-
Quinqué prudén-tes intra-vé-runt ad núpti- as.
a. t. a.t.
^Vf^
EXERCICE,
t. a. a. t. a. t. t. a. 1. 1. a. t.
a. t. a. a. t. t.
stA
HMh
ft^
■■ ■■ ■■
^♦-11^
134. i
1SC
-i-l-
a
. t.
t.
a. t. a. t.
a. a
. t.a.a.
1
t. t. t.
1
a. a. a.
fl ■
♦è ■
S "Pi Si
•A!
■■■%
APa ♦ 1
■
1 — v^
♦4
■ '
■ ■■■p
,S ■
■■ 1 ■.
♦.
■ 1
t. t. a. a. t.
a. t. t. t. a. a. 1. 1.
t. a. a. 1. 1. a. t.
1 k
P ■ aspA ■*
M ! >. • "^^ •
la"^ 1
5 ■ ■■i%i
■■c5 sj ; i'^^,-
a ^l'^S
%■
U-^
-C ^ ^\
Sixième Mode. = Mélodie typique.
a. a. a. t.
t. a.
t. a.a. t.t.
135.
NTT^
í
^=5f^
Séxta ho- ra sé-dit su-per pu-té- um.
Chapitre Premiei*. — Tonalité grégorienne. 39
EXERCICE,
a. t. a. t. a. t.t. a.a. t. a. t. a. t. t. a. t.t.
^
136.
i^»^,%
^
■ *. ra
■ ri-
♦ ■ '>.
m
t. a. a. t. t. a. t.t. a.a. a. a. t. a. a. t. t. a. a. t. t.
C U. -.— i
— »» L il A — "^-íIa: m
♦x-^
11 wrm
**
-»-^
a. a. t. a. t. a. a. a. 1. 1. a. 1. 1. t.
■ ■■■>■
4 «h
IW
«-= — ♦
ffi
Septième Mode. = Mélodie typique.
a. t. a. t. a. t. t.a.a.t. a. t. t.
!■■■■■ ■ n^è ■♦#
137. S ' S ' , -P. ■?♦•'♦#'
S , ■ 1 ■ ■ s. •• ♦•
Séptem sunt Spi-ri-tus ante thró-num Dé- i.
a.a. t. t.t.
S i^è
■ *^ #%■
Î'"V
EXERCICE.
a.a. a. t. a. t. t a.a. a. t. a.a.t.t. a. t. a. t. a. t.t.
138.
■ ¿^■■^•■è ■
¿,A»
^-f \..A- 1
^T^
s <S '•/♦
— — ■
■ à Aa
J ♦ ♦•
■
Î#5^V
1
a.a. t. a. a. t.
I
a. a. t. t. t. a.a. t. t. a.a. t. a. t. t.t.
u.i« ; ■• ' 1^ %'i
f— ¿^
♦ É ♦
ï
N'V»'^-
40
Deuxième Partie.
Huitième Mode. = Mélodie typique.
a. a. t. a. a. t. t. t. a.t. t. t. t. a. a. t. t. t.
«— ■-
.* I i^ P,
139. l_HH-i-fV
Octo sunt be- a-ti- tu-di-nes.
EXERCICE,
a. t. a. t. a.a.t. t. a. t. t. a. t. t.
a. t. t. t.
>♦
î^
140.
> 1 ■•
H-7 »
■ ■•
.♦il; »
■ ♦.
a. t. t. a. t. t.
a. a.t. 1. 1. a. a. t. a.t. a. a.
IHH
=^
■ ■■
P ^ ■ ■
« ■•
■ ■■?♦■
♦ ♦
t. a. t. t. t. a. a. t. t.t.
a. t. t. a. t. a.a. a. t. a.
-•«-
»•-• »»
•+«
ftrV
^R, I ,?Na
^4-n.r-"-»
a. t. t.t.
a. a. t. t.t.
a. a.a. t. a. a. t. t. t.
I
1
^ ■
1
1
■ ♦•ni ■ •
ïi" JL
3 1 ■■ ^J
♦"V^.
Si'^Ap,
_ ; '♦ •■ "-Si
a. a. t.t. a.t. t.f.
a. a. t.t. t.
■ ■■ I»
\ ¡ m
-.«n^
Chapitre II. —^ Chant des Psaumes. 41
CHAPITRE IL ^-^- >-'
Chant des Psaumes.
Leur Tonalité. — Psalmodie. — Parties dont se compose un verset.
— Tableau des huit tons. — La dominante et la finale. — Manière
^ d^ adapter le texte. — Cadences fixes : cadences variables. — Cadences
à un accent : cadences à deux accents. — Règle unique. — Intonation :
teneur : flexe : inédiai^te : terminaison. — Tonus peregrinus. —
, Me'diafîtes solennelles. — Tonus « in directurn ». — Remarque. —
Du diapason.
Afin de grouper ensemble et de compléter les unes par les
autres les notions concernant la tonalité grégorienne, nous donnons
ici le chapitre de la psalmodie.
141. — Le chant des psaumes a toujours été étroitement uni à
celui des antiennes qu'on répétait à la fin de chacun d'eux et qu'on
intercalait même entre leurs versets. Mais comme, selon le sens du
texte ou le goût de l'artiste, les antiennes furent écrites indistincte-
ment dans les huit modes que nous venons d'étudier, on dut, pour
la bonne harmonie de l'ensemble, composer pour le chant des
psaumes autant de formules musicales qu'il y a de tons.
142. — 'Ldi psalmodie est le chant des psaumes et des cantiques
de l'Église.
143. — Les psaumes se divisent en versets et les versets en deux
parties ou hémistiches, séparés dans les livres liturgiques par un
astérisque (*); v. gr. :
1. Dixit Dominus Domino meo : *
2. Sede a dextris meis.
144. — Quelques versets présentent une subdivision supplémen-
taire indiquée par une f.
145. — Dans toute formule psalmodique complète, il faut
distinguer : à) Vintonation (initium, inchoatio); b) la teneur ou
dominante, et c) les cadences au nombre de deux : la première
partage le verset par le milieu et s'appelle pour cela mediante
(mediatio); la seconde termine le verset et reçoit le nom de
terminaison pu cadence finale. Entre la teneur et la mediante se
place la petite cadence appelée flexe f . Elle n'est employée que
lorsque la longueur des versets et le sens du texte la réclament.
42
Deuxième Partie.
146. — Voici les formules psalmodiques complètes d'après
rEdition vaticane.
147. — Premier Mode.
eneur
Finale
Int.
Teneur
Prirnus Tó-nus sic inci- pi- tur,
Flexe Mediante
1 k-=
-■ — »-
Q ■«
Hi ■ "• ■ , ■
sic flécti- tur, t et sic me-di- à- tur : *
■ a s
ña
D
■
' n
♦;
■
■ ■ ■
•4
~D
■
♦1
-♦;
■ ■ f^
-D
■ '■
•
■
" . i
fl,*
-i
i".
■
■ . !
■•
e
-
■ - ■
■%•
er^
"
■ . ■
■•
e3
" <-»
■
-*
■ ■
a
■
■•
■ - ■
S.
a='
■"
■ ■ ■
■
■*
■ ■ i
9.
a3
Atque sic fi- ni- tur.
Chapitre II. — Chant des Psaumes.
43
148. — Second Mode.
Int.
Teneur
Se-cùndus Tó-nus sic inri- pi- tur,
Flexe Mediante
/ /
■Î-HI ■ ■ ■ ■ ■ * ■' -
J5 D-»=
Teneur Finale
-■ — m-
sic flécti-tur, jet sicme-di- á-tur:*
149. — Troisième Mode.
D
Atque sic fi- ni- tur.
Teneur
Finale
_-i
Int.
Teneur
Tér-ti- us Tó-nus sic inci-pi-tur,
Flexe Mediante
/ / /
g ■ ■ |-»-Hi ' ■ . ■'
sic flécti-tur, t et sic me-di- à- tur: *
-»— ■ ■ — ■-
• a
■ ■ ■ ■ R
■• a^
-«—■—• ■ K
^-i-^
!1— g
■ ■
l! g'
Atque sic fi- ni- tur.
44
^ ' Deuxième Partie.
Int.
150. — Quatrième Mode.
Teneur
Teneur
Í
Quártus Tó-nus sic incí- pi- tur,
Flexe Mediante
■* — m-
Q ■•
-• — ■-
Finale
L_g
■ ■
Atque sic fi- ni- tun
sic flécti- tur : t et sic me- di- à- tur:*
151. — Quatrième Mode, dominante r¿
Teneur
Int.
Teneur
Finale
Quártus Tó-nus sic incí- pi- tur,
Flexe Mediante
/ /
P-^
■o-^' ■ ■ 1 ■ — î:
■ ■ ■ ■ ■ 1
,:
■ ■ ■ ■ * * a
Atque sic ñ- ni- tur.,,
sic flécti- tur, t et sic me-di- à- tur:*
152. — Cinquième Mode.
Int. Teneur
Quintus Tó-nus sic incí- pi- tur,
Flexe Mediante
/ /
~-m — ■ ■ — ■ — ■ ■ ' ■*
S— Q-th
Teneur
Finale
■ — ■ ■ ' — = — ■
5 th
Atque sic fi- ni- tur.
sic ñécti-tur, t et sic me-di- à- tur: *
Chapitre II. — Chant des Psaumes.
45
hit.
t
Í53. — Sixième Mode.
Teneur
i
Séxtus Tó-nus sic inci- pi- tur
Flexe Mediante
/ / /
-■ — m-
+-r-.-^
Q ■•
■ — m " ■ . ■
sic flécti- tur, t et sic me-di- à- tur : "^
-■ — ■ ■-
Teneur
Finale
■ ■ »-
Atque sic fi- ni- tur.
ou et sic me-di- à- tur : *
154. — Septième Mode,
Teneur Finale
Int.
Teneur
$ - ¡« ■■■■■■ tTJ
f-rt
Sé-ptimus Tó-nus sic inci- pi- tur,
Flexe Mediante
Í ■ ■ Q ■• ■ ■
■ ■ ■ 1
i ° ■
sic flécti- tur, t et sic me-di- á-tur: "^
■ ■ ■ * ■
= = = — ■ — =
■ ■ ■
■
■
■
—m-
■
- •■
■ i.
■
■
■
"
■
- B--
■■ 1 ■■,
■ ■
Atque sic fi- ni- tur.
46
Deuxième Partie.
155. — Huitième Mode.
Teneur Finale
Int.
Teneur
Octá-vus Tó-nus sic incí- pi- tur,
Flexe Mediante
F-
"^Tr*
— »-
-m—
-*-*JL
HH-r
u ■
1
-■ — tt-
-ñ — m-
^t-^
sic flécti-tur, t et sic me-di- a- tur: *
Atque sic fi- ni- tur.
156. — La dominante d'un psaume est celle du ton même
auquel il appartient.
157. — Les formules psalmodiques des i^r, 3me^ ^me^ ^me et 8"^^
tons sont en possession de plusieurs cadences finales. Elles ont été
composées, moins pour la variété que pour établir, après le dernier
verset, un lien plus étroit entre psaume et antienne qui ne font
qu'un. On n'est donc pas libre de prendre la première cadence
venue, mais il faut adopter celle qui, musicalement, ramène mieux
la reprise de l'antienne. L'application de cette règle ne souffre, en
pratique, aucune difficulté, les livres de chant accompagnant
toujours l'antienne de la cadence finale qu'elle réclame.
158. — Savoir adapter les différentes formules psalmodiques
aux différents versets de chaque psaume, c'est tout le secret de la
psalmodie. Un mode d'adaptation est donc nécessaire, et il devra
être d'autant plus précis, simple et uniforme, que tout le peuple
chrétien est appelé à prendre part au chant des psaumes.
Ce mode existe. La plus pure tradition grégorienne nous l'a
légué et l'Ecole de Solesmes nous l'a rendu. En même temps qu'il
est simple et pratique, il est le plus rationnel et le plus conforme
aux principes qui, dans le chant, président aux relations que
paroles et musique ont entre elles.
159. — Ce mode d'adaptation comprend une règle unique et
très simple qui sert, non seulement pour le chant des psaumes,
mais encore pour les récitatifs -.oraisons^épîtres^évangiles^ prophéties _
leçons... etc.
Chapitre II. — Chant des Psaumes. 47
160. — Écartons d'abord les formules musicales qui ne souffrent
aucune modification, quelle que soit la nature des syllabes qui leur
correspondent, v. gr. : l'intonation ou initium des psaumes dont il
sera bientôt question.
161. — Il y a deux sortes de cadences psalmodiques tant pour
la mediante que pour la terminaison;
la cadence à un accent :
f
a
■
i
Dómi-nus Dé- us mé- us
et celle à deux accents :
i-HI .
■ ■ ■ ■ ■
1
Dómi-nus Dé- us mé- us
La première se compose de deux notes et la seconde de quatre.
L'une et l'autre sont basées sur un type syllabique appelé spondée
tonique, soit un mot de deux syllabes avec accent sur la première.
La cadence à un accent sera simplement spondaïque; celle à
deux accents, qui comprend deux spondées, s'appellera dispon-
daïque.
Ces deux sortes de cadences ont été calquées sur le spondée parce
que, avec deux syllabes seulement, ce mot fournit la matière d'un
rythme complet, et peut-être aussi parce que le type spondaïque est
celui qui apparaît le plus souvent au milieu et à la fin des versets.
Tant que le texte ne présente que des spondées, soit un mot de
deux syllabes, soit un mot de plusieurs syllabes mais accentué à la
pénultième, l'adaptation des syllabes aux notes se fait d'elle-même.
Il n'y a qu'à chanter les notes comme elles viennent, et la note
accentuée correspond infailliblement avec l'accent du texte.
Il en est tout autrement quand au lieu d'un spondée (mot
paroxyton) se présente un dactyle (mot proparoxyton). C'est ici
que la difficulté commence et que la règle unique, dont nous avons
parlé, trouve son application.
Il y a dactyle, à la mediante ou à la terminaison, chaque fois que
le dernier accent est suivi de deux svllabes atones. Ex. : Dóminus
super nos, Jeî'usalem.
48
Deuxième Partie.
162. — Règle unique.
Elle consiste à transformer le spondée musical en dactyÎe'
musical, en anticipant sur l'accent du dactyle tonique la note
d'accent et en répétant la note suivante sur la première syllabe
postcnique. Dans les exemples ci-dessous, qui montrent comment
se fait l'opération, cette note est évidée.
Ainsi le moule musical primitif n'est pas brisé, il n'est qu'élargi
et le rythme de la cadence est sauvé.
D'après cette règle toutes les cadences psalmodiques seront
spondaïques ou dactyliques et il n'y en aura pas d'autres.
163. — Cadences spondaïques et dactyliques à un accent :
Dé- us
Do-mi- nus
es tu
su- per nos
vivifica- vit me
vivífica me
Si- on
Jeru- sa- lem
164. — Cadences spondaïques à deux accents
12 ■
in- i-mi- cos tu- os
Do-mi- nus ex Si- on
Dé- us mé- us
vi- VÍ- fi- ca me
pá- cem de te
165.-
Cadences spondaïques ou dactyliques à deux accents :
là ■
<< :' s
Dó-mi-no mé- o
implé- bit ru- i- nas
pu- e- ri Dó-mí- num
vivi- fi- ca- bit me
ob • i
Chapitre II. — Chant des Psaumes. 49
l66. — Les cadences ne pouvant être que spondaïques ou
dactyliques, toutes les fois qu'il surviendra plus de deux syllabes
après l'accent on n'essayera pas de la faire coïncider avec la note
accentuée, ■ ^
/ 1 2 3 ,.,-.vi(
Ê^
-Q — D-
— -- sté* ri- lem in domo
mais on conservera à la cadence musicale sa forme spondaïque
originelle comme il suit :
e- . .b. ■ — ^
sté- ri- lem in domo
Vouloir à tout prix faire concorder la note et la syllabe
accentuées quand elles sont trop loin l'une de l'autre, c'est faire
éclater le moule musical, qui ne peut contenir tant de syllabes, et
détruire le rythme. Le spondée musical, au contraire, sauve et l'ac-
cent et le rythme. L'accent de stérilem, que le chantre doit marquer
au, passage, ne venant pas immédiatement avant le si bémol mais
en étant séparé par une syllabe intermédiaire, ne souffre aucune
atteinte, et la cadence musicale garde son rythme en conservant
sa forme.
167. — Le mode de psalmodie, que nous exposons avec un peu
plus de développement que ne l'a fait l'auteur, ignore complètement
les mediantes dites rompues. C'est pourquoi sans doute la Méthode
espagnole n'en prononce pas même le nom.
Ces mediantes, inconnues de l'ancienne psalmodie romaine, ne
sauraient être appelées « cadences », puisqu'elles sont privées de
l'élément essentiel de toute cadence : la noie de repos. Elles restent
suspendues en l'air, sur la note élevée, et il faut attendre la
continuation du verset pour que disparaisse l'effet de surprise
qu'elles produisent et pour que la psalmodie, un moment égarée,
retrouve le chemin qu'elle semblait avoir perdu.
Ajoutons qu'au point de vue pratique les mediantes rompues
rendent l'exécution de la psalmodie plus difficile, surtout si, voulant
être conséquent avec soi-même, on les faisait dans tous les tons.
C'est tout ce que nous pouvons dire ici d'un genre de mediantes
étrangères à notre plan et dont nous ne faisons mention que pour
mémoire. Nous avons hâte de terminer ce paragraphe sur les
cadences psalmodiques en revenant à la règle unique, simple et
50
Deuxième Partie.
estiiétique de la psalmodie romaine et en l'appliquant aux mots
hébreux et aux monosyllabes.
Les mots hébreux sont accentués à la manière latine comme
quand on lit et comme l'indiquent d'ailleurs les bréviaires et les
livres de chant eux-mêmes; les monosyllabes coïncident toujours
avec la dernière note de la cadence.
Do-mi- nus ex Si- on
pá- cem de te
Dó-mi-nus su- per te
pro- pi- ti- à- ti- o est
En z\\'d.n\.d,Víí propitiátio est, on fera ressortir l'accent tonique à et
on évitera de forcer la voix sur la note élevée de la syllabe o.
Nous avons à parler maintenant en particulier de chaque partie
des versets.
l68. — Intonation.
L'intonation est une formule mélodique qui sert de lien ou de
transition entre la fin de l'antienne et la dominante du psaume.
Elle comprend deux ou trois notes ou groupes de notes qui
s'adaptent à autant de syllabes.
Voici la formule d'intonation propre à chaque ton.
Mode : \ 1 Mode :
ler et 6e
b ,
■
■ ■ ■ ■
S v ■
DÍ- xit
Cré- di-
Be- á-
Con-fi-
Dó-mi-nus
di pro-pter
tus vir qui
té-bor ti-bi
" * i^
■
2^ >
^
■
^
«5^ «
^
, "
f
5 , "
8^ ■ ■
DÍ- xit DÓ-
Cré- di- di
Be- à- tus
Con-fi- té-
Li con-ver-
mi- nus
pro-pter
vir qui
bor ti-bi
tén- do
Chapitre II. — Chant des Psaumes. 51
Comme on le voit, aux intonations de deux notes ou groupes de
notes on adapte les deux premières syllabes du verset; à celles de
trois notes on adapte les trois premières syllabes.
Cette règle est sans exception.
Cependant, pour éviter toute équivoque, disons tout de suite que
la mélodie n'exige que le respect de la disposition matérielle des
notes ou groupes; elle n'influe en rien sur l'accent du mot.
On chantera donc :
C ■ .
Cré- di- di
et non Credidi. Pour éviter ce défaut, il faut glisser doucement sur
les notes de la syllabe qui ne porte pas l'accent, mais sans rien
enlever de leur durée,
169. — Les formules d'intonation données ci-dessus sont
communes aux psaumes et aux cantiques évangéliques : Benedictus,
Magnificat et Nu7tc dimittis, excepté le Magnificat des 2"^^ et 8"^^
modes dont l'intonation est la suivante :
Magni- fi-cat *
170. — L'intonation se fait au commencement du premier
psaume à toutes les Heures, même aux offices de la férié et
des défunts.
On la répète au commencement de chaque psaurhè quand on en
chante plusieurs sur une seule antienne, pourvu que chacun d'eux
se termine par le Gloria Patri.
Tous les autres versets commencent recto tono^ c'est-à-dire par
la teneur. ■■;...
171. — Mais aux trois cantiques évangéliques : BenedictuSy
Magnificat et Nunc diinittis^ pour plus de solennité, l'intonation se
fait à tous les versets.
172. — La teneur, ou dominante, se compose des notes qui se
chantent sur le même degré depuis l'intonation jusqu'à la
mediante, et de la mediante jusqu'à la terminaison.
La dominante sur laquelle se fait la récitation du psaume n'est
autre que celle du ton auquel il appartient. C'est une preuve de
plus en faveur du rôle important que joue cette note.
52 :\ : ' Deuxième Partie.
• • 173» — Pour bien exécuter la teneur, il suffit d'observer les 'lois
d'une bonne lecture et surtout la loi de l'accentuation, car ¿'est
du texte que dépendent la valeur et l'intensité des notes; elles rie
reçoivent que de lui leur vie, leur énergie et par là-même leur
rythme oratoire.
n importe, de plus, que le mouvement de la teneur soit assez
vif pour pouvoir aller d'un trait jusqu'à la mediante, et de 'la
mediante à la fin du verset sans respirer; mais il ne le sera jamais
au point de tomber dans la précipitation et de faire perdre ainsi
à la psalmodie le caractère de prière qu'elle doit revêtir.
174. — On ralentira légèrement le mouvement en arrivant aux
cadences comme s'il était marqué « cantando », tandis que durant la
teneur il sera exécuté comme s'il était indiqué « recitando ».
Introduite avec discrétion, cette délicate nuance du mouvement
entre la teneur et les cadences donne à la psalmodie un charme
particulier et une variété agréable, bien propres à exciter en nous
la sainte ferveur de la dévotion; en même temps le chant si simple
des psaumes s'empare de nos sens et les élève, en quelque sorte à
notre insu, jusqu'à transformer la psalmodie en une douce, suave
et paisible méditation de la parole sacrée.
175. — La flexe (f), quand elle a lieu, permet une légère
interruption dans la récitation de la teneur.
176. — Elle appartient aux cadences à un accent. On la marque
par l'inflexion mélodique d'une seconde majeure ou d'une tierce
mineure selon les modes.
Teneur Flexe
/ * •
Modes ler, 4e et 6^
\
■ ■ ■ ■ ■ ■
t
Modes 2«, 3^ 5=, 8'= Si''' '''q»-
t
I ■ ■ ■ ■ ■ ■
Mode 7e n
Dé- us, t
Dó-ini- nus
su- per te
in te
Is-ra- el
Chapitre II.— Chant des Psaumes. 53
177. ^— On peut respirer après la flexe, si' on en sent le besoin,
mais à la condition de le faire sur la valeur de la dernière note qui,
dans ce tas, 'se prolonge un peu moins. >
IjS. — Médiatite.
Pour bien la faire, qu'on mette en pratique ce qui a été dit au
sujet de la teneur et du léger changement de mouvement quand
on arrive à la cadence.
'179. -^ Ainsi qu'on peut le voir dans le tableau des huit tons, il
y a des mediantes à un et à deux accents.
'180. — La manière d'adapter les syllabes aux notes des
cadences a été suffisamment expliquée. Si, avant l'accent d'une
cadence, il y a des notes ou groupes de notes appelés « de prépa-
ration », ces notes ou ces groupes ne se déplacent jamais et
reçoivent indistinctement les syllabes comme elles se présentent.
Un exemple :
fl
Teneur
notes de prép.
+ +
Mediante
/
■
" ■ ■
■ ■ ■
• 4e Mode
Do-nec pó-nam in- i- mi- cos tu- os
■ ' Pá- tri et Fi- li- o
ut pér- de- rent me
181. — Nous avons dit, en parlant de la formation des cadences
dactyliques, que la seconde syllabe du dactyle, v. gr. Dôminus, se
place toujours sur le même degré que la note suivante. Nous
devons signaler ici une exception concernant la cadence du
dernier accent de la mediante du troisième ton.
Dans cette cadence, au lieu de chanter :
e-^
-Q — ■-
pli- e- ri Dó-mi-num *
su- per te *
On fait correspondre l'accent avec le do qui précède la clivîs,
laissant celle-ci pour la syllabe atone 7ni :
-Q — »-
pu- e- ri Do-mi- num *
su- per te *
54 Deuxième Partie.
Cette adaptation, particulière au troisième mode, est motivée
par la place fixe qu'occupe la clivis sur la pénultième, accentuée ou
non, de la mediante. En fait, nous sommes ici en présence
d'une cadence spondaïque immuable. Elle ne pourrait subir un
changement sans perdre aussitôt son rythme. Pratiquement, la
clivis est forte ou faible selon la nature de la syllabe qu'elle
rencontre.
182. — Après la dernière note de la mediante, dont la valeur
est doublée, vient la pause marquée par X astérisque.
Il est difficile, dans une méthode, d'apprécier à sa juste valeur
la durée de cette pause ou silence, qui doit se faire avec aisance et
non avec une rigueur mathématique. Elle équivaut approximati-
vement à la valeur de quatre syllabes ordinaires ou de deux temps
retardés.
183. — Terminaison.
Tout ce qui a été dit des cadences de la mediante s'applique à
celles de la terminaison.
184. — Il faut remarquer qu'aux cadences finales a ç!i b àw
troisième ton et à toutes celles du septième, la seconde note du
dernier dactyle ne se chante pas sur le degré de la note suivante,
mais bien sur celui de la note précédente, c'est-à-dire sur la note
de l'accent.
\
-•— D-
■V
nomen Demi- ni
Dans quelques tons, il se présente deux cas de cadence finale
avec note d'accent anticipée; ce sont :
r
\
I D2 * ■ . Q i
fl = FB-
. saé- eu- lum saé-cu- li
dormitet qui eu- stó- dit te
\
-!— +
-C3 »-
au lieu de saé- eu- lum saé-cu- li
dormitet qui eu- stó- dit te
Chapitre II. — Chant des Psaumes.
4E
in saé- eu- lum saé-cu- li
dormi- tet qui eu- sto- dit te
55
au lieu de in saé eu- lum saé-cu- li
dormi- tet qui eu- sto- dit te
185. — La pause qui doit se faire après la terminaison, c'est-à-
dire entre deux versets et avant la reprise de l'antienne, équivaut
à la durée de la dernière note ou syllabe.
186. — Le psaume In exitu Israël, chaque fois qu'il se chante à
Vêpres et, dans certains cas, le Laúdate pueri de Vêpres et le
Benedicite des Laudes emploient un ton spécial appelé Peregrinus.
Premier verset /
h-
V
-m — ■— ■-
t
*
i
In éx-i-tu Isra- el de Aegypto, * domus Já-cob de po-
/ Tous les autres
t
■ ■
■ ■ ■
J!^
pu-lo bárba-ro. Má-re vi- dit et fú-git : * Jordá-nis, etc.
187. — Les éditions de Solesmes sont autorisées à proposer la
mediante authentique suivante :
■m — ■-
t
-« — ■-
V
Isra- el de Aegypto. Má-re vi- dit et fú-git.
Des deux côtés la cadence de la mediante est à un accent, mais
avec trois notes de préparation dans la leçon solesmienne.
56
Deuxième Partie. » '^ ^
l88. — Mediantes solennelles.
Aux jours solennels on peut employer pour 4ôus les versets du
Magnificat la formule suivante : " ^ '
I" et 6*=
-i — ■— •-
frH
ftr-i
Et exsultá-vit spí- ri- tus mé- -=^--=- us *
mi-hi má-gna qui pot- ens est : *
»_^,s .
B*
fl
■ ■■ ■ S ' Sn ■*
2= et 8^
%
II
.^■■■l" Bul
■
^ «
II
Et
exsultá-vit spí- ri- tus mé- ..' .'.iis\ .*... . . ..:
má-gna qui pót-éns est:* j -Vf
.... 1 - - - • -•' ^ ■ ■''-^-
■
j
%:
•
i ' -> ■••
3^
■
ñ
Et
exsultá-vit spí- ri- tus mé- us *
má-gna qui pot- ens est:*
%
■ ■■■ ■ ' ' Sn ■*
4'
■ ■■■%■ lOi
Et exsultá-vit spí- ri- tus mé- us
ma-gna qui pot- ens est:
■" - - j :
. *
5^ !
i ■ ■ ■ ■ ■ 5 5 — Q m^
1 a
■ —
Et exsultá-vit spí- ri- tus me-
us
T E
ma-gna qui pot- ens est :
. ■ ■ ■ — î-o— •— °^^i— s
. *
Ma- gni- fi-cat *
Et exsultá-vit spí- ri- tus mé- us *
magna qui pot- ens est : *
* Accents anticipés.
Chapitre IT. — Chant des Psaumes.
57
XSç, — Pour les psaumes qui se chantent sans antienne, comme
il ' s'en présente aux prières pour les défunts ou à la suite dès
litanies des saints, on emploie le ton suivant, appelé In directunt :
h=i
Sic inci-pi- es et sic fa-ci- es fléxam, sic ve-ro métrum *
\
-» — ■ — ■-
sic autem púnctum.
Remarque.
Si le texte est trop court pour pouvoir, tant à la mediante qu'à
la terminaison, l'adapter à toutes les notes de la formule, on
applique la règle que voici :
Mediante.
On commence par la dominante et on réunit sur les premières
syllabes toutes les notes de la formule, jusqu'à ce qu'on arrive à
l'accent tonique qui doit toujours coïncider avec l'accent musical.
ler
6e
Qui fá-cit haec.
Qui fá-cit haec.
> Terminaison.
On commence par la note quelle qu'elle soit qui répond logi-
quement à la première syllabe du texte, en comptant à partir du
dernier accent tonique qui doit toujours correspondre avec l'accent
mélodique. Quant aux notes ou groupes de notes que le manque
de texte laisse sans emploi, on les supprime carrément.
i
per
6=
\
Í
-Q— »-
et timu- i
fí-
at, fí- at
et timu- i
190. Du diapason.
Le choix du diapason à adopter dans le chant dépend de
l'extension moyenne des voix qui composent un chœur. Selon les
cas, on prendra pour dominante le /¿z, le si^^ le si^ et même le. do.
58
Deuxième Partie.
191. — Dans le chant des Heures de l'Office divin, il convient
d'adopter une seule dominante pour toutes les antiennes et les
psaumes, afin que la corde récitative des psaumes soit la même
dans tous les tons :
la fa
re
do
192. — Le passage d'une antienne à l'autre, sans changer de
dominante, peut se faire de deux manières :
Première manière. L'antienne que l'on chantait étant terminée,
on met immédiatement au même diapason la dominante de celle
qui la suit; puis, ne tenant plus compte du mode dans lequel était
écrite la première, on descend ou on monte jusqu'à ce qu'on ait
rencontré la note par laquelle commence la seconde.
Deuxième manière. On sait qu'avec la corde chorale ou teneur^
les notes, qui sont à la quarte et à la quinte en dessous de la
dominante ainsi unifiée, sonnent à l'unisson.
Í • !-V» ! ■ ! %^-
la uii ré fa do si 7'é la sol do sol fa, etc..
La plupart de ces notes jouent, selon les modes, le rôle de
dominantes ou de toniques. — Si la nouvelle antienne commence
par une d'elles, la transition ne présente aucune difficulté, la
première note est émise comme si cette seconde antienne
continuait dans le même ton que la précédente.
fl
ler
5
e
■
Í ■ -
- ■ _
• ■
"
■
■■ ,•
,•
■
fl
ler
■
■
8e
1
* ■
- ■ -
« ■
A a
■
-Ît-«^
-H^—
0 1
■
> g ■
Quant aux seconde et troisième notes sous la dominante, dans les
premier, quatrième et sixième modes, elles se rencontrent à l'unisson;
de même dans les second^ troisième, cinquième et huitième. ^ . ,
Chapitre III. — Du rythme.
59
6«
26
3^
5^
8e
■! a
• Q
rt
S ° ■ ,
■ ■ ■
° ■ ,
° ■ ,
■
■
Le quatrième mode appelé transposé ^X. le septième appartiennent
à ceux du premier groupe quant à la seconde note (un ton entier)
sous la dominante ; quant à leur troisième note (tierce mineure), ils
sont rangés avec ceux du second.
A toutes ces notes on appliquera, dans le passage d'une antienne
à l'autre, le même procédé que pour la quarte, la quinte et la
dominante.
CHAPITRE m.
Du rythme.
Avertissement préliminaire. — Qu'est-ce que le rythme : matière et
forme. — Arts de repos et ai'ts de mouvement. — Qu'est-ce qui
détermine lafoi'me du rythme. — Rythme élémentaire ou à temps
simples. — Arsis, thésis. — Temps composé. — Rythjne simple à
temps composés. — Neutralité des groupes. — Rythme composé :
par juxtaposition^ par contraction. — Thésis masculine^ thésis
féminine. — Lictus rythmique. — Différence entre accent^
impulsion et ictus. — L'accent tonique dans ses relations avec le
rythme. — Indivisibilité du temps simple. — Rythme mesuré et
rythme libre. — La mesure. — La syncope. — Accidents du
rythme.
193. — Avant d'entreprendre l'étude du rythme du chant
grégorien, il convient de rappeler que ce chant possède _une vie
propre, que dans sa constitution interne il s'écarte des théories de
la musique figurée, et que la langue latine, qu'il accompagne et
dont il a épousé le rythme, diffère des langues modernes par des
caractères bien distincts.
Cette première observation étant faite, une seconde s'impose.
Nous ne pouvons pas procéder à l'application immédiate au chant
grégorien des lois générales du rythme, sans avoir préalablement
6Q ,: î r 'LDeuxième Partie.
étudié celui-ci en lui-même, c'est-à-dire « nu, dépouillé de tous
ses ornements mélodiques et oratoires ^ ».
« Cette étude_est d'autant .pfua nécessaire à notre époque que
nombre de musiciens et de métriciens prennent pour des lois
absolues du rythme des faits qui n'en sont que des applications
spéciales et restreintes à telle langue, à telle espèce de n>.usique.
Débrouiller, le rythme de toutes ces matières qui l'enveloppent,
l'enlacent et en font- méconnaître la vraie nature : c'est le travail
qui doit occuper d'abord l'étudiant 2 ».
Commençons par définir le rythme, et il nous sera ensuite plus
facile de le comprendre en expliquant sa matière et sa forme.
. 194. — ■ Le rythme est l'ordonnance du mouvement.
195. — \^2. matière, ce sont les sons et les mouvements des corps.
196. — l^difojnjie, c'est l'ordre par lequel les sons et les mouve-
ments sont mis en relation entre eux.
197. — Nous réduisons ici la uiatière du rythme au son et au
mouvement des corps, parce qu'il ne s'agit pas du rythme en tant
qu'il peut être considéré dans tous les arts, mais seulement en
tant qu'il se rapporte à une catégorie d'arts très déterminée : les
arts de moîivevient.
« On sait que chez les Grecs, les arts, au nombre de six, se
groupaient en deux triades :
, 1° L'architecture, la sculpture, la peinture;
2^ La musique, la poésie, la danse ou orchestique,
« Dans la première triade, le Beau, qui est le but de l'art, est
réalisé à Vétat d'arrêt, de repos : ses divers éléments sont juxtaposés
dans \Espace; il n'est pas représenté dans un développement
successif, mais fixé dans un moment unique de son existence.
« Dans la deuxième triade, le Beau est réalisé à Xétat de
rnouvement, par la succession de ses éléments dans le Temps.
« Les premiers, arts de repos, sont en relation avec Y Espace ; les
seconds, arts de mouvement, le sont avec le Temps ».
198. — De la définition passons à l'exposition du rythme
musical. Et d'abord écartons ce qui ne serait pas conforme au
principe que nous avons énoncé, à savoir : que la forme du rythme
^ Cette étude du rythme en lui-même, séparé d'un texte et de toute mélodie,
ne peut être faite ici que d'une manière très sommaire. On la trouvera
développée avec l'ampleur et l'autorité qu'elle réclame dans le No7nbre musical
grégorien.
' Les passages, qui dans les chapitres consacrés au rythme se trouvent entre
guillemets, sont cités textuellement de Dom Mocquereau.
ChapitF^j III. 'j^/ÍL)u fYthme. 61)
établit entre ses éléments la reil^tipn :ijiéGessaire pour qu'ilsi forment
un seul tout, une eníüé jy^/ipnç^e. . , . < : . .'
Serait-ce, en effet, être conséquent a^vec ce: principe fondamental
d'avancer, par exemple, que le rythme consiste dans la succession
rapicjeiou lente, dans l'émission forte ou faible, ou dans la qualité
phonétique des sons? Serait-ce même; donner l'idée complète du
rythme, de dire qu'il réside dans une série, de sons juxtaposés,
n'ayant entre eux d'autre relation que celle de la continuité? . i. >
Assurément non; car, dans tous ces cas, nous ne considérons pas
les éléments du rythme groupés ensemble et agissant de concert
sous l'influence d'un facteur unique qui les dirige. tous vers un but
commun, mais nous les envisageons isolés, sans lien entre eux et
sans subordination à un élément supérieur, D'un côté, nous n'avons
égard qu'à des éléments individuels du rythme, qui sont les
qualités que peuvent avoir les sons, et, de l'autre, noUs n'avons en
vue qu'une série d'éléments aptes à constituer un rythme, mais qui
en seront incapables tant qu*une intelligence d'artiste ne s'en , sera
pas emparé pour les coordonner et en former un corps organisé et
vivant. Que manque-t-il donc à ces sons, diversement considérés,
p6ùf constitue!' un rythme? Il leur manque l'essentiel, la fnri^.ç^qp
ce que saint Augustin appelle Vars bene movendi ^.
199. — Qu'est-ce qui détermine la forme du rythme et lui sert
de fondement? — Nos propî'es facultés physiques^ intellectuelles et
esthétiques.
Pour peu que nous y prenions garde, nous reconnaissons en nous
un ensemble de facultés formant comme un sens rythmique qui non
seulement juge des rythmes externes déjà existants, mais nous
permet encore de créer, subjectivement, des rythmes qui, objecti-
* Voici avec quelle compétence et quelle clarté Mgr Norbert Rousseau
définit les rapports que le rythme établit entre les sons : <L Entre une suite de
sons juxtaposés et un rythme sonore véritable il y a cette différence qui existe
entre un tas de pierres géométriquement agencées et un groupe d'êtres
intelligents reunis en sociei¿j¿¿i;i¿able, au sens philosophique du mot. Dans le
premier cas, les éléments juxtaposés avec soin peuvent réaliser une formé
symétrique agréable à l'œil, mais ce groupement physique d'êtres sans vie
n'ont entre eux ni lien, ni relation mutuelle. Au contraire, dans le cas d'une
union sociale d'éléments vivants et intelligents, il existe un véritable lien moral
qui consiste dans la conspiration vers une même fin, par l'emploi de moyens
communs, sous l'impulsion d'une même direction, donnant à cet esse sociale sa
réelle formalité. Ainsi dans le groupement des sons rythmés circule une.
véritable vie sociale qui, sous l'inspiration du compositeur, unit les éléments
dans une conspiration vers une fin harmonieuse déterminée, par l'emploi des
qualités que nous savons : durée, force, mélodie, timbre, harmonie. C'est dans
cette pensée que plus tard l'auteur du Nombre musical^ en parlant des groupes
neumatiques, remarquera leur « caractère éminemment sociable. > Le rythme
n'est donc pas une ordonnance de division et de distinction, mais une ordon-
nance de fusion harmonieuse des mouvements sonores. >
Ecole Grégorienne de Solesmes^ p. 69.
62 Deuxième Partie.
vement, n'existent pas. A cette fin, il cherche des modèles ou des
analogies dans les mouvements des corps, c'est-à-dire dans les
rythmes infinis que lui offre la nature.
Qu'appelons-nous '}nouve7nent complet d'un corps? Le passage de
ce corps de l'activité au repos. Nous disons que nous avons fait un
pas quand, après avoir levé le pied, nous le posons de nouveau. De
même, quand est-ce que nous aurons, en musique, un mouvement
complet? Lorsque la relation entre les sons est telle qu'elle donne
à l'un le caractère d'effort, d'élan, de point de départ, et, à l'autre,
celui de repos, d'appui, de point d'arrivée. Le second est ainsi la
suite naturelle et le complément nécessaire du premier; car, nous
venons de le dire, tout mouvement suppose, à son début, un effort
qui le met en branle, et tout effort appelle après lui, une détente,
un repos.
Cette étroite relation de deux sons entre eux, constituant un
mouvement sonore dont l'un est le point de départ, et l'autre, le
point d'arrivée : cest toute la genèse du rythme inusicaL
200. Rythme élémentaire ou à temps simples.
Pour former un rythme, il n'est donc besoin que de deux temps^
un pour chacune des deux parties dont il se compose.
Exemple :
# mm 0 9 ë
7 T »
Qu'on chante plusieurs fois et sans interruption ces trois groupes
de sons, ces trois rythmes ; que les deux sons de chaque groupe
soient émis sur une note quelconque ou avec une des voyelles,
mais sans recourir pour le moment aux paroles, en ayant soin de
donner à chacun la durée qui lui est attribuée et en l'accompagnant
du geste de la main qui est indiqué. Par ce procédé, on sentira
bientôt en soi-même, je ne dis pas naître, mais se réveiller l'idée
exacte du rythme, c'est-à-dire l'int-me relation qui existe entre
chacun de deux sons : le premier, bref et léger, d'impulsion et
d'élan; le second, large et lourd, de repos et d'appui; appui et
repos provisoires à la fin des deux premiers rythmes et définitifs
au dernier.
201. — La première partie du rythme se nomme a7'sis, et, la
seconde, thésis.
Le point d'appui, indiqué par un petit trait vertical au-dessous
de la seconde note, est appelé ictus rythmique.
202. — L'exemple précédent nous a fait assister à la genèse du
rythme.
Chapitre III. — Du rythme. 63
Un second exemple nous permettra de suivre son développement.
<s> s s \
I I I I
Au lieu des notes isolées du premier exemple en relation d'arsis
et de thésis, ce second exemple nous offre des groupes de notes
étroitement enchaînés et sans attribution rythmique.
Nous pouvons envisager ces groupes sous deux aspects.
Nous pouvons les considérer d'abord comme autant de rythmes
élémentaires. Nous avons en effet ce qui constitue le rythme
élémentaire : la note d'élan et la note de repos ; la note d'élan
c'est la note privée d'ictus, et la note de repos c'est celle qui en est
affectée. Mais parce que cette fois les rythmes élémentaires sont
indissolublement unis- tandis que la première fois ils étaient
détachés, l'ictus est tout ensemble point d'arrivée et point de
départ. Sur chaque ictus un rythme termine et un autre commence.
L'ictus rythmique est ainsi essentiellement une note de contraction.
. Il y a indissolubilité entre tous ces petits rythmes. Ils forment
k»Vr ensemble une chaîne rythmique dont les anneaux se croisent sur
l'ictus. De fait, la ligne qui les surmonte ne rappelle-t-elle pas une
chaîne? Le rapprochement de ces rythmes élémentaires enchaînés
avec les mêmes rythmes détachés du premier exemple marque un
pas en avant dans la marche du rythme.
203. — Le temps composé.
Un second pas sera de considérer nos groupes non plus comme
des r}^thmes élémentaires mais comme des temps composés. Les
notes entrent ainsi en relation encore plus étroite. Deux par deux
elles s'agglutinent pour ne former qu'un temps : unité nouvelle,
supérieure, cela va de soi, à l'unité du temps simple.
204. — Le rythme simple à temps composés.
Avec des unités plus importantes le rythme va s'élargir. Tandis
que jusqu'à présent deux notes avaient suffi à constituer un
rythme, désormais il faudra deux groupes. Un groupe sera arsis et
un autre thésis. L'exemple ci-dessus va nous donner ce nouveau
rythme; nous n'avons pour cela qu'à le reproduire en donnant
cette fois aux groupes une attribution rythmique ;
Arsis Thésis Arsis Thésis
> n r, n i
La transformation du rythme à temps simples en rythme à temps
composés est tangible. Dans le rythme à temps composés, les
64 Deuxième Partie.
temps simples sont devenus des temps composés et les rythi'nes
élémentaires ne sont plus que des parties d'un plus grand rythme.
Il a donc suffi pour obtenir un rythme à temps composés de
mettre en relation d'élan et de repos deux groupes, comme aupa-
ravant il avait suffi de mettre en relation analogue deux notes
pour produire le rythme élémentaire.
205. Neutralité des groupes.
Par quel principe avons-nous attribué à tel groupe l'arsis et à tel
autre la thésis? Ne pouvait-on pas faire l'inverse?
Parfaitement; et ceci nous donne lieu d'affirmçr la neutralité, en
théorie, des groupes rythmiques. En théorie, ils sont aussi aptes les
uns que les autres, nous le verrons bientôt, à jouer soit le rôle
d'arsis, soit celui de thésis. Or, ici, nous sommes en pleine théorie,
puisque nous étudions le rythme nu, c'est-à-dire en dehors de toute
conception mélodique. En pratique, il en va tout autrement : la
neutralité cesse le plus souvent, et il appartient alors, soit à la
mélodie, soit au texte, soit à tous les deux réunis, de faire de tel
groupe une arsis et de tel autre une thésis.
206. — Bien qu'à temps composés, les deux rythmes que nous
venons d'obtenir constituent chacun un rythme simple, car chacun
n'a qu'une arsis et qu'une thésis binaires. Le rythme simple à
temps composés n'est donc qu'un élargissement, qu'une extension
du rythme simple élémentaire; il n'y a pas entre eux de différence
essentielle.
207. — Le rythme cojnposé.
Comme plusieurs temps simples forment le temps composé, le
rythme composé résulte de la réunion de plusieurs rythmes
simples. Notre exemple contient tout cela. Nous le reproduisons
une troisième fois en superposant le rythme composé aux précé-
dents échelons rythmiques. En pareille matière, rien ne vaut pour
la démonstration les preuves graphiques. De plus elles dispensent
de longs commentaires.
Rythme cc.nposé 1
Rythme simple Ryhme simple
Arsis Thésis Arsis Thésis
Ryth. élém. Ryth. élém. Ryth. élém.
Temps comp. Temps c. Temps c.
Chapitre III. — Du rythme. 65
Ce tableau, en effet, parle de lui-même. Il montre, objectivement,
comment du rythme élémentaire on s'élève au rythme simple et
du rythme simple au rythme composé. Les rythmes supérieurs
sont autant de synthèses des rythmes inférieurs. Sans les absorber,
les rythmes supérieurs rapprochent, resserrent les rythmes inférieurs
et n'en font qu'une entité rythmique.
Les détails font donc l'ensemble, et c'est de l'ordonnance des
premiers que résulte la beauté du second, ou plutôt cette ordon-
nance c'est le rythme même, selon la définition que nous en avons
donnée.
On voit par là l'importance des détails dans l'étude du rythme.
Ce n'est pas pour les mettre isolément en relief qu'on s'en rend
compte; au contraire, c'est pour mieux les fondre dans l'unité de
l'ensemble.
208. — Le rythme composé se forme de deux manières : à) par
l'alternance régulière de l'arsis et de la thésis; b) par la répétition
de plusieurs arsis ou de plusieurs thésis consécutives.
209. — La première manière est celle que nous venons de voir.
C'est le rythme composé ^d^r juxtaposition. Bien qu'étant étroitement
unis, les rythmes simples restent distincts, chaque thésis indiquant
la fin de l'un et chaque arsis le commencement de l'autre.
210. — La seconde manière, c'est le rythme composé par
cgXL¿xa£tÍQn. Rien de plus exact. L'ordre rythmique régulier étant
qu'après une arsis vienne une thésis, chaque fois que plusieurs arsis
ou que plusieurs thésis se suivent, l'une d'elles est le point de
fusion de deux rythmes qui s'enchaînent. La thésis du rythme
précédent devient arsis par rapport au rythme suivant. Le phéno-
mène que nous avons constaté au sujet de l'ictus se renouvelle ici
sur un groupe entier. Un groupe entier devient contraction de
deux rythmes à temps composés, comme l'ictus est la contraction
de deux rythmes à temps simples.
Il suffira de rompre l'alternance des arsis et des thésis pour
transformer l'exemple ci-dessus en rythme composé par contraction.
Faisons une arsis de la première thésis.
Arsis, Arsis, Arsis, Thésis.
n ^n n
No 674.
66 Deuxième Partie.
Aussitôt nos trois groupes représentent un nouveau rythme. Au
lieu de deux rythmes juxtaposés, nous n'avons plus qu'un seul
rythme à trois arsis. La contraction s'est faite sur le second groupe
qui, théoriquement thésis puisqu'il vient après une arsis, est
pratiquement devenu arsis.
211. — Si exacte que soit cette exposition de la contraction, on
peut cependant donner à cette seconde forme du rythme composé
une explication moins subtile. Pourquoi l'arsis et la thésis à temps
composé n'auraient-elles pas la faculté de se développer comme
larsis et la thésis à temps simple? La répétition du temps simple
fait des arsis et des thésis à temps composé. La répétition de ces
mêmes arsis et thésis à temps composé fera de grandes arsis ou de
larges thésis à plusieurs phases. Nous aurons alors un seul élan
arsique on un seul mouvement thétique comprenant plusieurs arsis
ou plusieurs thésis consécutives. Sur chaque ictus où les arsis d'un
côté et les thésis de l'autre se rejoignent, l'élan de la grande arsis
se renouvelle et le mouvement de la large thésis continue à
décroître. — Ainsi envisagé, le rythme composé deuxième forme
est au rythme simple à temps composé ce que celui-ci est au
rythme élémentaire.
212. — Ce ne sera pas s'écarter du cadre de ce chapitre consacré
au rythme en lui-même, que de faire l'application du rythme
composé à un fragment mélodique :
A
V^ ^-"^
m
B
Ici les groupes sortent de la neutralité rythmique où nous les
avons trouvés. La mélodie par ses contours assigne à chacun son
rôle. Les groupes qui s'élèvent sont les arsis et ceux qui s'abaissent
sont les thésis, car arsis veut dire élévation aussi bien qu'élan, et
thésis signifie abaissement non moins que repos.
Les arsis et les thésis étant alternées, c'est le rythme composé
première forme.
Chapitre III. — Du rythme. 67
213. — Thésis masculine^ thésis féminine.
Une remarque. Nous avons à dessein dans l'exemple B changé
en noire le second temps composé de l'exemple A. De part et
d'autre les deux rythmes simples n'en sont pas moins juxtaposés,
mais en A l'union paraît plus étroite qu'en B. Cela tient au
caractère des deux thésis. En A c'est la thésis féminine ou
postictique, c'est-à-dire qui se poursuit après l'ictus; en B c'est la
thésis masculine ou ictique, c'est-à-dire qui se fait sur l'ictus, note
solide. Or, par sa nature, la thésis masculine est conclusive, tandis
que la thésis féminine appelle toujours une suite. Delà en B l'im-
pression d'un arrêt plus apparent que réel après le premier rythme.
214. — Nous empruntons au Kyrie Aime Pater l'exemple
mélodique de rythme composé deuxième forme.
i
Ky- ri- e
Nous avons toujours le même nombre de groupes. La mélodie
fait des deux premiers deux arsis et du troisième une thésis. Bien
que la descente commence au deuxième, celui-ci ne peut être
qu'arsis parce que sa première note est le point culminant de l'élan
arsique qui commence avec le premier groupe. La note suivante ne
faisant qu'un avec elle, le mouvement thétique ne commence qu'au
troisième groupe. Nous avons donc un petit rythme composé
deuxième forme partagé en deux parties égales : deux arsis à
l'élan et deux thésis au repos. Par son peu d'étendue et l'équilibre
parfait de ses deux parties, ne dirait-on pas un rythme simple
légèrement développé? Or, si au lieu de deux arsis et de deux
thésis nous mettons quatre arsis d'un côté et quatre thésis de
l'autre, le rythme composé ne changera pas de nature, il sera
simplement en possession d'une plus grande arsis et d'une plus
large thésis. — Expliquer, comme nous l'avons fait, le rythme
composé deuxième forme par le développement de l'arsis et de la
thésis plutôt que par la contraction de deux rythmes simples, est
donc légitime et fondé.
Sans anticiper sur ce qui doit être réservé pour les chapitres
suivants, remarquons la concordance parfaite du dessin mélodique
avec l'arsis et la thésis du mot. La mélodie s'élève sur l'accent et
68 Deuxième Partie.
s'abaisse sur les deux dernières syllabes. C'est la mélodie elle-
même du mot à laquelle la musique ajoute l'ornement des notes et
la précision des intervalles. Ici donc ce n'est pas la mélodie seule
qui, des groupes, fait des arsis et des thésis, c'est encore le texte.
Nous les verrons dans la suite agir tantôt de concert comme ici,
tantôt séparément.
215. — Le rythme composé deuxième forme est le plus fréquent
On peut dire que les mélodies en sont en quelque sorte tissées
d'un bout à l'autre. Ne pourrait-on pas en donner pour raison qu'il
est le plus synthétique? Il y a en effet plus d'union entre deux
rythmes qui se contractent qu'entre deux rythmes qui se juxta-
posent, et, à cause de l'unité de nature, entre plusieurs arsis ou
plusieurs thésis consécutives qu'entre des arsis et des thésis
alternées. Or le rythme est une synthèse. Il rapproche les sons non
moins qu'il les ordonne. Il n'est donc satisfait qu'autant qu'il les
saisit et les presse dans une plus large et plus forte étreinte.
216. — L'ictus rythmique.
Nous le connaissons déjà. Nous ne pouvions exposer le rythme
sans le trouver sur notre chemin. Plus loin nous consacrerons un
chapitre aux règles qui déterminent sa place dans la mélodie. Ici,
c'est le lieu de définir ce qu'il est.
L'ictus rythmique est un simple posé de la voix, c'est un simple
point d'appui que le rythme trouve de deux en trois notes pour
renouveler ou soutenir son mouvement jusqu'à ce qu'il parvienne à
l'ictus ou appui final.
Il faut dégager l'ictus de toute idée de force ou de longueur.
C'est l'erreur ordinaire que de l'assimiler à l'accent des mots et à
lui en donner la valeur. — Par lui-même l'ictus est indifférent. Sa
valeur dynamique ou quantitative lui vient de la note qui lui
correspond. Si par sa position l'ictus est fort, il ne l'est pas seul;
son intensité s'étend à tout le temps composé qu'il commande; il
ne garde pour lui que le touchement, c'est-à-dire le rôle d'appui.
On comprend qu'il doive en être ainsi pour sauvegarder l'unité du
temps composé.
217. — Un rythme peut commencer par une note d'élan ou par
une note d'appui (ictus).
Il commence par une note d'élan quand l'arsis est unaire, par
une note d'appui quand l'arsis est binaire ou ternaire.
m j
# # tf é
I
Chapitre III. — Du rythme. 69
Rien de plus naturel que de commencer par un élan, puisque
l'élan est la première partie du mouvement.
Rien de moins anormal d'autre part que de commencer par un
appui. En voici la raison. Comme il n'y a point de mouvement sans
moteur et que le mouvement sonore n'échappe point à cette loi,
avant d'indiquer le départ d'un mouvement rythmique, l'ictus
initial de l'arsis à temps composé marque l'arrivée du mouvement
préliminaire ou moteur qui met en branle le mouvement sonore.
Ce mouvement préliminaire, « c'est l'ordre qui, partant du cerveau,
de la volonté, se transmet rapide comme l'éclair aux organes de la
voix et les met en action pour l'émission des sons ».
Dans l'ordre physique, la nature nous offre des exemples de
mouvements moteurs analogues à celui d'ordre psychologique dont
nous parlons. Tel le mouvement de la crosse venant frapper la
balle posée par terre pour la lancer en l'air.
Aussi rien de plus naturel et de plus logique que de représenter,
par un geste préliminaire de la main, le mouvement spontané
moteur du mouvement rythmique. Nous l'indiquons par la ligne
pointillée A-B de l'exemple suivant. N'est-ce pas à ce geste que
revient ce qu'on appelle, en musique, battre une mesure pour rien?
Le point B, c'est le point précis où le mouvement moteur saisit
le rythme au repos et le lance. Les deux mouvements, celui qui
lance et celui qui est lancé, se rencontrent ainsi sur un point
unique où il se confondent.
2l8. — Cette explication de l'emploi de l'ictus rythmique au
début d'un rythme, nous autorise à déclarer absolument fausse
l'équivalence que certains veulent établir entre Vaccenty l'impulsion
et Victus.
\J accent tonique est toujours un temps relativement fort, Vimpul-
sion (première note d'une arsis binaire ou ternaire) est toujours un
jtemps d'élan, Victus au contraire peut être l'un ou l'autre, ou tous
les deux réunis : avec la syllabe tonique Victzis est accent, avec la
note d'impulsion il est élan, avec la dernière syllabe du mot ou
avec la dernière note d'un rythme il est thésis, mais qu'il soit par
sa position accentué -ou atone, fort ou faible, élan ou repos, il est
70 Deuxième Partie.
toujours appui, touchement rythmique. (Voir les deux derniers
alinéas du numéro 220).
Qu'on revienne sur les exercices de solfège donnés dans la première partie,
et qu'on se rende bien compte de la place et de la valeur respective des ictus.
219. — Ayant défini le rythme, sa matière et sa forme, le
caractère du premier temps du rythme (arsis) et celui du second
(thésis); ayant expliqué la véritable signification de l'ictus
rythmique que nous avons distingué de Xaccent tonique et de
Ximpulsion du mouvement, bien que tous les trois puissent se ren-
contrer à la fois sur une même syllabe (ce que nous allons consta-
ter tout à l'heure), il nous reste à exposer quelques autres points
sur lesquels il est nécessaire d'avoir des idées très précises pour
pouvoir bien comprendre les notions les plus générales du rythme.
220. — L'accent tonique dans ses relations avec le rythme.
Après ce qui été dit au sujet du rythme et du vrai caractère de
l'arsis et de la thésis, on comprendra que l'accent latin puisse se
rencontrer tantôt avec la première et tantôt avec la seconde.
Il n'y a non plus aucune répugnance à ce que l'accent d'un
dissyllabe coïncide avec une arsis à temps simple (rythme simple
élémentaire), privée par conséquent d'ictus rythmique exprimé.
N'est-il pas vrai que lorsque ce cas se présente, l'arsis apparaît plus
dégagée, et que sa relation avec la thésis est plus étroite que quand
elle est à temps composé? C'est que, libre de tout ictus rythmique,
l'accent latin, dont nous avons expliqué la nature dans la première
partie, représente mieux l'idée de mouvement, d'attraction et de
synthèse si nécessaires à l'unité du mot.
D'ailleurs, même dans la prosodie, l'accent ne réclame par lui-
même aucune prolongation. Là encore il garde son caractère de
brièveté et d'acuité, malgré la nature de la syllabe qu'il affecte. La
preuve c'est que lorsqu'il correspond à une syllabe longue, v. gr.
Roma, les anciens n'attribuaient l'accent aigu qu'au premier temps
de cette syllabe, comme si nous écrivions :
/
^J^J
Rô-ma
Chapitre III. — Du rythme. 71
Faut-il s'étonner après cela que la rr>élodie grégorienne nous
présente des cas innombrables où la syllabe accentuée n'a qu'une
note, tandis que les syllabes ordinaires sont chargées de neumes.
C'est encore à cause du caractère vif et aigu de l'accent latin que,
dans le chant syllabique, le rythme grégorien préfère, autant qu'il
est possible, placer l'ictus ou appui sur la dernière syllabe (ce que
nous venons de faire précisément au mot Deus) : i^ l'accent est
ainsi plus dégagé, 2° l'unité du mot plus étroite, 3° les mots mieux
enchaînés et 4° la phrase plus liée.
C'est pourquoi, lorsque l'accent correspond à l'ictus de Varsis^
comme dans l'exemple suivant :
n j
Dé- us
il faut veiller à ne pas l'écraser ou à ne pas faire peser la voix sur
lui lourdement. Ici, qu'on se le rappelle bien, l'ictus est une impul-
sion et, en conséquence, il doit être vif et lancer le mouvement avec
vigueur et agilité.
Nous nous trouvons en présence du cas dont nous avons parlé
au numéro 218. Il faut le remarquer parce que rien ne vaut les
exemples pour faire comprendre les principes. La première note de
cet exemple est à la fois :
1° Appui ou touchement rythmique, étant le point d'arrivée du
mouvement préliminaire qui donne le branle au mouvement sonore;
2° impulsion, puisqu'elle communique à toute l'arsis l'élan qu'elle
reçoit elle-même du mouvement moteur; et 3° accent parce qu'elle
s'approprie la valeur et l'intensité de l'accent tonique qui lui
correspond. Attribuer à une même note plusieurs caractères ou
plusieurs rôles simultanés n'implique donc aucune contradiction.
221. — Indivisibilité du temps simple.
« Le temps simple est divisible ou indivisible selon les époques et
les différents genres de musique ou de langage. L'art moderne
divise et subdivise le temps premier, une croche par exemple, en
doubles croches, en triples, en quadruples croches, v. gr. :
h F^ rrrl
000 €■= 0000
7773
12
Deuxième Partie.
« Rien de semblable dans le rythme grégorien.
« Le temps simple y est indivisible, c'est-à-dire que sa durée
normale, une fois déterminée, ne peut-être divisée en durée plus
courte, pas plus, d'ailleurs, que la syllabe latine qui lui sert d'appui
et de règle. »
En pratique, cependant, le temps simple peut légèrement se
réduire sans se subdiviser, comme aussi s'élargir un peu sans
remplir l'espace de deux temps.
La thèse de \ indivisibilité du temps simple fait l'objet d'un des
plus beaux chapitres du Nombre musical grégo7'ien. Contre elle les
théories des mensuralistes viendront toujours et infailliblement se
briser.
La conséquence de X indivisibilité du temps pre^nier^ c'est que
l'arsis et la thésis n'auront jamais plus de trois notes.
222. — Rythme mesuré et rythme libre.
Le rythme est w^j-^^r^' lorsque l'ictus ou appui rythmique apparaît
régulièrement de deux en deux ou de trois en trois temps. Les
mouvements sont alors calqués sur un modèle unique. Tel est le
r)'thme ordinaire de la musique.
223. — Le rythme est libre lorsque, au lieu d'une succession
isochrone ou temps fixes, le retour irrégulier des ictus constitue une
série de groupements binaires ou ternaires agréablement mélangés
ensemble. Le rytlwie musical libre est propre au chant grégorien.
224. — La mesure.
Nous avons pu exposer la matière et la forme du r}^thme ainsi
que les diverses nuances dont il aime à se parer, sans avoir eu
besoin de recourir à la notion de la mesure.
C'est une preuve que loin d'être un facteur du rythme, la mesure
doit à celui-ci son existence et sa durée.
Le rythme crée ou détermine la mesure, en s'appuyant sur les
ictus qui sont considérés, en musique, comme premier temps de
la mesure.
A) Si le rythme s'appuie après c!eux temps simples, la mesure
est binaire; B) s'il s'appuie après trois temps simples, elle est
ternaire; C) si l'arsis a un seul temps simple exprimé (rythme
élémentaire), le premier temps de la mesure est regardé comme
sous-entendu.
(A)
n
n
J
(B)
0 0 0
0 0 0
(C)
Chapitre III. — Du rythme. 73
225. — D'où on doit conclure :
i^ Que la mesure c'est l'espace compris entre deux ictus, tandis
que le rythme embrasse pour le moins deux mesures ou deux
fragments de mesures. En d'autres termes, la mesure c'est l'espace
compris entre deux barres, tandis que le rythme est à cheval sur la
barre de mesure,
(Voir les exemples ci-dessus).
2° Que la thésis pouvant réunir deux ou trois temps simples
(thésis postictique) aussi bien que l'arsis, la mesure sera en consé-
quence un temps composé du rythme et correspondra à une arsis
ou à une thésis composée.
Un seul rythme.
a.
m m
Deux mesures
m
000
30 Que c'est une erreur enfin de croire que le premier temps de
la mesure est toujours fort parce qu'il est affecté de l'ictus; nous
savons à quoi nous en tenir à ce sujet, ayant déjà vu que l'ictus
rythmique n'est synonyme par lui-même ni d'accent ni d'impulsion,
mais qu'il indique simplement et avant tout lesjpojnts d'appui du
rythme.
226. — La syncope.
« La syncope est un trouble apporté dans la succession régulière
des élans et des repos du rythme. »
Il suffit de définir la syncope pour donner à comprendre qu'elle
est essentiellement incompatible avec le caractère calme et équi-
libré du rythme grégorien, et que nous n'en prononçons le nom que
pour en proscrire l'emploi.
Ce serait donc une erreur plus grave encore que la précédente
contre le rythme grégorien et contre l'unité du neume ou de la
double note (qui dans les deux cas représentent un temps composé
arsique ou thétique) d'écrire, de chanter ou d'harmoniser :
74 Deuxième Partie.
^ ^ Sán-ctus ï
Dé- us . S . = /_.0 ,^
■ mm
^ I Dómi-nus
Dans ces exemples l'effet de syncope consiste en ce que l'ictus
abandonne la première note du neume et glisse sur l'accent.
Celui-ci du levé où il se trouvait passe au frappé. Deux sons
rythmiquement distincts s'unissent en un seul temps prolongé, car,
subjuguée par l'ictus intensif de l'accent, la note initiale du neume
ne fait qu'un avec lui, malgré l'articulation d'une nouvelle syllabe.
L'ordre rythmique en est vraiment bouleversé. L'ictus sur l'accent,
c'est un nouveau groupement qui commence avec lui; ce groupement
est ternaire et la note initiale du neume en est la seconde; l'unité
ou plutôt l'individualité du neume est donc bien sacrifiée.
Désordre rythmique, voilà en un mot où aboutit la méconnais-
sance de la distinction que nous avons établie entre l'accent et
l'ictus, et sur laquelle nous aurons lieu de revenir 2.
227. — Accidents du rythme.
Pour mieux définir en quoi consiste l'essence du rythme, nous
avons laissé intentionnellement de côté les qualités phonétiques
des sons, leur force ou leur faiblesse, leur élévation ou leur gravité,
etc.; nous n'avons parlé que de leur relation dans l'ordre du
mouvement. Peu importe en effet que les sons soient sur le même
degré d'élév^ation ou qu'ils aient la même intensité; il y a rythme
dès que la relation du mouvement s'établit entre eux.
C'est pourquoi, bien que X iiitensité çX. la mélodie puissent apporter
un perfectionnement au rythme, nous considérons les exemples
suivants comme étant rythmiquement identiques, car chacun n'a
qu'une arsis de trois temps et une seule thésis ; en d'autres termes,
un seul élan ou impulsion et une seule retombée ou repos, avec un
unique appui ou ictus rythmique pour chacune de leurs parties;
* On dira au chapitre de l'Accompagnement comment les accords doivent
marcher avec les ictus.
^ On a appelé « glissement > le procédé qui consiste, chaque fois que le cas
s'en présente, à transporter l'ictus initial du neume sur l'accent tonique qui le
précède immédiatement. Dans une étude lumineuse et savamment documentée
<L L' Ictus et le Ryth)ne^^ Dom Gajard a démontré que le dit «glissement» est
démenti par les lois de la composition grégorienne non moins que par le
rythme. (Cf. Revue Grégorienne, VIP Année, p. 144-152.)
Chapitre IV. — Du rythme des mots et des neumes. 75
ils ne diffèrent que par leur interprétation dynamique et mélodique.
m I rn I
Il r » ♦^
Pour que chaque partie d'un rythme forme un seul temps, une
seule phase du mouvement, il faut absolument que les divers temps
simples dont il se compose soient émis successivement en forme
liée^ car le moindre renouvellement de l'impulsion initiale sur l'un
d'entre eux suffirait pour les désagréger et annuler l'effet de
relation rythmique. qui les réunit en un seul temps.
Le mouvement est donc seul essentiel au rythme; les qualités
accidentelles des sons ne font que lui donner plus de coloris.
Qu'importe, par exemple qu'en terminant un pas nous posions le
pied lourdement ou sans bruit? Dans l'un comme dans l'autre cas,
le pas n'est-il point complet? Il ne lui manquerait quelque chose, il
ne serait inachevé que si, après avoir levé le pied, nous le laissions
en l'air. Poser le pied, voilà l'essentiel ; le reste, qu'on le fasse avec
ou sans bruit, c'est purement accidentel et n'affecte en rien
l'essence de ce mouvement local.
CHAPITRE IV.
Du rythme des mots et des neumes.
Des pauses.
Rythme des mots : mots isolés^ mots associés. — Mots-rythmes :
succession par enchaînement, — Mots-temps : succession par
juxtaposition. — Rythme des neumes : neumes-temps, neumes-
rythmes. — Neumes-iythmes : doublement de la dernière note
ou simple appui. — Leur succession : par juxtaposition, par
enchaînement. — Notes intérieures d'un neume, note jinale. —
Pause d'incise, de membre, de phrase, pause jinale, ino?'a-vocis.
Bien qu'au chapitre précédent nous ayons touché la question du
texte et de la mélodie dans leurs rapports avec le rythme, nous
l'avons fait si rapidement qu'en réalité nous n'avons étudié, comme
nous nous l'étions proposé, que le rythme en lui-même.
Désormais nous ne l'étudierons plus que conjointement au texte
et à la mélodie, séparés ou unis ensemble.
76 Deuxième Partie. — Chapitre IV.
228. — La première condition pour bien chanter est de savoir
bien lire.
Les règles d'une bonne lecture ont été exposées dans la première
partie. On doit y revenir sans cesse et en faire l'objet d'un exercice
fréquemment renouvelé. « Ciirandum est ut verba quae cantantur
plane perfecteque intelligafitur. » (Benoît XIV).
A. — Rythme des mots.
10 — Mots isolés.
229. — De même qu'il suffit de deux notes pour former un
r^^thme musical, de même il suffit de deux syllabes pour former un
rythme littéraire.
D'après ce principe, un mot de deux syllabes constitue par lui-
même un rythme. Il a son arsis (l'accent) et sa thésis (la dernière
syllabe). Exemple :
Dé- us.
Deux monosyllabes, en relation d'arsis et de thésis, équivalent à
un dissyllabe. Exemple :
In te. = De- us.
Si nous ajoutons la musique, nous avons un même rythme qui
est à la fois musical et littéraire. Exemple :
"/ Dé- us
In te
C'est le rythme élémentaire : un temps à l'arsis.
Les mots de trois et quatre syllabes forment un rythme à temps
composé. Exemple :
Arsis binaire :. Do-mi- nus = De- us.
Du rythme des mots et des neumes. — Des pauses. 77
&tï
:i-ll^
^
Arsis ternaire : Multi-tudo = De- us.
Au delà de quatre syllabes ils vont jusqu'au rythme composé.
Exemple :
\
*9J.
Deux arsis : Respi- ci- entes.
.u ? ' ■•
Trois arsis : commemo- ra-ti- ó-nem.
2° — Mots associés.
230. — Isolés, les mots ont toujours le rythme individuel que
nous venons de décrire.
231. — Associés, tantôt ils le gardent et tantôt ils le perdent. De
là deux divisions : a) les mots-rythmes, b) les mots-temps.
a) Mots-rythmes.
232. — Ce sont tous ceux qui finissent sur un ictus. Exemple :
i-f T — ü-i ^-nr
Sá-lus, hó-nor, vírtus quóque
Tous ces mots sont autant de petits rythmes, parce que, on s'en
souvient, l'appui rythmique, si passager qu'il soit, marque d'abord
la fin d'un mouvement. Quand la finale d'un mot porte ictus,
celui-ci indique donc à la fois et la fin du mot et la fin du rythme.
78
Deuxième Partie. — Chapitre IV.
233. — Les mots-rythmes se succèdent par enchaînement.
L'appui rythmique sur leur dernière syllabe les enchaîne l'un à
l'autre. Pour nous faire mieux comprendre, nous transcrivons
l'exemple ci-dessus en notation musicale.
S
Jr
■d^
Sa- lus, ho- nor, vir- tus quó- que
L'enchaînement des mots est manifeste : ils s'unissent dans la mcme
mesure, l'un finit avec le baissé et l'autre commence avec le levé.
Ainsi qu'il a été dit au chapitre précédent, le rythme, lui, est à
cheval sur la mesure.
On devine combien l'ictus est ici délicat. Pour que ces mots
soient aussi enchaînés dans le chant qu'ils le sont sur le papier, il
faut passer si légèrement sur l'ictus qu'on ne le sente pour ainsi
dire pas. Puis il faut que l'ictus soulève la voix comme d'un léger
coup d'aile et, sans arrêt, la porte sur l'accent.
La synthèse et une interprétation parfaite font de ces rythmes
élémentaires un rythme composé à deux arsis et à trois thésis : une
arsis unaire Sa bouclée parce qu'elle est initiale, une seconde arsis
¿a-do, celle-ci sans boucle parce que l'ictus rythmique correspon-
dant avec la finale du mot est doux, l'intensité est sur l'accent /là ^;
trois thésis parce qu'à partir de /¿ànor la mélodie descend graduel-
lement jusqu'à son repos.
Sá-lus, honor, vír- tus queque
b) Mots-temps.
234. — Ce sont les mots privés d'ictus sur leur dernière syllabe.
1 ■ ! Ç_JI
Sá-lus, hó-nor, vírtus quóque
Cette fois nous constatons l'inverse de ce que nous venons de
voir. Au lieu du rythme naturel des mots qui est le précédent,
l'ictus se déplace et de la dernière syllabe passe sur l'accent. Du
coup les mots ne forment plus un rythme, mais la partie d'un
* Le geste bouclé indique un temps fort et s'emploie quand l'ictus est intensif,
V. gr. quand il coïncide avec l'accent tonique.
Du rythme des mots et des neumes. — Des pauses. 79
rythme. C'est le temps composé. Chacun constitue une mesure,
tandis qu'auparavant il fallait deux parties de mesure pour chacun.
Sa- lus, hó-nor, vírtus quó- que
235. — Si les mots-rythmes s'enchaînent, les mots-temps se
juxtaposent. Alourdi au contact de l'ictus et gardant de plus son
intensité naturelle, l'accent tonique les sépare en quelque sorte par
son propre relief. Les barres de mesure, comme les virgules du
texte, indiquent fort bien cette séparation.
236. — Entièrement opposées, ces deux manières de rythmer les
mots sont cependant également légitimes. La mélopée les emploie
tour à tour à sa convenance, et c'est à leur mélange harmonieux
que le rythme du chant grégorien doit en grande partie sa
souplesse et sa beauté.
B. — Rythme des neumes.
237. — Comme les rriots, lès neumes se divisent en neumes-
temps et en neumes-rythmes.
238. — A l'inverse du mot qui par lui-même est un rythme, le
neume est en soi un temps composé.
239. — Cette différence entre le mot et le neume vient de la
place différente de l'ictus rythmique.
Tandis que le mot le reçoit naturellement sur sa syllabe finale,
le neume le porte régulièrement sur sa note initiale.
Cette disposition du neume indique sa destination. Il a été
constitué pour jouer avant tout le rôle de temps composé.
Puisque tel est le neume, commençons par le neume-temps.
a) Neume-temps
240. — Le neume-temps possède donc un appui sur sa première
note, mais il en est privé à la dernière.
241. — De ce fait, un neume-temps ne peut rester seul. Il lui
faut la famille. Il a besoin d'un autre neume pour terminer son
évolution. Dans une série de neumes-temps, en effet, chacun
termine son évolution sur l'ictus du suivant. Le dernier seul sera
nécessairement rythmé : on doublera sa finale. — Ainsi enchaînés,
les neurnes-temps forment — en eux-mêmes — autant de rythmes
élémentaires, l'ictus étant le point d'arrivée des uns et le point de
80
Deuxième Partie. — Chapitre IV.
départ des autres. Nous disons en eux-mêmes, car dès que nous les
considérons conjointement avec la mélodie et le texte, ils ne sont
plus que des temps composés jouant le rôle d'arsis ou de thésis.
Í
1
Trois neumes-temps s'enchaînent de l'un à l'autre sur l'ictus et
terminent leur évolution sur une note simple prolongée. Ce sont
autant de rythmes élémentaires.
242. — Voici les mêmes groupes devenir des neumes-temps
bien caractérisés, avec une attribution rythmique pour chacun.
%=t
As- pér- ges me.
Leur attribution rythmique leur vient ici plus du texte que de
la musique. Mélodiquement, ce rj^thme composé est plutôt un
membre arsique conduisant à l'accent musical de Domine. Mais le
considérant en ce moment indépendamment de ce qui suit, le texte
nous donne deux arsis et deux thésis. Les deux premiers neumes-
temps sont arsis parce qu'ils s'élèvent avec les deux syllabes qui
conduisent à l'arsis du mot (l'accent), le troisième est thésis parce
qu'il coïncide avec la finale du mot et qu'il conduit à la thésis
masculine me, note longue et de repos. — Il n'y a pas un seul
neume-rythme dans tout ce chant de V Asperges me.
243. — Les neumes-temps comme les mots-temps se succèdent
^SiV juxtaposition. Chacun représente une mesure et c'est avant leur
première note qu'il faudrait placer la barre de mesure si on
l'employait.
-} .s^
r 1
in 1 J
• «
A 0
rT> m •
^ • *
1
ISL» •
^- ■
. ^
Ainsi les neumes-temps sont 7nétriques.
b) Neum,es-ry thunes.
2t^^. — Ce sont ceux qui à l'instar des mots-r}^thmes sont
affectés d'un ictus sur la dernière note.
Du rythme des mots et des neumes. — Des pauses. 81
Le plus petit neume (clivîs ou podatus) peut être rythmé.
;: : fi.
Il équivaut à un dissyllabe et comme lui représente un rythme
élémentaire.
Un neume-rythme de trois et quatre notes aura deux ictus et
constituera un rythme simple à temps composé.
K 1\. \
Un neume-rythme de trois notes équivaut à un dactyle : deux
notes, comme le dactyle deux syllabes, à l'arsis.
Un neume de quatre notes peut se rythmer de deux manières.
Premièrement, en doublant sa dernière note comme les précé-
dents. L'arsis comprend trois temps et la thésis est masculine.
Deuxièmement, en plaçant le second ictus sur la troisième note.
L'arsis est alors binaire et la thésis, binaire également, est féminine.
Dans ce second cas, il ne peut être employé que dans l'intérieur
d'un rythme. Les n°s 2 et 3 de l'exemple ci-dessus donnent ces
deux formes rythmiques d'un climacus de quatre notes.
On le voit, tout ce qui a été dit du mot-rythme s'applique
également au neume-rythme. On peut se rapporter au N^ 229.
245. — Voici une série de neumes-rythmes empruntés à l'Alleluia
« Te inartyru77i ».
\
8 ♦•■^
^
^
Seul le podatus initial est neume-temps. Tous les autres sont
neumes-rythmes et à thésis masculine. Les trois premiers
constituent chacun un rythme simple : ils ont deux ictus, l'ictus
82 Deuxième Partie. — Chapitre lY.
d'arsis et l'ictus de thésis. On peut rappeler à ce propos que l'ictus
d'arsis est impulsion et l'ictus de thésis, repos. (Voir N° 218). Le
dernier neume forme par sa longueur un rythme composé : une
arsis ternaire et deux thésis binaires.
Quel beau grand r>^thme représente la réunion de tous ces
neumes-rythmes en un seul membre mélodique! Et, on ne saurait
trop le remarquer, — c'est le rythme musical pur, — la mélodie le
possède en propre, elle n'en est nullement redevable au texte, dont,
pour mieux prendre ses ébats, elle s'est un moment affranchie.
Le texte, qui reparaît au verset, porte au contraire au rj'thme
un coup funeste. A son contact et au nom de la « règle d'or » qui
ne permet pas un arrêt entre les syllabes d'un mot, ^ deux neumes-
rythmes se changent sur Domine en neumes-temps.
S-j^
^-^
Ss=K
DÓ- mi- ne.
C'est la destruction du rythme musical, et c'est au nom d'une
règle qu'une autre non moins importante est violée : celle de la
prédominance de la musique sur le texte. Il semble bien cependant
que le conflit entre les deux règles ne pouvait, dans le cas présent,
recevoir d'autre solution. La mélodie devait céder, ailleurs elle se
rattrapera. Ex. :
n. '• ? .T"
cum prin- ci- pi- bus
On remarquera que la note pointée sur la syllabe antétonique
aç^ pj'incipibus semble partager le mot en deux.
246. — De tels faits révèlent les inépuisables ressources du
rythme grégorien, sa souplesse, son élasticité, en même temps
qu'ils obligent à renoncer définitivement à la théorie du simple
« rythme oratoire », qu'avant les savantes études de Dom Alocque-
reau, l'école de Solesmes avait elle-même enseignée.
247. — Les neumes, dont nous venons de parler, sont tous en
possession d'un appui thétique long. D'autres n'ont qu'un simple
appui passager.
f \^m ^♦è'^è ■
Í ^ T ' î ? s.
•.
* Non débet fi£7-i pausa^ guando débet exprimí nova sy liaba inchoatae dictionis.
Du rythme des mots et des neumes. — Des pauses. 83
248. — La succession et l'emploi des uns et des autres dans la
phrase musicale ne se fait pas de la même manière.
Les premiers se succèdent par juxtaposition et constituent par
eux-mêmes un rythme complet et indépendant.
Les seconds s'unissent par enchaînement et s'emploient non
comme neumes-rythmes mais comme neumes-temps.
249. — a) Ils s'unissent par enchaînement. — Par juxtaposition,
les neumes-rythmes présenteraient — ce que la loi rythmique
défend — deux ictus consécutifs : l'ictus thétique de l'un et l'ictus
arsique de l'autre. Pour entrer dans la composition d'un rythme-
membre, un des deux ictus doit disparaître. Ce sera le sort de l'ictus
arsique. L'ictus thétique doit rester, puisqu'il constitue le neume-
rythme. Sur cet unique ictus, qui leur est devenu commun — car,
en réalité, les deux ictus se sont fondus ensemble — les deux
neumes-rythmes s'unissent : point d'arrivée de l'un, il est en même
temps point de départ pour l'autre. C'est en cela que consiste leur
enchaînement. — La physionomie des neumes-rythmes enchaînés
est à l'opposé des neumes-temps juxtaposés : ceux-ci ont leur
unique ictus sur la première note, ceux-là sur la dernière.
^vcv
250. — « Ce procédé de \ enchaînement a une grande influence
sur la théorie et la pratique de la rythmique grégorienne, car il
réduit à sa juste valeur ce prétendu axiome de certains théoriciens
modernes, qui exigent un ictus, un accent rythmique sur la
première note de tous les groupes neumatiques. »
251. — b) Les neumes-rythmes s'emploient comme neumes-temps.
— C'est la conséquence de leur union par enchaînement. Sans
cesser d'être, individuellement, neumes-rythmes, dans leur enchaî-
nement ils constituent d'un ictus à l'autre des temps composés qui,
comme les neumes-temps, représentent selon leur direction ou leur
position des arsis ou des thésis. La différence entre les uns et les
autres est la même qu'entre les mots-temps et les mots-rythmes :
les neumes-temps sont enfermés chacun dans une mesure, tandis
que les neumes-rythmes se partagent entre deux mesures.
252. — Les notes intérieures des neumes doivent être d'une
exécution suave, très liée et d'une égale durée.
253. — La dernière note d'un neume n'a pas par elle-même plus
de durée que les notes précédentes.
84
Deuxième Partie. — Chapitre IV.
254. — Sa valeur est double quand elle est suivie d'un autre
groupe qui appartient à la même syllabe, et dont elle est séparée
par un espace blanc de la largeur d'une note.
Exemple :
lzÎ<:3
Jó- seph
255» — Ceux qui ont à leur usage les éditions avec les signes
rythmiques de Solesmes n'ont pas à tenir compte de cette règle,
car toutes les fois que la dernière note d'un groupe doit être
prolongée^ elle est accompagnée du point-viora. Toute hésitation est
par là écartée.
C. — Pauses.
256. — Elles sont de trois classes : la petite, la moyenne, et la
grande.
257. — Petite pause ou d'incise.
\
Elle se fait en doublant ou en prolongeant tant soit peu la durée
de la dernière note.
Dans bien des cas impossibles à déterminer faute de pouvoir
donner une règle précise, le quart de barre indique simplement la
division rythmique de l'incise, sans respiration obligée. — Quand
on est forcé de respirer, on doit le faire en prenant sur la durée de
la dernière note.
258. — Pause moyenne ou de membre.
^ La virgule 5, qui peut être rangée avec le quart de barre, n'est en usage
que dans les éditions rythmiques de Solesmes. On a dit sa valeur au n° 13,
Comme dans une méthode il faut être pratique, nous avertissons ici que toutes
les fois que la virgule se trouve dans le voisinage d'un quart de barre dont la
note précédente n'est pas accompagnée à.\i point-mora, il vaut mieux respirer à
la virgule qu'au quart de barre, car, dans ce cas, la virgule corrige une faute
de ponctuation musicale. Un exemple tiré du Graduel Constitues eos.
nó-mi-nis tú- i, Dó-mi-ne.
Chapitre V. — Exécution particulière à certains neumes. 85
Celle-ci demande ordinairement que la note précédant la demi-
barre soit doublée ou retardée.
On ne peut guère marquer cette pause sans respirer. Dans ce cas
on ne manquera pas, comme pour la petite pause, de prendre la
respiration sur la valeur de la dernière note.
259. — Grande pause ou de phrase.
En règle générale, la grande pause réclame un ralentissement de
la voix à partir du dernier ou de l'avant-dernier appui rythmique;
de plus, la dernière note doit être doublée et la pause doit avoir la
valeur d'un temps élargi.
260. — Si on prolongeait la durée des pauses au delà de la
mesure indiquée, ce serait au préjudice de l'unité de la phrase et
du sens musical lui-même de la pièce.
261. — Après le retard précédant la grande pause, on doit
toujours reprendre le mouvement ordinaire au début d'une nouvelle
phrase.
262. — On ne double pas seulement la dernière note, mais
encore les deux précédentes, quand la pénultième est affectée de
l'ictus rythmique. Nous en reparlerons.
263. — Le retard sera plus accentué à la pause finale qu'aux
grandes pauses, et la dernière note plus prolongée.
264. — La simple mora vocis ■, ■• = • > • n'indique par elle-
même aucune respiration.
CHAPITRE V.
Exécution particulière à certains neumes,
Strophicus. — Pressus. — Oriscus. — Quilisma.
265. — Strophicus. Sous le nom générique de strophicus on
entend X apostropha, la distropha et la tristropha.
L'apostropha (^ = ■) ne s'emploie jamais seule.
266. — La distropha est un strophicus de deux notes et la
tristropha de trois. On les rencontre le plus souvent sur les notes
do et /a.
86
Deuxième Partie. — Chapitre V.
267. — Comment faut-il exécuter le Strophicus? — Les anciens
théoriciens s'accordaient à appeler notae repercussae les sons qui
composent ce neume. Pour n'en citer qu'un seul, Aurélien de
Réomé (IX^ siècle), parlant de la tristropha à la fin des versets des
introïts du premier mode, dit : « terna gratulabitur vocis percussione » ;
et, au sujet du même neume dans les versets des introïts des
troisième et septième modes, il ajoute plus clairement : « Sagax
canto}' sagacité)' ùitende ut... trimiin, ad ijistar inanus verberantis^
* f acias celèrent ictuni. » (Gerbert. Script. I, p. 56 et 57).
Il faudrait donc faire entendre trois coups de voix rapides,
légers, brefs, à l'instar d'une main qui frappe.
Malgré les autorités et le caractère incontestablement artistique
dont elle se réclame, nous n'osons guère recommander d'une
manière générale, même à des chœurs exercés, cette interprétation
du strophicus, à cause des difficultés sérieuses qu'elle présente. Voici
cependant deux exercices en faveur de ceux qui croiraient pouvoir
l'adopter avec succès, au moins en certains cas.
268. 5~fi'
-s\
-s\
-y^
-\
F 2« ■• ' St%
■•r***
^s7~l
■ 44 k. 44
S"Si" ■^^..
^\-
■•
■ ■ ^B ■ ■ ■
' ■ ■ ^i "Il ■■■
Solfier d'abord et vocaliser ensuite.
269.
C "^fc ■ ^^^
*-^
s» S>S
W^
Ces deux exercices sont disposés de manière à préparer, par la
flexion d'un demi-ton (do-si-do) dans la première incise de chaque
membre, l'émission du strophicus qui apparaît dans la seconde.
270. — Il peut se faire que la tiistropha offre encore plus de
difficultés que la distropha. On pourra donc, en pratique, réunir en
un seul son de double valeur les deux premières notes de la
tristropha et ne répercuter que la dernière.
Í %«%
y ^^^ ..
■
i
Dé-
W-
:é3L
us
Dé-
us
Ainsi le passage à la syllabe suivante est rendu plus facile et on
évite qu'elle paraisse séparée de la précédente.
Exécution particulière à certains neumes.
87
271. — Si cette interprétation semble encore trop difficile, qu'on
donne à la distropha ou à la tristropha une valeur relative au
nombre de leurs notes, en imprimant à celles-ci un léger vibrato
ondulé et en les exécutant crescendo ou decrescendo selon les cas.
Ainsi le strophicus se distinguera de la simple inora vocis et du
son plus compact et plus fort du pressus et de la bivirga.
272. — Lorsque la troisième note de la tristropha porte ictus,
Í-»
^
il faut nécessairement répercuter le troisième temps.
273. — « On doit distinguer les groupes de strophicus qui se
suivent par une répercussion légère sur la première apostropha de
chaque groupe, laquelle est note ictique. Si la répercussion vive et
alerte de chaque apostropha du strophicus est difficile pour un
chœur, il n'en est plus de même pour cette reprise qui doit consister
dans un renflement doux et intensif d'une unique poussée d'air.
La même règle aura son application si une virga allongée précède
le strophicus, ou encore si cette note se trouve encadrée entre
plusieurs groupes du même genre.
Offert. Reges Tharsis.
Offert. Anima nostra.
■ »»^^>^»
■-■ B^^^l^^^
%
Ré-ges Thársi [i i] s.
libera- ti [i i i] sumus.
« Au moyen de ces douces et délicates vibrations ou reprises de
son, on évitera ces longues traînées de notes à l'unisson qui
atteignent parfois huit ou neuf fois la valeur d'un temps et, selon
la gracieuse expression de D. Mocquereau, « arrêtent et brisent le
cours ondulé du fleuve rythmique ^ ».
274. — Le pressus représente un son de double valeur compact
et fort qui, dans grand nombre de cas, demande quelque accéléra-
tion sur les notes précédentes.
L'appui rythmique se place toujours sur la première note qui
forme \ç^ pressus.
s>. r-N
0 0
•J,h
* Cité de V École Grég. de Solesines p. 115.
88 Deuxième Partie. — Chapitre V.
275. — \Joriscus est une note douce, légère, qui peut être
préparée par un accelerando du groupe auquel Voriscus est uni dans
l'exécution. Parfois il occupe le degré supérieur à la note précé-
dente, et d'autres fois il est écrit sur le même degré qu'elle.
Dans ce dernier cas, si l'oriscus est un do, un fa ou un sit?, et
qu'il vienne à la suite d'une clivis ou d'un torculus, on peut exécuter
un demi-ton plus bas la note qui précède ; v. gr. :
, , N: Ns Ka
■ %» 1 %» ] r«* = — ; " ^» 1 1\* 1 f^*
di- em féstum ce- le-brántes di- em féstum ce-le-brántes
Dans tous les cas, il peut se répercuter à la manière du strophicus.
276. — L'appui rythmique se place sur la note qui précède
\oriscus, si celui-ci s'exécute sur le même degré qu'elle; il pourra
coïncider avec la seconde note avant Voriscus, si celui-ci s'exécute
de la seconde manière, c'est-à-dire en le faisant précéder de son
demi-ton inférieur comme à dzem féstum celebrantes. De même
pour tous les cas analogues à celui-ci :
\
^^
jiî-
us- que
277* — T .e s^(icus porte toujours l'ictus sur sa seconde note
laquelle est de plus allongée.
278. — \J epiphonus et le cephalicus ont leur seconde note
liquescente pour faciliter le passage d'une syllabe à l'autre dans les
diphtongues, dans les rencontres de certaines consonnes, etc. ; cette
note liquescente n'est qu'adoucie et ne perd rien de sa durée.
279. — Il en est de même de la troisième note de Vancus.
280. — Le quilisma a un effet rétroactif de trois manières : a) en
retardant la note antérieure; — s'il est précédé d'un podatus ou
d'une clivis, U) en doublant la première note et en retardant
simplement la seconde de ces neumes; — enfin c) en retardant les
trois sons précédents, s'ils forment un neume de trois notes ou s'ils
se subdivisent en une clivis et un punctum quadratum qui vient
immédiatement avant le quilisma.
Chapitre VI. — Les appuis rythmiques. 89
CHAPITRE VI-
Les appuis rythmiques.
Les divisions binaires et ternaires. — Leur iinp07'tance. — Règles
pour les déter77iiner. — Texte : Rythme des mots. — Mélodie :
Notes modales. Dessins 7nélodiques. Neumes. Pauses. Manuscrits
rythmiques.
281. — On sait maintenant que le rythme forme ses arsis et ses
thésis en s'appuyant au commencement de chacune de ces deux
parties : au commencement de la première pour le départ, l'impul-
sion et l'élan du mouvement; au commencement de la seconde
pour son arrivée, son repos et sa chute.
Savoir distinguer les arsis et les thésis, c'est connaître le point
même où commence chacune d'elles, c'est-à-dire les ictus rythmiques
qui marquent les groupements binaires et ternaires, soit les plus
petites divisions du rythme.
Ces petites divisions du mouvement n'ont pas toutes une égale
importance; elle dépend de la place qu'elles occupent dans la
phrase musicale, du rôle qu'elles jouent et de leur subordination
mutuelle; toutes cependant ont leur raison d'être, car chacune est
un anneau de la chaîne rythmique, et il est aussi nécessaire à celui
qui chante de les connaître qu'à celui qui marche de savoir où
poser le pied. Ce qu'il faut éviter à tout prix, c'est de marquer
uniformément tous les appuis; ce serait isoler les uns des autres les
petits groupements rythmiques, et puisque nous venons de
comparer la phrase à une chaîne, ce serait en détacher les anneaux.
On tomberait ainsi dans le grave défaut des débutants ou des
mauvais exécutants qui, en musique, marquent tous les premiers
temps de la mesure forts et détruisent par là le phrasé. Cette
remarque capitale étant faite, il reste vrai que plus l'analyse d'une
mélodie aura été consciencieuse et minutieuse, plus, la synthèse
venant ensuite, on obtiendra une exécution parfaite et liée, tout
sujet d'indécision ayant été préalablement écarté.
La connaissance et l'observation des ictus ne sont pas moins
requises pour obtenir l'ensemble dans un chœur que pour la bonne
exécution du chant en solo.
Mais voici qui est plus important encore. C'est la connaissance
des règles à obsei-ver pour bien placer les ictus. Il ne suffit pas en
effet de les mettre n'importe où, car selon qu'on les affecte à une
note ou à une autre, le sens rythmique et même le sens modal de
la phrase changent complètement. On devine les conséquences
d'une erreur en cette matière.
UNIVERSITY OF TORONTO
90
Deuxième Partie.
Deux preuves à l'appui :
Í ■
■ -
C î
■ ■ >
■ ■•
? ■ ?
1
ñ
■ S
♦ !
'♦■ ■.
e , ■ a ■
♦ i
Savoir placer les ictus rythmiques, en d'autres termes, savoir
rythmer une mélodie grégorienne n'est pas chose facile. Cela
suppose un ensemble de connaissances théoriques, pratiques et
paléographîques que tout le monde n'est pas à même de posséder.
Le plus simple et le plus sûr est de recourir aux éditions rythmi-
ques des Bénédictins de Solesmes.
Mais on peut ne pas avoir de ces éditions à sa disposition, on
peut se trouver devant une pièce qui n'est pas rythmée, ou bien on
veut la rythmer par soi-même. Comment s'y prendre?
Le texte, la mélodie et les manuscrits rythmiques sont à
examiner tour à tour et à être mis en parallèle. De là des règles
qu'on ne saurait donner comme absolues et d'une égale valeur : tan-
tôt elles concourent ensemble et tantôt les unes cèdent aux autres.
Règles générales.
A. — Texte.
282. — La règle concernant le texte est de rythiner les mots
toutes les fois qu'on le peut. D'après cette règle, essayons de rythmer
la première strophe du Lauda Sion.
l
Lauda Sí- on Sal-va- tó- rem,
Quantum pót-es, tantum áude :
Lauda dú-cem et pa-stó- rem,
Qui- a má-jor ómni laude,
Chapitre VI. — Les appuis rythmiques. 91
i
* , ■ ,
7 7 i I i i.
In h^^mnis, et cánti- cis.
Nec lau-dá- re súf-fi- cis.
Au premier vers d'abord, où placeraî-je mes ictus? sur la thésis
ou sur l'accent? Le dernier mot est certainement rythmé. L'ictus
coïncide sans aucun doute avec la dernière syllabe de ce membre.
Il faut bien finir. Je pars donc de cet ictus certain et je vais sur
ma gauche pour placer lej autres. Ne pouvant mettre deux ictus
de suite, je dois aller de deux en deux ou de trois en trois notes.
Je commence de deux en deux, c'est le rythme le plus naturel et
c'est au premier coup d'œil le rythme de ce membre formé de
dissyllabes. Dans ce mouvement rétrograde l'ictus rencontre la
finale des mots et l'accent est au levé. Finale au baissé, accent au
levé, c'est l'idéal. Je n'ai pas à chercher davantage. Tout autre
rythme serait à côté. Je tiens le vrai, l'unique. Et quel rythme
gracieux, ailé! Comme je me serais fourvoyé si, sans l'avoir
préalablement rythmé, j'avais chanté cet admirable membre de
phrase en ne me préoccupant que des accents. Infailliblement
j'aurais appelé l'ictus sur eux et déformé le rythme. Je m'en serais
bien aperçu, mais trop tard, en arrivant à la fin, ou le choc de deux
ictus consécutifs, le dernier accent et la dernière syllabe, m'auraient
appris que j'étais mal parti.
C'est donc un excellent principe de rythmique que de partir du
premier ictus certain à droite pour trouver ceux de gauche.
Au premier membre de phrase, ce principe nous a permis de
rythmer les mots. Au second, il nous donne un résultat contraire.
C'est que cette fois le premier ictus certain n'est plus sur la
dernière syllabe qui garde cependant le sien, mais sur le dernier
accent. Cet accent porte un ictus, celui de la note initiale du
podatus. Le point de départ est donc changé. Il se présente une
syllabe plus tôt. De là, recul à gauche de tous les ictus et leur
coïncidence avec les accents. De là aussi deux rythmes : premier
membre de phrase, mots-rythmes, deuxième membre, mots-temps^
excepté bien entendu le dernier forcément rythmé. Qu'on se
rappelle ce qui a été dit des uns et des autres aux N^s 232, 234.
Le cas présent est identique. C'est la présence d'une clivis sur la
dernière syllabe de quoque qui, dans le Tantum ergo mozarabe
(No 234), a transformé en mots-temps les mots-rythmes du Tantum
ergo grégorien (N^ 233).
Troisième membre de phrase, même rythme musical que le
deuxième et pour la même raison. Le point de départ est l'accent
92 Deuxième Partie.
et non la dernière syllabe de cánticis. On sait que le dactyle a deux
appuis rythmiques : un d'arsis sur l'accent, un de thésis sur la
dernière syllabe. Comme cánticis ne porte aucun groupe, ses deux
premières syllabes répondent au podatus de pastÓ7'em : ainsi un
dactyle rime « musicalement » avec un spondée.
Nous avons dit que le rythme musical du troisième membre de
phrase est pareil à celui du deuxième. C'est à dessein que nous
avons employé l'adjectif « musical », car le rythme des mots
diffère. Hyinnis, mot intérieur, est rythmé. Il ne faut en chercher la
cause que dans le texte même : l'accent a changé de place, tandis
que l'ictus n'a pas bougé. A la strophe suivante qui se chante sur
la même mélodie, l'accent change encore et se met avec l'ictus.
Conséquence : laudare n'est pas rythmé.
283. — Cette mobilité de l'accent prouve l'importance du rythme
musical et explique son intj-ansigeance. Que deviendrait-il s'il fallait
que les ictus fussent sans cesse en mouvement pour rencontrer les
accents? Il n'existerait plus et pour le malheur du texte qui
perdrait en lui son plus puissant moyen d'expression.
284. — Sans l'avoir prévu en le commençant, nous finissons ce
paragraphe par ce qu'on a appelé « la thèse de l'accent au levé ou
de l'indépendance réciproque de l'accent tonique et de l'ictus
rythmique ». Ils peuvent correspondre ou ne correspondre pas. On
voit combien cette thèse est fondée. Les faits la mettent en pleine
lumière.
Accent tonique et ictus rythmique n'ont point à se rencontrer
nécessairement, puisque leur point de départ est différent : l'ictus
part de la dernière syllabe, et l'accent de la pénultième où il a sa
place régulière. C'est pourquoi dans un chant syllabique composé
de dissyllabes, comme le premier membre de la phrase Lauda Sion,
le croisement entre l'accent et l'ictus est continuel.
Enfin, l'accent et l'ictus n'ont pas à se rencontrer nécessairement,
non seulement parce qu'ils ne partent pas du même point, mais
encore parce qu'ils ne sont pas de même nature : l'accent appartient
à X ordre mélodique et l'ictus à \ ordre ryth^nique.
1. — Mélodie.
Pour le placement des ictus d'après la mélodie, plusieurs choses
sont à considérer : a) la tonalité, U) les dessins mélodiques, ¿:) les
neumes, d) les pauses, ^) les manuscrits rythmiques.
2^ La tonalité.
285. — On doit, si on en a le choix, donner l'ictus aux notes
modales ou à celles qui ont passagèrement ce caractère. (Voir le
chap. I, No 121).
Chapitre VI. — Les appuis rythmiques.
93
t
Cré-do in ii-num Dé- um,
Le mi de Credo et de unum appelle naturellement l'ictus, parce
qu'il est la tonique. Les mots y gagnent d'être rythmés. Texte et
mélodie concourent ici ensemble. C'est ce que nous avons déjà
rencontré au premier membre de la strophe Lauda Sion.
b) Dessins mélodiques,
286. — Dans le chant grégorien il y a des mouvements mélo-
diques semblables ou opposés, des répétitions vraies ou simulées,
des déductions ou des amplifications de thèmes, des gradations,
des membres antécédents et des membres subséquents, des
demandes et des réponses, des rimes, etc. Nous aurons l'occasion
d'en parler en détail. Dans tous ces cas, les ictus rythmiques
doivent révéler et préciser la pensée musicale.
287. — Les passages, dont le dessin rythmique est nettement
défini par les contours de la mélodie ou dans lesquels il apparaît
du moins comme le meilleur, le plus naturel, servent de règle pour
des cas analogues ou semblables qui, par eux-mêmes, se prêteraient
à des interprétations variées. On ne peut s'affranchir de cette règle
et adopter un rythme entièrement opposé que pour de graves
raisons.
Passons à quelques exemples pratiques.
La p7'emière des cadences suivantes du Credo I détermine le
rythme de la seconde, et même de la troisième qui revêt ainsi, par
rapport aux deux précédentes, son vrai caractère de cadence
incomplète.
ler
2e
p
^ ■ - 1
? ■
"
Pa
■•
■
in- vi-
si-
bi-
li-
um.
S . 1
■ ■
^
"
■•
■• 1
7 1
de- scén-
-dit
de
caé-
lis.
^ ■ 1
? ■
^
■
■•
a*
7 1
de Dé- o vé- ro.
94
Deuxième Partie.
Également dans le Credo III, les quatre premiers exemples
suivants précisent le rythme, par lui-même indécis, des autres
cadences.
Sí=¿
ST^
i^r ná- tum,
2^ Pá- tris,
3^ fá- ctum,
i
' ?■■■
ít
omni-pot-éntem,
pro- cé-dit.
t
Pónti-o Pi-lá-to,
ÍSB=¿
c ^ .-
y ^ ■
4^ cae- lum.
S ■ ■ ■•
i ■ ■
de cae- lis.
ba- ptísma.
f
« .
■ ■ ■' -
crucifí- xus
Prophé- tas.
C'est sur ees principes de symétrie et de correspondance que
nous nous sommes basé, pour rythmer la mélodie traditionelle du
Pange lingua espagnol.
La cadence terminative du second vers sert de modèle pour la
quatrième qui, en définitive, n'est que sa répétition à la quinte
supérieure.
Poursuivant notre confrontation rythmique, nous parvenons à
découvrir une symétrie surprenante entre les finales des quatre
premiers vers.
. i
^
^
^
^^
:i=:
men-
^^
tum
in:
iP^
h h -fv-T
ve- ne- re- mur cer-nu-
ri- tu-
El
l^
V=::f^
an-ti-quum do- cu-mén-tum
Chapitre VI. — Les appuis rythmiques.
95
m
^-^L^
Pánge língua glo-ri- ó- si
Córpo-ris mysté-ri- um
■ . ■
-■ — ■-
■ ■
Sangui-nisque pre-ti- ó-si,
0
uem
in mundi pré-ti- um,
ñ n
^ ■ ■ ■ "
■ ■
■ ■ V ■ ? ■
\*
u—
■ ■ ■ ■ ■ ■ ■•
— 1
Fructus véntris ge-ne-ró-si
Rex effu-dit génti- um.
Í
A la fin : A- men. ^
288. — Dans les dessins mélodiques semblables à celui-ci :
e— —
les notes inférieures attirent naturellement à elles l'appui ryth-
mique. Exemple :
%
J-5-i
Í
■ ■
parti- ci-pá-ti- o é-jus in id-ipsum
289. — Les notes initiales des groupes gardent leur ictus, quand
ces mêmes groupes se désagrègent en faveur d'un texte plus
abondant.
%
■î
^
-■ — ü
in excél- ...
in nomi-ne Do- ...
' La leçon du Pange lingua espagnol donné ici appartient à Dom Suñol. Il
l'a établie et justifiée dans une belle étude publiée dans la Revue <L Música
Sacro- Hispana >. Victoria, Année III, N°^ 4, 5, 6 et 7.
96
Deuxième Partie,
Les açMy. podatus de in ex donnent évidemment le rythme des
mêmes notes syllabiques de in no7nÍ7íe. {Sancius XIV).
c) Les neuines.
290. — Nous avons déjà indiqué au chapitre V la place des
ictus pour les neumes qui réclament une exécution particulière :
strophicus, p7'essus, oriscus et salicus. Complétons.
« Sont affectés d'un ictus rythmique :
291. — La première note de tous les groupes^ quelle que soit la
forme de cette note, à moins qu'elle ne soit précédée ou suivie
d'une note episématique, car Vepisème, e7i cas de conflit^ l'emporte
toujours sur toutes les autres indications ictiques.
t ¿a
^ k
* ft à
Í ■■
T T
1
1
■
■
'
■■■
■♦.
^
J
¡♦é
1
f
1
? ♦•
292. — « La réserve insérée dans cette règle motive les
exceptions suivantes :
Exception a) : Une première note de groupe est privée d'ictus,
lorsque la note simple finale du groupe précédent est elle-même
marquée d'un touchement, d'un épisème, car deux ictus rythmiques
de suite sont impossibles. Exemple :
m ñ %
1 ' — ■
^^m
<i Exception F) : De même \ ictus abandonne la première note
d'un groupe et glisse sur la seconde, lorsque celle-ci est affectée de
\ épi sème.
« Exemple : le do-virga du climacus dans le mélisme suivant :
î— îr35ïr
« Dans la figure ci-dessus, la première note ré de la clivis est
privée à' ictus, en vertu, à la fois, des exceptions a çX b\ elle est en
même temps précédée (exception îz) et suivie (exception b) d'une
note ictique.
293. — « Sont affectées aussi d'un ictus rythmique toutes les
virgas culminantes des groupes.
Chapitre VI. — Les appuis rythmiques. 97
à) Soit au centre du groupe :
1
■_
wT^^
Î~
b)
Soit à la fin.
1
•
r ■ ■
iZ
■
Dó-mi-ne Dó- mi-ne
Remarque.
« Cette virga culminante peut être assimilée à la première note
des groupes, et son ictus est, en conséquence, soumis aux mêmes
exceptions. »
294. — Enfin, toutes les notes longueSy sans exception, reçoivent
X appui rythmique.
Sont considérées, nous l'avons vu, comme notes longues, tous les
pressus et les notes allongées par Poriscus.
d) Les pauses.
295. — En règle générale, avant toute pause la dernière note
est doublée.
296. — Quelquefois, bien que simplement retardée, elle est aussi
marquée d'un ictus, non parce qu'elle est prolongée, mais à cause
de sa position rythmique.
■ ■ -^Ê-- ,
■^^i
qui- a mundá-tus est, regréssus est,
Malgré la demi-barre et la virgule, le ré allongé de est forme
avec les deux notes suivantes une mesure ternaire. De là son ictus.
La cadence musicale a lieu seulement au do pointé de regi'ésus est.
Le ?'/, par son allongement, ne fait que l'annoncer. Une respiration
après ce 7'é serait une faute contre le rythme.
297. — Si la pause est précédée d'un neume de deux notes,
chacune d'elles est affectée de l'ictus parce qu'il est de règle
ordinaire de doubler leur valeur. Si on ne les double pas, l'appui
rythmique ne se fait que sur la première.
No 674. — 4
98 Deuxième Partie.
298. — Les antiennes terminent fréquemment par un spondée
syllabique à l'unisson. S'il est amené par un mouvement mélodique
descendant, on double ses deux notes qui, en conséquence, reçoivent
l'ictus rythmique.
\
co-ro-ná-vit é- um.
Avant la pause moyenne — cadence de membre^ — ou la petite
pause — cadence d'incise, — il est mieux de ne pas doubler l'avant-
dernière note, à moins que l'accent ne soit précédé d'un torculus ;
dans ce cas, la voix réclamant un repos sur l'accent, celui-ci se
prête volontiers à cette exigence et se laisse doubler.
\— —
fu- dé- runt
299. — Dans tous les autres cas, «2) soit que les deux syllabes,
précédées cette fois d'un mouvement mélodique ascendant se
chantent à l'unisson :
e- —
■ ■ ■
omni- pot-éntem.
b) soit que la syllabe accentuée se rencontre sur un degré
différent de celui de la dernière,
feu i i ZT
mansu- e- tu-di-nis é-jus.
il est préférable de ne pas doubler, ni même de ne pas prolonger
la note pénultième.
Quand la note pénultième n'a que sa valeur ordinaire, elle ne
porte jamais d'ictus dans aucune cadence.
e) Les manuscrits rythmiques.
300. — On ne peut plus les ignorer depuis les savantes recherches
dont ils ont été et sont encore l'objet de la part des Bénédictins de
Chapitre VII. — Du rythme des incises et des membres. 99
Solesmes. Il est prouvé aujourd'hui que ces manuscrits sont les
témoins les plus anciens et les plus véridiques de la tradition
rythmique, et que cette tradition, comme la tradition mélodique,
était universelle.
Si on ne peut les ignorer, encore moins peut-on les négliger dans
l'étude du rythme en général, et, nous le verrons bientôt, dans
l'analyse rythmique d'une pièce en particulier. Vouloir se passer
d'eux, c'est entreprendre sciemment une œuvre chimérique et aller
à un échec.
Quiconque veut rythmer par lui-même et avec sûreté une
mélodie grégorienne fera donc des manuscrits rythmiques une
étude consciencieuse. Il aura recours à la Paléographie Musicale de
Solesmes, qui lui fournira les plus précieux avec le secret de s'en
servir. Il se rappellera qu'ils sont la base solide des règles données
dans ce chapitre, et, s'il est professeur, il ne manquera pas de leur
emprunter à l'appui de ses explications les exemples que la grande
publication solesmienne mettra abondamment à sa disposition.
CHAPITRE VIL
Du rythme des incises et des membres.
Les incises. — Causes déterminantes : le texte : la mélodie : les
exigences du sens esthétique : le ryth7ne. — Les mêmes facteui^s
maintiennent V unité interne des incises. — Phrases d^une^ de deux^
de trois et de quatre incises,
301. — Distingués mais non séparés par les ictus, les groupe-
ments binaires et ternaires forment ensemble /<3:/^r<3;j"^ m^usicale ou
le grand rythme.
\
Lauda- te Dómi-num de caé- lis.
302. — Mais il s'en faut que toutes les phrases musicales se
réduisent à des proportions aussi restreintes. La plupart sont assez
étendues pour se partager en membres, et les membres en incises.
Ce sont le sens littéraire^ le sens mélodique^ le sens tonal, notre sens
esthétique et l'action synthétique du iythme qui règlent ces subdi-
visions, et non l'arbitraire ou le simple besoin de respirer.
303. — Pour ce qui concerne le sens littéraire, qu'on se rappelle
tout ce qui a été dit dans la première partie sur la manière de
grouper les mots.
]00 Deuxième Partie. — Chapitre VII.
304. — Le sens mélodique est un des principaux facteurs des
divisions de la phrase. Il résulte du principe sur lequel se fonde
toute modalité, c'est-à-dire sur l'attraction ou sur la répulsion
mutuelle de divers sons, en vertu de l'action synthétique de certaines
notes plus importantes de chaque gamme, telles que la tonique
et la dominante propres, ou la tonique et la dominante d'une
modulation passagère.
305. — Le sens esthétique, inné en nous, nous porte, en écrivant
ou en chantant une phrase quelque peu étendue, à y introduire des
arrêts provisoires, qui tout à la fois charment l'oreille et rendent
la pensée musicale plus compréhensible.
306. — Enfin \ action synthétique du rythme.
Nous avons dit que le rythme simple doit son unité à l'intime
relation de dépendance entre l'arsis et la thésis.
Le rythme composé par contraction, dans lequel l'arsis ou la
thésis se répètent comme il a été expliqué, doit aussi à leur
mutuelle relation ou dépendance les liens qui font son unité.
Même le rythme composé par juxtaposition, bien que les divers
rythmes simples qui le composent gardent chacun son arsis et sa
thésis, établit cependant entre eux une union étroite, soit moyen-
nant le texte, soit par les contours mélodiques, soit encore par les
nuances dans l'exécution.
Toutes les fois donc, que l'action synthétique du rythme, cessant
de faire sentir son influence, laissera certains groupes de notes sans
relation intime et immédiate entre eux, il y aura lieu, si les autres
facteurs ne s'y opposent, de marquer dans la phrase une nouvelle
division, un nouveau membre, une nouvelle incise.
307. — Le texte, la mélodie et le rythme, qui déterminent ainsi la
forme externe ou l'étendue des incises et des membres, constituent
aussi leur unité ou \Qur forme interne : le texte par le sens littéraire ;
la mélodie par le sens mélodique; le rythme par le principe
rythmique qui subordonne tous les mouvements rythmiques à un
groupe arsique principal, lequel, ordinairement, coïncide avec le
point principal mélodique, et souvent même littéraire, de l'incise
ou du membre.
Phrase d'un seul membre ou d'une seule incise.
Ky-ri- e e- lé- i-son.
Chapitre VIII. — Du rythme de la phrase. 101
De deux
F
-■ — ■ ■
Adiu-tó-ri- iim nóstrum in nómi-ne Dómi-ni.
De trois
f.
■• B<
Di-xit Dómi-nus Dó-mi-no mé- o : sé-de a déxtris mé- is.
De quatre
ñ
« ■•
' 5 ■ ■ . . -
-à w- — : ^
■ a
ï • ■
- ■
*" — —
B ■
?
■■
"■
1
i
Laéva
é-ius
sub cá-pi-te mé- o,
et déxte-ra
1 1
il-h'- us
1
Û
1 ■
■1
■
b i ?
•
. ■ = "1
ample-xá-bi-tur me.
Une phrase peut comprendre encore un plus grand nombre
d'incises et de membres.
CHAPITRE VIIL
Du rythme de la phrase.
Uuîiité de la phrase. — Moyens de V obtenir. — Lie7î mélodique : ce
qiiil est : Frotase et apodóse. — Lien dynamiqice : place de l'accent
géîîéral ou phraséologique : soin qu'on doit appoi'ter à son interpré-
tation. — Lien proportionnel : en quoi il coiisiste : part qui revient
au chantre. — Lien d'articiclaiion : Comment il se fait. —
Résultat final.
308. — Si nous donnions une égale importance à tous les
membres et incises, le résultat serait semblable à celui d'un corps
dont tous les membres seraient désagrégés, séparés les uns des
autres; bien que parfaits en eux-mêmes, ils seraient, en cet état,
102
Deuxième Partie.
incapables de recevoir la vie que l'âme communique au corps
entier.
Pour obtenir l'unité de la phrase, le rythme devra donc avoir
égard à la hiérarchie et à la subordination réciproque des divers
éléments qui la composent.
Quatre moyens sont au pouvoir du rythme pour rattacher, selon
leur rôle et leur importance, incises et membres, et en former la
phrase : Ce sont : le lien mélodique^ le lien dynamique, le lien
proportionnel et le lien d'articulation.
309. — Le lien mélodique ou la mutuelle attraction et répulsion
des sons.
Le lien dynamique ou la subordination des rythmes partiels à un
élan mélodique ou arsis principale, à laquelle correspond l'accent
général ou phraséologique.
Le lien propo7'tionnel ou l'ordre et la proportion que notre oreille
réclame dans les divisions, les pauses et les repos provisoires.
Enfin, le lien d'articulation ou la relation de continuité qui nous
fait passer avec goût et délicatesse d'un rythme à un rythme, d'une
incise à une incise, et d'un membre à un membre.
Lien mélodique.
310. — ^Souvent le thème musical se développe jen élevant
graduellement la ligne mélodique jusqu'à un point culminant, d'où
elle redescend ensuite, et, graduellement aussi, vers la tonique.
La première partie (ascendante) se wovavciç^ pro tase, et la seconde
(descendante) apodóse. En s'appelant mutuellement en tant que
membre antécédent et membre subséquent, la protase et l'apodose
opèrent l'unité de la phrase entière.
f
Frotase.
1
Apodóse.
1
■
'=^ ■ ■
•
1
■ ■ î
1
■ ' ' ■
■ !
■•
■ ■ ■ ■
■ ■
■
^
Euge serve bó-ne,
1
in mó-di-co
fi-dé-lis.
1
in-tra in
s B '
■ ■ ■ • ^
i
■■
■' ■' 1
gáudi- um Dómi- ni tu- i.
Parfois la phrase commence par son sommet mélodique; la
protase apparaît alors dans tout son élan dès les prem.ières notes.
Chapitre VIII. — Le rythme de la phrase. 103
Frotase. Apodóse.
^ ^ ■ ! ■
1
^i ■ ? ■ ■•
■ ■ ■ ■ r ,
1 ■ 1 ■ ■ - 1
Hoc est prae-céptum mé- um ut di- li-gá-tis ínvi-cem sic-ut
* ■ ■
. S ■•
■
di- lé-xi vos.
Lien dynamique.
311. — Le lien dynamique représente la puissance synthétique
du rythme, qui se manifeste en g/oupant chaque incise et chaque
membre autour de leur accent particulier, et les membres et les
incises autour de. Vaçcent général de la phrase.
312. — Nous avons dit que l'arsis correspond naturellement au
mouvement mélodique ascendant et la thésis au mouvement
descendant; nous avons ajouté ensuite, en expliquant la formation
des incises et des membres, que l'arsis principale, qui fait leur
unité, coïncide ordinairement avec le groupe le plus élevé.
Nous n'avons plus maintenant qu'à élargir la règle et à dire que
le g7'oupe arsique principal de toute la phrase, auquel par conséquent
correspond son accent général, et auquel sont subordonnés tous les \
autres rythmes et accents particuliers des incises et des membres^
coïncide ordinairement avec le groupe mélodique le plus élevé
de toute la phrase.
Afin que tout se fasse avec naturel, on graduera l'intensité d'un
accent et d'un ictus à l'autre, de manière à parvenir insensiblement
au sommet de la ligne mélodique; on fera de même en descendant,
mais en sens inverse, c'est-à-dire en decrescendo. Les accents et les
appuis seront ainsi d'autant plus forts ou plus faibles, qu'ils seront
plus rapprochés ou plus éloignés de l'accent général de la phrase.
313. — De tout ce qui vient d'être dit, il s'ensuit que, durant la
protase, il sera préférable de multiplier les arsis, et durant l'apodose,
les thésis; ce qui ne signifie aucunement l'exclusion absolue des
thésis dans la protase et des arsis dans l'apodose. Le sens de cette
remarque, c'est qu'avant de déterminer le rôle d'un groupement
binaire ou ternaire qui, par lui-même, se prête à une double
interprétation rythmique, on considère quelle place il occupe dans
le développement général de la phrase.
314. — Les exemples, que nous donnons au chapitre X de cette
partie, peuvent servir ici comme exemples du lien dynamique.
104
Deuxième Partie.
En voici d'autres
■M — m-
^ ■
■ ■
■ ■
Euge serve bó-ne in mó-di-co fi- dé- lis, in-tra in
___=— ^
■ '
«
/
1
6 ,
r. ■>
i ■ ■_
s *■ ■ >
gáudi- um Dómi-ni tú- i.
i
/
1
r
i - .
• -
■
1
m ñ
. - i J
■
■ ' ■
■ ■ ■ ■
m a*
■ ■ ■
■ ■
• '
1
■
Vi- de
P 1
Dómi-ne
affli-cti- ó-nem
mé- am,
quó-ni- am
e-réctus
r '
■a
•b ■
«
■. fl-
! ■ ■■
■
est
in- imi-cus me- us.
ít
-»*-
■ ■'
Vé-ni spónsa Chrí-sti, ácci-pe co- ró- nam quam tí-bi Dó-
h"-^'
-m — ■-
mi-nus praepa-rá-vit in aetér-num.
315. — « Cette sage distribution de l'intensité dans toute la
phrase est très importante, si l'on veut arriver à une exécution
intelligente, intelligible et agréable, en un mot, si l'on veut bien
phraser, c'est-à-dire, observer la loi dynamique du rythme et donner
au texte sacré l'importance qui lui est due.
Chapitre VIII. — Du rythme de la phrase. 105
« Supprimez cette subordination des a.ccents, aussitôt la vie et
Tunité disparaissent pour faire place à la mort et à la dislocation ;
il n'y a plus ni membres ni phrases, ou si l'on distingue encore
ces divisions, elle ne sont plus que des tronçons inanimés. En
vain les rythmes enchaînent-ils les mots aux mots, en vain la
mélodie déroule-t-elle à travers les membres ses courbes les plus
belles, ce n'est pas assez; il faut encore, pour arriver à la vie
chaude, vibrante, cette gamme d'intensité, qui s'étend et pénètre
da.n.s toutes les parties de la phrase, qui les embrasse, les enveloppe
et les lie dans une parfaite unité.
: « Qu'elle vienne à manquer, la phrase reste froide et plate, les
différentes parties sont mal ajustées, les membres languissent, et,
dans son ensemble, la mélodie ressemble à ces personnes malingres,
sans couleur, qui n'ont pas assez de sang et de vigueur pour
soulever leurs membres étiolés. »
Et cependant Ils ne manquent pas ceux qui, au nom de la
nature, veulent bannir cet élément vital de toute mélodie, pour lui
substituer je ne sais quelle égalité de force ou quel naturel^ comme
ils disent. Ils prétendent imiter la nature et ils tombent « dans le
genre précieux, dans une afféterie naïve et maniérée, pire que
toutes les exagérations auxquelles peut donner lieu la loi dyna-
mique qui nous occupe ».
Mais il n'y a rien à craindre de ce côté-là dans le chant grégorien ;
car la loi essentielle de toute bonne exécution de ce chant est
d'être absolument exempte de la moindre exagération. « La
douceur, la suavité, l'onction, le calme inaltérable de la mélodie
grégorienne, demandent que toutes les progressions et détentes
dynamiques soient conduites avec mesure, discrétion et délica-
tesse ».
Ici, c'est le juste milieu qui est la perfection.
Donc, ^ point de crescendos rapides et éclatants, point de diini-
nuendos subits, jamais une recherche quelconque d'effet, jamais
surtout de contrastes proprement dits ». Le naturel toujours, mais
avec art, « des nuances, rien que des nuances, qui se lient, se
fondent l'une dans l'autre comme les couleurs de l'arc-en-ciel ».
Lien proportionnel.
316. — Le lien proportionnel n'est autre chose que la relation
et la dépendance que la proportion des sons établit entre les
rythmes et entre les incises.
317. — Cette relation, qui peut consister non seulement dans le
nombre des sons mais, encore dans la durée des pauses, est
106 Deuxième Partie.
principalement le résultat de deux attractions : de l'attraction
mélodique ou attraction corrélative de certains sons dans chaque
gamme, et de l'attraction rythmique ou de la dépendance que
l'action synthétique du rythme établit entre divers groupes de
notes, constituant chacun un mouvement rythmique.
Ces deux causes, appuyées sur le sens esthétique que nous
portons inné, déterminent le nombre de sons qui doivent entrer dans
chaque incise et dans chaque membre, pour qu'il y ait entre les
incises et entre les membres, relation d'équilibre ou de proportion.
318. — L'exécutant peut détruire cette relation, en ne donnant
pas aux différentes pauses leur juste valeur ou en en exagérant la
durée.
Lien d'articulation,
319. — Le lien d'articulation s'appelle ainsi, parce que son
action se fait sentir entre les incises et les membres au point
précis de leur jointure.
Ce lien d'articulation, c'est la viora vocis.
320. — « Pour bien faire la inora vocis entre deux incises ou
deux membres moins importants, c'est-à-dire la inora vocis sans
respiration, il faut se rappeler que la note allongée par elle remplit
deux fonctions : elle termine un membre, elle conduit au suivant.
Elle transmet, par conséquent, la vie d'un membre à l'autre; le
courant vital de la mélodie et du rythme passe par elle; elle doit
s'en ressentir. Il ne faut donc pas l'exécuter froidement, sous le
beau prétexte qu'elle n'est qu'une tenue de la voix.
« Conformément à ce premier caractère, la mora vocis doit être
douce, suave, afin de donner ainsi le sentiment du repos; mais à
peine s'est-elle posée, qu'elle entre aussitôt dans sa seconde
fonction qui est d'unir le membre précédent au suivant, et alors elle
doit préparer cette transition, en s'adaptant au début du nouveau
membre, en en prenant pour ainsi dire d'avance la couleur, la
physionomie.
<( La fin de la mora vocis sera donc en rapport avec la force
dynamique, avec la valeur de la première note du début; elle doit
se fondre avec elle, s'adapter à elle.
« Si le nouveau membre commence par une note forte, le timbre
de la voix se terminera par un léger crescendo, comme dans le
premier membre de l'exemple suivant; s'il commence par une
note faible, il s'y adaptera par un léger et délicat decresceiido.
chapitre VIII. — Du rythme de la phrase. 107
Exemple :
A
B
. <
■ ■ ■
+-:
%
1
— 1
■—
1
. ■■ ■'
1*
■■ ■•
■ •
Canta- te
Domi-no
1
can-
ti-
cum no- vum laus
é- ius
. V h .
0 P- 0
' 0^
i~
-Îi a 1
0-m -M
^-^ 1^ ë 1
w-
\} \? 1
t?—
-ë f ,*—
^l*"
-W- 0
IsU • 1
j
■■■r ^ •■■
L-"
1
■*S. ' '
Canta- te Dómi- no can- ti- cum nó- vum laus é- ius
ab extré-mis térrae.
Î=Îï:
jézué:
ab extré-mis térrae.
Autre exemple de ce dernier cas :
S
-■ — ?— •-
Et incarná-tus est de Spi- ri-tu Sáncto
I
in
Ît=ti=î5:
Ît
Mn
Ît
~é—0-
I
Et incarná-tus est de Spi- ri-tu Sáncto
« Cette règle vaut principalement pour les morae vocis sans
respiration, quand il s'agit d'unir entre elles les incises ou petits
membres; mais quand, entre des membres plus importants, la
respiration est nécessaire, la mora vocis distingue plus qu'elle ne lie;
elle doit donc, dans ce cas, être d'une douceur voisine du repos.
« Tel est, dans l'exemple « Cantate Do7nino », le membre indiqué
par un B.
« Ces nuances si délicates de crescendo et de decrescendo peuvent
être comparées à l'huile qui diminue les frottements entre les
rouages de la machine, ou encore à la synovie, cette huile vivante
qui adoucit et favorise le jeu de nos membres ».
108 Deuxième Partie.
321. — Grâce à cette manière d'unir entre eux les rythmes, les
incises et les membres, « la cantilène grégorienne, est une mélodie
continue^ non en ce sens qu'elle manque de divisions dans la
durée — sans celle-ci il n'y aurait pas de rythme, — mais en ce
sens que ces distinctions ne souffrent entre elles ni interruption,
ni brisure, et que, bien plutôt, elles servent elles-mêmes à la
continuité de la ligne mélodique : ainsi les guirlandes aux sinueux
contours; ainsi, et mieux encore, parce qu'elles sont vivantes, les
longues vagues d'une mer doucement soulevée par les vents ou la
marée : elles roulent, montent, s'allongent, descendent, remontent
sans solution de continuité, jusqu'au rivage sur lequel la dernière
longuement s'étend et expire.
« Cette tefiue suivie de mouvements ondulants est une image
frappante de l'imposante et souple démarche de nos mélodies; tout
doit, dans l'exécution, contribuer à la produire et à la maintenir.
C'est à la fin des incises, des membres de phrase surtout, que la
continuité court quelque danger : de trop longues pauses, des
respirations longues et haletantes risquent de la suspendre ou
même d'en briser le cours. Tout cela, au contraire — pauses,
retards, respirations — doit aider à dessiner, pour ainsi dire, le
prolongement des courbes inférieures qui relient la retombée et
l'élan des vagues mélodiques.
« Ce sentiment intime que ressentent ceux qui ont étudié et
pratiqué sérieusement les cantilènes grégoriennes, nous porte à
réduire toujours plus les pauses de la \'oix, et à diminuer la durée
des notes qui supportent les morae vocis ».
CHAPITRE IX.
De la direction du chant.
CJiironomie. — A). Pa7' temps simples. — B). Par jythines simples
élémentaires. — C). Par temps compcés. — Remarques : Classifi-
cation du rythme. Dessins mélodiques. — Mouvement. — Conseils
au directeur. — Expressio7i.
322. — Comme complément de tout ce qui a été dit précédem-
ment sur le rythme, nous allons indiquer ici la manière de le
représenter graphiquement par les gestes de la main. C'est ce qu'on
appelle la chironomie, du grec yzi^ (jnain) et vópo; {j'ègle) \
On peut diriger le chant de diverses manières.
^ Le 2^ vol. à.\x Nombre Mus. Grég. consacre à la chironomie un long et magis-
tral chapitre. Nous y renvoyons le lecteur, le nôtre étant forcément sommaire.
Chapitre IX. — De la direction du chant. 109
323. — A) DÍ7'ectíon par temps simples.
Ce serait une lourde erreur de diriger le chant en marquant
chaque note d'un frappé plus ou moins fort, v. gr. :
r Í I
Ec-ce sa- cér-dos má-gnus
Une telle direction aboutirait fatalement à une exécution
martelée.
324. — On pourra cependant y recourir en certains cas, mais en
passant; par exemple, s'il s'agit d'accélérer ou de retarder quelques
notes, ou bien d'étUblir plus d'égalité entre elles.
325. — B) Direction par rythmes simples ou elemental} es.
Elle consiste à baisser la main d'un ictus à l'autre. Bien que
préférable à la précédente, cette direction n'est pas encore celle
qui convient le mieux au caractère du chant grégorien; il lui
manque de pouvoir exprimer l'union de tous les éléments qui
6 ^ er
\
Ecce sa-cérdos mágnus
composent la phrase, en même temps qu'elle indique la valeur
respective de chacun.
326. — Son usage pourra être limité aux cas où il y a lieu de
donner du relief à l'accent tonique, par exemple, lorsqu'il correspond
au dernier temps d'une division ternaire.
Ce cas se présente pour l'accent de intelléctiis dans l'Introït In
Media que nous analysons plus loin.
327. — C) Direction par vieinbres de phrase ou temps composés.
C'est la vraie manière de diriger l'exécution du chant grégorien
et la seule conforme à son style lié. Elle dépeint en quelque sorte
aux regards de l'exécutant le rythme de ce chant, en en faisant
ressortir à la fois les détails et l'ensemble, les mouvements et les
contours : d'abord elle marque les groupements binaires et
ternaires, avec leur caractère d'arsis ou de thésis; ensuite elle
indique l'union et l'enchaînement des rythmes entre eux, en
répétant l'arsis ou la thésis s'ils sont unis par contraction, et en
no
Deuxième Partie.
conservant à chacun son arsis et sa thésis s'ils le sont par juxta-
position; enfin, il n'est pas jusqu'à la dynamie qu'elle ne puisse
traduire par la vigueur ou la modération, la largeur ou le
rétrécissement qu'elle sait donner à ses gestes.
328. — A l'arsis la main décrit un mouvement ascendant, en
forme de courbe, qui doit partir du premier ictus rythmique
exprimé ou sous-entendu; à la thésis, elle fait un simple mouve-
ment descendant. Dans les deux cas, le geste aura plus ou moins
d'ampleur, selon le nombre de notes dont se composent les parties.
m=¿z
Arsis
Thésis
C'est la chironomie du rythme simple ou isolé.
329. — Dans une suite de rythmes simples formant ensemble
un rythme composé par contraction, on répétera le mouvement
arsique autant de fois qu'il y aura d'arsis.
Deux arsis et une thésis.
Sb a ■•
me- is
i
r^
P
?^^
3t±
me-
is
Trois arsis et une thésis.
h-^
Í
w
^. — ^-
me-
is
me-
is
On indique le groupe arsique le plus important de chaque incise,
de chaque membre et de toute la phrase, par une élévation plus
marquée de la main.
330. — Si, dans les rythmes par contraction, plusieurs thésis se
succèdent, la main, après être descendue sur la première, se
Chapitre IX. — De la direction du chant.
111
relèvera légèrement et, ayant décrit une petite ondulation, elle
redescendra sur la seconde :
Mtfs
Do-mi- nus
m
DÓ-
mi-
nus
[/ne arsis et trois thésis.
e-hte
Do-mi- nus
|rg~fS^
±5
DÓ- mi-
nus
331. — Dans les rythmes composés ^^ds juxtaposition^ on répète
le même geste pour chaque rythme simple, en reliant, comme il
suit, l'arsis du second à la thésis du premier.
^-
JÊill
Avec ce procédé, on peut suivre et indiquer les plus petits
détails du mouvement rythmique.
332. — Dans les exemples précédents, le rythme commence par
un ictus exprimé; lorsque l'ictus initial est sous-entendu, on
l'indique par un geste préliminaire, et on ne commence le chant que
lorsque la main parvient au sommet du demi-cercle qu'elle décrit.
Dé-
i
us
Dé-
us
On peut encore signaler l'ictus initial sous-entendu par un
frappé, comme quand on bat une mesure à deux temps et qu'on
part au second.
112
Deuxième Partie.
333- — D'ailleurs, même dans les pièces commençant par un
ictus exprimé, il est bon de les faire toujours précéder d'un geste
préliminaire; les exécutants sont ainsi avertis du mouvement à
prendre, et l'attaque se fait avec plus d'ensemble.
Dans ce cas, la main ne décrit pas seulement une partie de
l'arsis, comme dans l'exemple précédent, mais bien un rythme
tout entier.
*i-^
Loqué- bar
i
^
Lo- qué-
bar
334- — Si au début de la phrase se présente une thésis, la
main l'indique de la manière suivante :
<
^=^
San-
ctus
On peut voir au chapitre suivant un modèle de chironomie
complète dans \ Alléluia^ Ostende.
Un exemple graphique des trois chironomies superposées fera
saisir l'importance pratique de la dernière que nous venons
d'exposer.
2e
ire
i
***••••
^ ^ ) r ^ ^ k^ ju ^ W w ^
r^
r^-* 9-
Ky-
f
ri-
-i y 9
lé- i- son.
Chapitre IX. — De la direction du chant. 113
Remarques.
335. — Classification du Rhytme. — Règle générale.
En règle générale, le mouvement mélodique lui-même servira
de guide au directeur pour classer les arsis et les thésis; car l'arsi's
représentant l'élan et l'effort, et la thésis l'arrivée et le repos du
rythme, il est naturel, logique même, d'attribuer la première à un
groupe ascendant, et la seconde à un groupe descendant.
Nous disons en règle générale, parce que toute élévation n'est pas
nécessairement arsis, et toute descente thésis; cela dépend du
mouvement général de la phrase.
336. — Rythmes par juxtaposition.
On considère comme rythmes juxtaposés les mouvements dans
lesquels la mélodie ou le texte ne réclament pas la répétion de
l'arsis ou de la thésis.
337. — Rythmes par contraction.
Au contraire, lorsque, en raison du texte ou de la mélodie, le
mouvement demande plusieurs impulsions, le rythme est par
contraction ; il se compose de plusieurs arsis ou de plusieurs thésis
que la main doit reproduire.
338. — S'il est manifeste que le groupe suivant ou thésis ne
dépend pas strictement du groupe précédent ou arsis, et que, de
plus, le mouvement requiert un renouvellement d'énergie, c'est
une preuve qu'un nouveau mouvement commence et qu'il faut le
signaler en décrivant l'arsis d'un nouveau rythme.
On doit ordinairement, dans l'intérieur des incises et des
membres, préférer la contraction à la juxtaposition.
339. — Le p7'emier rythme de la phrase.
Toute phrase ne commence pas nécessairement par une arsis;
elle peut débuter par une thésis préparatoire, comme dans le
Sanctus cité plus haut.
340. — Dessins mélodiques.
Le directeur doit encore régler ses gestes de manière à faire
bien ressortir certains dessins mélodiques d'un usage très fréquent
dans le chant grégorien, et à ne laisser perdre aucun des détails,
dont l'ensemble fait la mélopée liturgique si belle et si agréable.
Voici quelques-uns de ces dessins indiqués sommairement :
A. — Mouvements mélodiques et \
' •' ^ intervalles semblables. i I
114
Deuxième Partie.
B. — Mouvements mélodiques
semblables et intervalles
distincts.
C. — Symétrie et correspondance Alléluia Ostende, analysé au
D.
entre divers groupes.
Répétitions égales.
E. — Répétitions transposées.
F. — Imitations directes ascen-
dantes.
G. — Imitations directes descen-
dantes.
H. — Imitations en mouvements
contraires...
\. — Gradation et régression.
J. — Antécédents et subséquents.
chapitre suivant.
Alléluia Magnus du VII I^ Dim.
après la Pentecôte.
Offert. Recordare^ jubilus final,
et le Chris te, avec le dernier
Kyrie n^ XI.
Trait du 11^ Dimanche de Ca-
rême Qui s loque tur.
Gvdiá.Constitues... principes. ..QUivQ
autres cas de la même pièce.
Christe T. P. ; Qui fuerat quatri-
duafîus de la Com. Videns
Dominus.
C'est un des cas le plus fréquents.
Exemples caractéristiques :
Ma?isuetudinem du Grad. Spe-
cie tua, et mimera offerent de
l'Offert. Reges Tharsis.
La deuxième incise de l'Ail. Fac
nos..., et de V A\\. Justus ger-
minabit.
Nous pourrions citer beaucoup d'autres exemples; mais leur
place est plutôt dans un traité d'esthétique grégorienne.
A. — Du mouvement.
341. — Il ne doit être ni précipité ni lent. Précipité, il serait un
manque de respect envers Dieu dont on chante les louanges ; lent,
il ennuierait les auditeurs et porterait atteinte au sens du texte et
de la mélodie.
342. — Dans l'adoption du mouvement, on aura égard au sens
du texte, au caractère de la mélodie, au nombre des exécutants et
aux conditions acoustiques du local.
343. — Les mélodies à grands intervalles comportent un mou-
vement modéré.
Chapitre IX. — De la direction du chant. 115
344. — Les récitatifs doivent avoir le mouvement d'une lecture
claire, dictincte et posée.
345. — Dans les chants entièrement neumatiques comme
\ Alléluia, la vo"x n'étant plus sujette en quelque sorte à la con-
trainte qu'in po ;e toujours la prononciation d'un texte, le mouve-
ment peut être plus animé.
346. — Les chants alternés tolèrent en général un mouvement
plutôt vif que lent.
347. — Lorsque le nombre des exécutants est considérable, on
conseille généralement de prendre un mouvement plus modéré,
sans jamais tomber cependant dans la lourdeur.
348. — Un chœur bien formé, et sachant manier la voix à la
perfection, peut adopter un mouvement modéré plus facilement
qu'un chœur moins expert ; celui-ci s'expose à marteler s'il chante
lentement.
349. — On pourra enfin recourir aux indications métronomiques
que les moines de Solesmes ont placées en tête de chaque mélodie
dans leurs éditions en notation musicale moderne; mais qu'il soit
bien entendu que ces indications ne sont qu'approximatives.
B. — Conseils au directeur.
350. — Le directeur veillera avec un très grand soin à ce que
l'équilibre et la proportion soient toujours conservés dans le chant.
Il ne permettra pas que les notes aiguës soient émises précipi-
tamment, ainsi que certains chœurs en ont la tendance. Quelquefois
au contraire ces notes élevées demandent plus d'ampleur.
Quand les exécutants sont portés à crier ou à imprimer au chant
une vigueur exagérée, le directeur y remédiera avec succès en
multipliant plutôt les thésis que les arsis, du moins dans les rythmes
qui se prêtent à l'une ou à l'autre interprétation; il prendra le
moyen opposé si le chœur se laisse aller à la mollesse et dans le
mouvement et dans l'expression.
Qu'il ne se croie pas obligé de reproduire par le geste toutes les
arsis et toutes les thésis. Quand le chœur marche bien et n'a pas
besoin d'être entraîné, il peut réunir en un seul geste plusieurs arsis
ou plusieurs thésis consécutives. De larges mouvements de la main
accompagnent alors, sans les briser, les directions diverses de la
ligne mélodique. Le chant y gagne en souplesse et en ampleur.
Le directeur bannira impitoyablement toute affectation dans le
chant. Il ne tolérera donc jamais les interprétations maniérées, par
exemple, les prétendus échos marqués úq ppp, dont on accompagne
parfois les répétitions mélodiques d'un usage si fréquent dans le
chant grégorien.
116 Deuxième Partie.
Non seulement ce procédé des échos (?) est mesquin et indigne
de la sereine majesté du chant liturgique, mais encore il est souvent
en contradiction avec l'expression elle-même; car il n'est pas rare
que, dans les répétitions mélodiques, le sentiment musical demande,
pour avoir toute son expression, plus d'intensité de voix et plus
d'ampleur de mouvement. N'est-ce pas, par exemple, pour donner
plus de force et d'efficacité à la prière, qu'on répète au Kyrie la
phrase mélodique? N'est-ce donc pas un contre-sens que de
l'exécuter en écho?
Enfin, le directeur devra étudier lui-même constamment le chant
grégorien pour bien savoir interpréter chaque pièce et pour être
tout imprégné de l'esprit qui anime les gracieuses cantilènes dont
les anciens firent leurs délices.
C. — De l'expression.
351. — Le naturel, qui est le suprême modèle du beau, doit
accompagner toujours l'exécution du chant grégorien. *
C'est chanter avec affectation que de donner une voix molle et
éteinte, ou de la forcer outre mesure.
La voix sera donc naturelle, en évitant les excès tant d'un côté
que de l'autre; si plusieurs chantent en même temps, aucune voix
ne tranchera sur les autres, mais elles seront si bien fondues
ensemble qu'on croirait n'en entendre qu'une.
352. — Du commencement à la fin, la voix devra-t-elle donc
conserver toujours la même intensité? Non certes; car que serait
une telle musique, un tel art, sans traits ni ombres et d'un mono-
tonie desespérante?
Voudrait-on, par hasard, que le chant soit naturel dans la
mesure où il serait négligé, ou tout au moins dépourvu d'élégance
et de bon goût?
Mais invoquer à cette fin le naturel, c'est lui faire la plus grande
injure qu'on puisse imaginer. Le naiurel, il le faut sans doute et
nous le réclamons ici de toutes nos forces ; mais il devra être
accompagné de « l'art et de la piété », pour que le chant ait une
expression entièrement spirituelle et digne de la sainteté de la
maison de Dieu.
C'est pourquoi il est nécessaire avant tout de comprendre le
sens du texte et de s'en pénétrer. L'art aidera ainsi la piété et la
piété perfectionnera l'art; non, certes, un art théâtral et mondain,
mais un art exclusivement religieux. Tel est bien le chant grégorien
que l'Eglise a composé pour célébrer uniquement les louanges du
Très- Haut.
Chapitre X. — Exemples pratiques. 117
353. — Ce sont des qualités éminemment artistiques de ce chant
que l'intime et mutuelle pénétration du texte et de la mélodie,
l'expression sublime de la parole sacrée, la traduction idéale du
sens mystique et liturgique des grandes pensées et images dont
l'Eglise se sert dans ses communications avec nous.
Mais c'est toujours sans excès d'enthousiasme et sans aucun écho
des passions qu'elle manifeste sa révérence envers Dieu; de là les
caractères que nous reconnaissons au chant grégorien et qui sont
le calme, le repos et la paix inaltérable avec lesquels il déroule sa
trame mélodique sans recourir jamais aux effets tant recherchés
par la musique théâtrale; l'expression qu'on doit donner à ce chant
ne peut donc être que sainte, paisible, pleine d'onction sacrée et
comme le reflet de la paix du cœur.
354. — L'observation des règles du phrasé, exposées dans
cette partie, sera d'un grand secours pour donner au chant l'expres-
sion qu'il requiert.*
355* — QiJG 13- dernière note avant les pauses ne soit pas exé-
cutée comme si le chantre, oublieux et distrait, heurtait contre elle.
C'est l'impression que l'on éprouve quand la voix tombe lourde-
ment et fortement sur cette dernière note. Dans les pauses princi-
lement, on doit prendre garde d'abord de ne pas accentuer et
ensuite de ne pas prolonger inconsidérément la dernière syllabe :
Ultima sy liaba non turpiter caudetur^ ainsi que s'exprimaient les
anciens.
CHAPITRE X.
Exemples pratiques.
Oi'dre dans V analyse. — lit medio. — O s tende. — Videns Dominus.
Ex surge. — Jus tus.
356. — Les analyses suivantes ont pour but d'indiquer de quelle
manière on doit étudier les mélodies grégoriennes pour les chanter,
selon l'expression de Pie X, « saintement et artistiquement ».
En même temps qu'elles vont nous permettre de recueillir le
fruit de toutes les études antérieures, ces analyses nous aideront à
connaître à fond la valeur artistique et les qualités qui font du
chant grégorien le chant liturgique par excellence.
Dom Guéranger disait : « Je cherche partout ce que l'on pensait,
ce que l'on faisait, ce que l'on aimait dans l'Eglise aux âges de foi ».
« Rechercher la pensée de nos pères, ajoute Dom Mocquereau,
soumettre humblement notre jugement artistique au leur, c'est ce
118
Deuxième Partie.
que demandent à la fois l'amour que nous devons avoir pour la
tradition entière, tant mélodique que rythmique, et le respect d'une
forme d'art parfaite en son genre ».
C'est par l'étude approfondie du chant grégorien et l'analyse
intime de ses pièces que nous comprendrons la raison pour laquelle
Pie X l'a proposé aux compositeurs comme le suprême modèle de
la musique religieuse, et que ceux-ci pourront enrichir leurs
compositions avec des procédés ignorés jusqu'à présent d'un grand
nombre. Que de surprises dans l'examen attentif et minutieux
d'une mélodie! Les manuscrits, sont d'autre part, si abondants en
indications rythmiques, qu'ils projettent une vive lumière sur ce
genre d'études.
Le cadre limité d'une Méthode ne nous permettra pas de donner
à nos analyses la forme ample et détaillée que le savant directeur
de l'Ecole de Solesmes, Dom Mocquereau, a employée dans ses
Mo7iographies Grégoriennes. Nous tâcherons cependant, au point
de vue pratique, de suivre ses procédés, et nous mettrons même à
profit ses propres indications pour les deux premiers exemples :
In medio et Ostende. Ce sera une manière bien modeste de lui
témoigner notre reconnaissance pour la mention qu'il a daigné
faire de notre Méthode dans la première de ses Monographies.
357* — Pour rendre l'analyse d'une pièce aussi fructueuse que
possible, nous proposons la marche pratique que voici : Texte^
mélodie^ rytJmie.
Texte.
Mélodie.
( Sens littéral et mystique. — Son emploi liturgique. —
\Son histoire. — Phrasé.
Nombre de notes. — Intervalles employés. — Diver-
sité des mouvements mélodiques : ascendants ou descen-
dants : contraires : imitations : abréviations : analogies
ou parallélismes : répétitions : antécédents ou subséquents :
demandes et réponses : rimes musicales. — Modalité :
tonique : dominante : extension du mode : modulations.
Divisions générales de la pièce. — Valeur des pauses.
— Interprétation particulière de quelques neumes. —
Indications rythmiques qui précisent la valeur de
quelques notes.
Rythme. , Ictus rythmiques.
Rythmes élémentaires ou simples.
Rythmes composés : leur nombre : leur genre et pour
quels motifs.
Finales du rythme ou cadence ictiques et postictiques
. — Incises et membres : leur nombre : examiner comment
Chapitre X. — Exemples pratiques.
119
le texte, la mélodie, le sens esthétique et synthétique du
rythme contribuent à leur formation. — Accent particulier
et principal de chaque membre et incise.
Phrases : leur nombre : leur formation : leurs éléments
d'unité. — Lien mélodique : protase et apodóse. — Lien
dynamique : accent général phraséologique : comment
on le fait : sa prééminence : soin à bien l'interpréter. —
Lien proportionel : d'où résulte-t-il et à quoi sert-il :
comment on le pratique. — Lien d'articulation : son
office et la manière de l'interpréter.
Mouvement et expression de la pièce. — Direction ou
chironomie.
Rythme.
358. — Quelle juste sastisf action éprouve le grégorianiste
lorsque, après une étude consciencieuse, il parvient à connaître à
fond et jusque dans ses moindres détails le vrai caractère d'une
pièce!
« Le restaurateur grégorien, dit Dom Mocquereau, travaille
patiemment, lentement, mais sûrement, membre à membre, dans
sa vérité première, la vénérable mélodie. Ainsi procède le médecin
chargé de la reconnaissance d'un corps saint. Il examine pieusement
chacun des ossements, les reconnaît, les classe, les ordonne, les
rejoint et reconstitue peu à peu toute l'ossature. Mais là s'arrête sa
puissance; il ne peut leur donner la vie. Plus heureux, le restaurateur
grégorien va plus loin : il peut, après le même travail sur les
membres d'une antique cantilène, l'animer, la faire revivre, la
présenter dans toute sa beauté. C'est là vraiment la récompense de
tous ses efforts ».
C'est après avoir terminé l'étude paléographique d'une mélodie
et avant d'entreprendre sa reconstitution rythmique, que Dom
Mocquereau a écrit ces lignes. Espérons que nous éprouverons une
satisfaction semblable, bien que, dans nos analyses, nous ne
puissions suivre que de loin la marche qu'il nous a magistralement
tracée dans les siennes.
I
359.
a. a.
a. a. t.
t. a. t.
>■■ ■ ■
■ ■■■
-■— •-
-\ '■
a-pé- ru- it os
In mé- di- o * Ecclé- si- ae
120
Deuxième Partie.
m
t. t.
t. a.a. t.
a. t. a. t. t.
1 ■
a. t. a. t.
1
M
^ i^ ■
^fi ■* ■
1
A ■•
5 ■
■ 1 ■ ■ - ■ _
■ ■ ■ ■■■ J
■~ ■ ■ ■ ■
I
■ 1 ■ " , 1
ñ
é- jus :
/
a. a.
et implé- vit
t. t. t. a.
1
é- um Domi-nus
a', t. C\-t.t.
spi-ri-tu sa- '\
a. t. a.
1
^^
1
1 ■'■ ■ S
1
1
^ ■ ■ al
" ■ ■• ? ■■-
K3 ■ * '
pi- énti- ae, et in- tel- léctus : stó- lam gló-
t. t. a. t. t. t.
■ ■ ■ ■■
=»-»^
ri- ae in-du- it é-
um.
360. — Texte.
Voici le passage de l'Ecclésiastique auquel il est emprunté :
« Et in medio Ecclesiae aperiet os ejus, et adi)Jiplebit illum spiritu
sapientiae et intellectus, et stola gloriae vestiet illum ». (XV, 5).
L'Eglise a appliqué ces paroles d'abord à S. Jean l'Evangéliste,
puis aux Docteurs.
Les anciens documents liturgiques donnent l'introït In medio le
27 décembre à la seconde messe de S. Jean.
Le phrasé, à la simple lecture, pourrait être établi de cette
manière :
Incise : In medio Ecclesiae.
Incise : aperuit os ejus,
^ , J Incise : et implevit eum Dominus,
1^ Incise : spiritu sapientiae et intellectus,
Phrase.
Membre
,, 1 r Incise : stolani e^loriae,
Membre ^ t • - a -^
y Incise : induit eum.
Dans le chant, il faudra de plus tenir compte de la disposition
mélodique et rythmique que le compositeur a voulu donner à la
phrase.
361. — Mélodie.
Qu'on nomme les notes et les intervalles employés.
Le mouvement mélodique est ascendant jusqu'aux mots implevit
eum, d'où il redescend à la finale par une série de degrés bien
ordonnés.
Chapitre X. — Exemples pratiques. 121
)r Les deux premières incises sont presque identiques dans leurs
mouvements; et c'est à peine si elles s'écartent par de légères
ondulations de la note récitative/îî *.
Aussi font-elles contraste avec les suivantes : et implebit eiivi
Doininus spÍ7'itu sapientiae et intellectus, stolam gloriae. La mélodie
est ici plus accidentée; elle prend un vol rapide vers la note élevée,
et descend ensuite, par degrés et avec un gracieux balancement,
jusqu'au do grave.
Il faut remarquer l'étroite relation mélodique et la mutuelle
attraction des sons dans l'intérieur des incises : spiritu sapientiœ et
intellectus, stolam gloî'iae, et entre chacune d'elles.
La mélodie est du sixième mode. (Voir le tableau des modes au
chapitre I.)
Le /¿z, tonique du mode, est converti en dominante et en corde
récitative dans les deux premières incises ; dans la dernière, quoi-
que le mouvement des deux premières soit reproduit, X^fa retrouve
plutôt son caractère de tonique, parce que cette incise est unie à la
précédente stolam gloriae^ et qu'elle met fin à la pièce.
362. — Rythme.
L'Edition vaticane divise la mélodie en trois phrases^ formées, la
première et la dernière par deux incises, et la deuxième par trois.
La valeur de chacune de ces trois pauses a été déterminée au
chapitre IV. Cependant la pensée musicale semble mieux inter-
prétée, si on donne la valeur d'une pause de membre aux deux
premières grandes pauses, faisant ainsi de la pièce entière une seule
phrase. L'unité de la mélodie y gagne énormément.
C'est question de détails, sans doute ; mais détails qui contri-
buent beaucoup à la beauté de l'ensemble, et qui, d'autre part, ne
sont point contraires à la version officielle.
Deux tristrophas apparaissent dans la première incise; la pre-
mière tristropha, en plus de la répercussion dont il a été parlé quand
^ « Il faut insister sur \2ifor7ne mélodique de ce membre.
« Sauf les deux podatus inférieurs qui servent d'introduction aux deux
premières incises ; sauf les deux groupes d'accentuation, la mélodie, très simple,
se maintient constamment sur le fa; à peine se meut-elle en dehors de cette
corde : discrète, retenue, elle s'efface pour laisser toute la place au rytJwie.
Celui-ci, de son côté, ne paraît que pour s'ajuster étroitement avec les mots,
mais avec les mots augmentés, agrandis ; il semble vouloir les dilater pour
mieux exprimer les profondes idées qu'il représentent. Et telle est sa puissance
que, seul, son bercement, large et paisible, donne à ces quelques mots un
caractère indéfinissable de grandeur, de noblesse et de gravité.
« Pauvreté mélodique, diront les légers, les inconscients !
« Richesse rythmique, répondrons-nous, pureté classique digne des Grecs et
des grégoriens primitifs qui, les uns et les autres, étaient doués d'un sens
rythmique et d'une finesse de tact auditif que la moindre ride, la moindre
nuance sonore suffisait, sans l'aide de la mélodie, à émouvoir et à charmer ».
122 Deuxième Partie.
il a été question de l'exécution propre à ce neume, porte ictus sur
sa dernière note.
Sur le mot implevit, le neume est composé d'un punctîim^podaius-
quilisma et d'un oriscus que l'édition vaticane traduit par une virga ;
l'ictus se place en conséquence sur le la.
Les deux distrophas de induit correspondent dans les manuscrits
à deux bivirgaSy comme il arrive d'ordinaire quand deux notes à
l'unisson sont affectées à une seule syllabe. La première bivirga
comporte une répercussion et un retard à chaque note, et la
seconde une simple répercussion.
L'épisème de retard placé sur le mot os et ceux des autres
neumes sont reproduits des manuscrits rythmiques.
Les trois notes mi, fa, sol áo, sapientiae et de intellectus doivent
être interprétées comme un salicus, selon qu'il est indiqué dans les
manuscrits. La modalité elle-même de la pièce réclame cette inter-
prétation. Le ;/// se trouve ainsi entre d^u^fa portant appui.
Le point à côté du la de implevit euni supplée au cephalicus des
manuscrits. De plus, ce cas n'est pas sans une grande analogie avec
beaucoup d'autres dans lesquels la voix trouve un repos immédiat
après le « pressus » la do do la.
Comme on l'a dit ailleurs, les appuis rythmiques indiquent les
divisions binaires et ternaires.
363. — Les rythmes élémentaires pourraient se distinguer dans
la forme suivante :
implé- vit é- um Do- mi- nus
364. — Mais, en pratique, il faut considérer le rythme général
ae la phrase et examiner les incises et les membres dont elle est
formée.
Premier membre.
Première incise.
Deux rythmes composés par contraction : le premier, in médio Ec,
comprend trois aj'sis et une thésis postictique ; — le second, clesiae^
deux arsis et une thésis.
Deuxième incise.
Deux rythmes : le premier, aperuit, commence par une thésis^
continue par une arsis et termine par une thésis postictique ; — le
second, os ejus, comprend une arsis et deux thésis.
Chapitre X. — Exemples pratiques. 123
Second membre.
Première incise.
Trois rythmes : la conjonction et peut être considérée comme
prolongation de la thésis précédente; le mouvement rythmique
général résulte ainsi plus uni. Le premier xyuvvaç, plevit, est formé
par contraction avec le la de eunt : deux arsis et une thésis
postictique; — le second, emn, à partir du do-pressus, rythme
simple : une thésis ictique ; — le troisième Dominus, composé par
contraction : une arsis et deux thésis^ la dernière ictique.
Deuxième incise.
Deux rythmes simples et un rythme composé. Les deux pre-
miers, spiritu sapi, forment jusqu'au mi inclusivement, un rythme
composé par juxtaposition avec thésis postictiques ; — le dernier,
ientiae, est, à partir au fa, composé par contraction : deux a7'sis et
deux thésis, la dernière ictique.
Il y a une troisième thésis, celle qui commence l'incise suivante,
et qui, en raison de sa relation mélodique avec la précédente, peut
être considérée comme dépendant du rythme composé antérieur,
à la manière des deux premières incises.
Troisième incise.
Un seul rythme par contraction, inîellectus, à partir du fa :
deux arsis et quatre thésis.
En arrivant à l'accent tonique, qu'on se rappelle ce qui a été dit
au chapitre précédent, lorsque l'accent d'un mot est au troisième
temps d'un groupement ternaire. (N° 326.)
Troisième membre.
Première incise.
Deux rythmes. Le premier, stolam, simple, avec thésis postictique;
— le second, gloriae, composé par contraction : une arsis et deux
thésis^ la dernière postictique.
Deuxième incise.
Un seul rythme composé par contraction, ainsi que l'exige le
repos final de la mélodie. Induit eum : une arsis et trois thésis, la
dernière forcément ictique. — Dans le premier membre, l'accent
particulier correspond au premier sol de Ecclesiœ, groupe arsique
le plus élevé; et l'accent principal au sol de os.
Les accents particuliers du second membre correspondent au sol
de sapientiae et au la de intellectus ; le principal au do de eum.
Au troisième membre, les accents se trouvent sur glo et sur in.
Si on ne regarde que la mélodie, l'accent principal est le premier;
si on s'en rapporte aux indications rythmiques des manuscrits, il
pourra être affecté au second.
124
Deuxième Partie.
3Ó5. — La pJirase. — Les trois premières incises forment la
protase et les autres l'apodose.
Le point central de toute la phrase, et qui représente Vaccent
géîiéral, est constitué par le « pressus » la do do la de eiim.
La mesure exacte des pauses, l'ordre, l'équilibre et la symétrie
des rythmes constituent le lien de proportion.
La transition d'un rythme à un autre sera continue, naturelle,
délicate, sans heurts et sans interruption.
366. — Le i)ioiiveine7it général de la pièce aura l'allure d'une
déclamation grave, majestueuse et sévère, mais exempte de toute
emphase.
Le premier membre doit être chanté avec une gravité simple,
comme un récitatif modéré; le second demande plus de vivacité à
cause du vol rapide que la mélodie prend dès le début, et qui
contraste avec l'allure calme du précédent. Le second membre
terminé, la mélodie reprend graduellement la forme et l'allure du
premier,
367. — La chirononiie marquera la succession des rythmes,
d'après la méthode indiquée dans le chapitre précédent.
II
368. i
■■■■Sa !■ ■■ ■
B ■*
r« 1
■ ■ r-1*" ■ éi líi-.!^" \\^
■
m 1
1
Jt ^ ■ ÎV 1- !♦ ■ ■■■,■■.
Al-le- lu- ia.
I I
2
y. Ostén-
c
c
■
* ■
a
■■■è 1.
/■
■ ~
« ■
1
■
■ '«Si
■■
■•
■
■
\
■ 1
■
¡ ■
^4 01. ,
'
1 ■
> ♦' =\'^
de no- bis Do-
lí
mi- ne mi-se-ri- cor- di- am tu-
12
nri
■■■♦
♦ ni.
T-Ni
♦.■♦ ^%..
■^
16
am et sa- lu- tá- re tú-
13
Chapitre X. — Exemples pratiques.
125
^Fín;^
mrn^' IS*'
um*da no- bis.
14 15 l
-B-il
-«^
it^
♦^B ■'
♦=i^^
♦ ♦.
^♦r**
10
3Ó9. — Texte.
Il est pris du psaume 84, v. 8. et, par les sentiments qu'il
exprime, se trouve bien à sa place liturgique, à la messe du
premier dimanche de l'Avent.
370. — La disposition mélodique est à peu près la même pour
chacune des incises.
La gradation bien ménagée des mouvements qui, à chaque
incise, tendent vers un point culminant précédé d'inflections
immédiates, est remarquable.
Non moins remarquable est la concordance mélodique des
groupes I, 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8, indiqués au-dessous du texte, et dont
la relation, ainsi que nous le disons en parlant du rythme, doit
transpirer dans la pratique.
Quant à la modalité, qu'on remarque la diverse disposition des
cordes récitatives et des finales de chaque incise.
Dans la première phrase. Alléluia, les appuis se placent volontiers
sur le la, et le do, dominante du mode, devient le point culminant
de la phrase.
La seconde commence par do, faisant ainsi ressortir le rôle de
dominante, que joue cette note dans l'usage actuel ; elle termine
par si, qui devient aussitôt la dominante de l'incise suivante,
laquelle finit par la tonique sol.
A la troisième phrase, le do reprend sa fonction de note
dominante qu'il ne tarde pas à céder de nouveau au si; celui-ci
fléchit d'un demi-ton devant la cadence ç,x\fa qu'il prépare et qui
conduit au membre suivant. Dans ce dernier membre, la dominante
flotte entre do et si, et la pièce s'achève naturellement par sa
tonique propre.
371. — Il faut bien se rendre compte de la relation et du
parallélisme mélodique et rythmique établis entre les groupes
I, 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8, et que l'interprétation rythmique suivante,
126
Deuxième Partie.
basée sur les manuscrits et empruntée à la seconde Monographie
de Dom Mocquereau, met admirablement en relief.
I_
■
I i~
r- -*■.
-mt -
II
2 b
.-J^
■♦•" '
it
l_
■r n
/? •
Î.Jb
û
■ B
4 • 'r»r
'♦! ♦
S^
6 f
7 O
= >V
'♦.
/r^Frt
î^
-•^
tH^
I I5 5 —
th»
Aux groupes 9 et 10, qu'on tâche de répercuter le second do,
afin de rendre plus sensible l'équivalence avec \ç, podatus-subbipujictis
qui les suit.
Si on éprouve le besoin de respirer dans la phrase et saliitarc
tîiuin, qu'on le fasse rapidement avant la ti'istropha.
Qu'on ait soin de passer légèrement sur la première note des
membres 11, 12, 13, 14 et 15, ainsi que l'indique le c (celeriter) des
manuscrits, qui, ici, nous avertit de ne pas prolonger tant soit peu
une note qu'ailleurs on pourrait retarder sans inconvénient.
Le même avertissement vaut pour la clivis 16. Là aussi, les
manuscrits au moyen du c nous recommandent de ne pas retarder
le mouvement bien que ce soit la fin de la phrase.
Le motif qui guide le r)'thmicien est facile à deviner : le retard
de cette note deviendrait fatigant, après celui qui donne tant de
grâce aux neumes précédents ; de plus, la clivis en question n'est
qu'une simple répétition de deux notes antérieures ¿a-sol, et ne sert
qu'à arrondir la période musicale.
Tout ce qui reste à dire de l'interprétation rythmique est détaillé
dans le tableau chironomique que nous reproduisons.
372. — Dans la première phrase, Alléluia, le mouvement devra
être assez vif ; tandis qu'au verset Ostende, à cause de son caractère
de supplication, il sera en général plus modéré.
ycrfer ^\llctu4¿ví
Wi^'^
: Vílcnoe nobif...
míe
^
B
f=^
g^J rr>^^
^^r r [, ^
fHt;:
í
m
^
X- / - 1»
fx-fJJ^>
rKp. \t
^
í
í-^
cor-
\.
Atn tu-
r/.
i xj^^ u;^^
^^
K
|j2ü>Aí>^8
1=^
s
r^r ^■.- .>f^
^..'(¿■.üf"-;
Q'tg f--f-^l:
Chapitre X. — Exemples pratiques.
127
III
fi ^•
a. , t. ^ \ a. a. , t.
a.
c >
^7^- ■■ ■■■* ■ ■■■■
■ ■ J
*" ^^ ■ ■ -■ ■'■■■ ■ _ «"i
■ - ■
• i
1 ■ 1
Vi-dens Domi-nus * flén- tes so-ró-res Lá-za-ri
t. t. a. a./ t. t. t. a.
ad mo-
c
1
■ ■ ■ ■
,,?■? ■■ ■■ ■
■
■ • ^ — •-
■ ■• (
e
numén- tum, lacrimá-tus est co-ram Judaé- is, et clamá-
t. ^ x. a. t. ^ a./ t. t.
t
a./ t. t.
i
^9 •
J^^
P.É ■•
■ ■
bat : Là- za- re, vé-ni fo- ras : et pród- i- it li-gá-tis
a. , t. a. t. a. t. t. t. a. , t. t.
t
-■ — ■-
fi
■— «^
má-ni-bus et pé-di-bus, qui fu- e- rat quatri-du- à-nus mór-
t. a. t. t.t.
iflr
tu- us.
374. — Texte.
Il sert d'antienne de Communion à la messe de la sixième férié
après le quatrième Dimanche de Carême, pendant laquelle on lit
l'Evangile de la résurrection de Lazare dont il est tiré.
375. — Mélodie.
Sa composition délicate est digne d'être remarquée. L'intérêt
tonal croît et se développe graduellement jusqu'à Lazare^ veni
foras, uniques paroles du Sauveur qui soient rapportées ici, et qui
sont les mêmes qu'il prononça en accomplissant ce grand miracle.
Ce qui les précède et ce qui les suit, mais surtout ce qui les
l
128
Deuxième Partie.
précède revêt le caractère d'une narration très vivante. Qu'on
remarque les diverses cordes récitatives : première incise, fa;
deuxième, sol; troisième, la. Les deux incises suivantes ont un
caractère nettement descriptif : la première, et prodiit, semble
vouloir représenter, par son élévation mélodique, Lazare sortant du
tombeau; la seconde, par ses chutes successives graduées, semble
vouloir montrer les bandelettes, dont on l'avait enveloppé, tombant
l'une après l'autre. La dernière incise termine dignement la pièce
par des mouvements contraires d'un très bel effet.
376. — Rythme.
Il est donné en détail au-dessus du chant : divisions binaires et
ternaires, arsis et thésis, rythmes et accents.
Kfle7ites et Lazare, nous avons marqué la direction par rythmes
simples, à cause de l'accent tonique.
Pour donner à cette pièce, après l'avoir analysée, toute son
expression, il faut se rappeler en l'exécutant : l'amour de Jésus
pour son ami : Ecce quomodo aniabat etini; son immense douleur en
apprenant sa mort : infremuit spb'itu, turbavit seipsiivi. . ., lacriviatiis
est; l'opportunité et la sérénité avec lesquelles il découvrit son
cœur : Vado ut a somno excite7n euni : et gaudeo propter vos..., ut
creda7it quia tu me inisistt; enfin il faut partager la foi de Marthe
et de Marie en son pouvoir divin : Ego suin 7'esurrectio et vita : qui
crédit in me, etiani si mortuus fuerit vivet. . ., qui viderant credidei'unt
iii eum.
377. — Le mouvement général sera celui d'un récitatif; on le
modérera discrètement aux mots : Lazare, veni foras.
IV
a., 1. 1.
a. t. a. t.
1
a./ t.
a./ t.
E
i
■ ■ ■*
■ ■ ■ ■
?n^. ,
■ M ■ ■ ià ■
■ ■ ■
" 'r-j ,
■ /■ >^^
■■ ■ ■ ^ \
Exsúr- ge, * qua- re obdórmis Dómi-ne? exsúr-
P
t.
a.
1
t.
a. t.
t.
t. t.
a.a.
a./ t.
i >
■
1
a*
«
M .^ a
■4 ■
^ ■
■ ■ ■ 1
.
*
■ ■ ■ ■
1
!♦■
A ■
1
■
1
ge,
et ne re-péi-las in fi- nem : qua- re fa-ci- em
Chapitre X. — Exemples pratiques.
129
t
C\
a. t.
a./ t. t.
a. t. a. , t.
^ipra^^i?=g=j
e-=
tú- am avér-tis,
t. t. a./ t.
oblí-ví- sce- ris tri-bu- la-ti- ó- nem
a. t. a. t. t. t. a.
t
•^m-th
nó-stram? Adhaé- sit in ter- ra venter no- ster :
a./ t. a./ t. t. t. a./ t. t. a. t. 1. 1.
exsurge,
Í
t
* S\*»'
P-f
Dómi-ne, ádiu-va' nos, et li- be- ra
nos.
' 379- — Texie.
L'Eglise l'emploie à l'Introït du Dimanche de la Sexagésime
pour implorer le secours divin au milieu des tribulations dont nous
sommes accablés.
380. — Mélodie.
Le dessin mélodique, tracé de main de maître par le compositeur,
se détache de prime abord.
Corde récitative : première incise, ré; deuxième,/i2:/ troisième, la ;
de cette dernière, la mélodie redescend graduellement au même
point par où elle a commencé.
Le premier membre de la seconde phrase résume à quare, les
intervalles de toute la phrase précédente, et les répète aussitôt,
mais en sens inverse, 3.faciein; vient ensuite la récitation sur la
notQ fa, qui prépare l'ascension au do, et qui servira de tonique à
ce second membre.
Au dernier membre de cette phrase, la cantilène descend, avec
un gracieux balancement, jusqu'à la tonique ré, qui rime avec les
principales cadences précédentes :
7, •■
fi- nem
■'a a*
nó-stram
a"a a*
no- ster
No G74.
130
Deuxième Partie.
Enfin, dans la dernière phrase, qui résume quelques-uns des
dessins mélodiques des phrases antérieures, la pièce termine par
une des formules grégoriennes les plus usitées.
381. — Rythme.
Il est indiqué au dessus de la portée.
La pièce est une vraie prière par laquelle l'âme implore avec
instance le secours divin dont elle a un pressant besoin dans sa
tribulation.
382. — Ici aussi, mouvement et expression doivent concorder
parfaitement avec la confiance calme et sereine, qui doit toujours
caractériser la prière du chrétien.
V
a.
a. a./ t.a. a. t.
383.
-»»
-<«<-
H-HI
^ — a— i?
♦> ■ .'IN ^
■ 7
sic- ut
\
JÚ- stus * ut palma flo-ré- bit :
a. / a. t. a. a./ 1. a. t. a. t.t. t. a. a. / t.
t
■ ■ ■ ■ ■
r? f'Ni a
í=¿=3
-ft««
cédrus Li-ba-ni multipli-cá-
a. t. t. t.a. a. t.
bi- tur : planta- tus
a./ t. a. t. t. a.
«
■ s Tai
■ ■
■ nPa ■*
■ ana a ■ S 1 ■ ■ ■ ■ ■
■■■ ■ ■ ■
■ — m—t
! »__ 1
in domo Dómi-
t. a. t. t.
m,
in à- tri- is dómus Dé- i
-MHI-
■ ■
stri.
no-
384. — Texte.
Il est pris du psaume XCI.
Il se trouve en entier dans les manuscrits au jour de S. Etienne,
pape, et n'a qu'un simple renvoi à la messe de S. Tiburce. L'Eglise
en a formé, avec d'autres pièces, la seconde messe du Commun des
Confesseurs non Pontifes.
Chapitre X. — Exemples pratiques. 131
385. — Mélodie.
A la ressemblance de l'Introït In média, la première et la
troisième partie se bercent suavement sur une même note ; au
centre seulement la mélodie déploie librement ses ailes.
C'est ce membre central qui a fait ranger cet introït dans le
premier mode ; les autres membres sont plutôt du second.
386. — RytJime.
Comme pour les exemples antérieurs, les indications se trouvent
au-dessus de la portée.
387. — Si la paix de l'âme victorieuse de ses passions transpire
toujours et partout, dans les mélodies du chant grégorien, nulle
part elle ne se manifeste avec tant d'éclat que dans cet introït.
On s'en aperçoit dès les premières noiQS, Jus ¿tis, où le calme de
la ligne mélodique reflète admirablement l'état pacifié du juste.
Et comme la paix intérieure, une fois conquise, n'implique
jamais l'oisiveté et le repos, bientôt la douce cantilène s'anime et
sur les mots ut palma flor ebit^ essaye de traduire l'activité incessante
du juste, avec ses progrès continus dans les bonnes œuvres et dans
les vertus.
Petit à ses yeux, le juste est grand devant Dieu et devant les
hommes. C'est pourquoi l'Ecriture le compare au cèdre qui, sur les
sommets du Liban, dresse sa haute cime et étale ses rameaux
abondants : Sicut cedrus Libani multiplicabitur. L'accent musical,
c'est-à-dire le point culminant de toute la pièce, ne pouvait donc
être mieux placé ailleurs qu'à cet endroit du texte.
Enfin, la dernière phrase, en insistant sur \^fa, est comme une
description de la persévérance du juste dans le bien, et du bonheur
qui éternellement sera sa récompense in atriis domus Domini^ dans
le ciel.
388. — Si sommaires qu'elles soient, ces analyses révèlent dans
le chant grégorien une inspiration surnaturelle dont il faut
chercher la source dans la méditation que le compositeur aura
faite préalablement du texte sacré ; elles sont par conséquent
comme la représentation plastique de l'esprit qui informe les
mélodies liturgiques et dont se doiv^ent pénétrer ceux qui veulent
les comprendre et les chanter dignement.
TROISIÈME PARTIE.
CHAPITRE L
Des hymnes.
A) Leur composition. — L'ictus métrique : son rôle : son indépen-
dance : sa nature : sa place. — B) Leur exécution. — Mélodies
simples : ornées : Mouvement. — Syllabes hypermétriques.
A) Composition des hymnes.
389. — Les hymnes sont des cantiques Hturgiques écrits en vers
et divisés en strophes.
Ü ictus 7nétrique.
390. — La récitation naturelle des hymnes produit — qu'elles
appartiennent au rythme métrique ou au rythme tonique — un
mouvement harmonieux et cadencé. C'est dû au nombre déterminé
des syllabes et au retour régulier d'un appui qu'il faut désormais
appeler « ictus métrique ». ^
Rôle de V ictus ^nétrique.
391. — L'ictus métrique est au vers ce que l'ictus rythmique est
à la mélodie. Il est le temps porteur du rythme poétique, comme
l'ictus rythmique est le temps porteur du rythme mélodique. Il
n'est donc pas au vers ce que l'accent est au mot.
Indépendance de V ictus 'ynétrique.
392. — Aucun conflit réel n'existe entre l'accent tonique des
mots et l'ictus métrique des vers. Dans les vers comme dans la
mélodie, l'accent tonique se joue librement à travers les levés et les
baissés du rythme. On sait que, dans la prosodie classique, l'accent
— comme tel — ne jouait aucun rôle dans la facture du vers,
basée tout entière sur la combinaison des longues et des brèves.
La concordance entre l'accent tonique et l'ictus métrique n'est
donc pas requise; la preuve, ce sont les cas fréquents où elle
n'existe pas.
* Nous croyons être les premiers à abandonner, dans une Méthode, l'expres-
sion « accent métrique >, dont M, l'Abbé Delaporte d'abord et Dom Gajard
ensuite ont démontré la fausseté. (Cf. Revue Grégorie?i7ie^ IV* Année, p. 81-89
et VP Année, p. 212-224).
Chapitre I. — Des hymnes. 133
Quand, au lieu de correspondre, l'accent tonique précède immé-
diatement l'ictus métrique, comme dans le chant encore, il n'en a
que plus d'élan. Dans ce cas, on enlève vivement l'accent tonique,
— c'est la vraie manière de le faire — et on laisse la voix retomber
doucement sur l'ictus métrique sur lequel elle semble se poser.
Quoi de plus gracieux et — puisqu'il s'agit de poésie — quoi de
plus poétique que cette règle appliquée à l'exemple suivant!
/- /- /- /-
Rector, pot-ens, ve-rax De- us,
Y a-t-il vraiment conflit entre l'accent tonique et l'ictus ou
touchement métrique? Le premier est-il gêné, entravé par le voisi-
nage du second? Leur gracieux croisement n'est-il pas plutôt le
symbole de leur concert non moins que de leur indépendance?
Nature de rictus métrique.
393. — De cette' indépendance, il suit que l'ictus métrique,
comme l'ictus rythmique, n'a pas d'intensité par lui-même; il n'a
que celle que lui communique la syllabe avec laquelle il coïncide.
C'est donc une vraie méprise que de l'assimiler à l'accent et de lui
en donner le nom et la valeur.
Place des ictus métriques.
394. — Le rythme, ainsi que nous l'avons vu en l'étudiant,
marche à pas binaires ou ternaires. Dans les antiennes il est libre.
Dans la poésie antique, il est mesuré. Dans la poésie tonique, les
ictus rythmiques s'installent sur les syllabes qui tiennent lieu des
longues et reviennent à des places fixes. C'est tout ce en quoi
consiste leur « métricité ». Dans le premier vers du Creator aime
siderum, par exemple, nous avons quatre ictus rythmiques sur les
syllabes paires. Ils sont métriques tous les quatre, en ce sens qu'ils
sont à la place des longues antiques ; mais aucun d'eux n'est spé-
cialement « métrique » ; le second ne l'est pas moins que le premier
et le quatrième que le troisième. La métrique intervient simplement
pour^^f^r leur place à tous ; cela fait, elle disparaît.
B) Exécution des hymnes.
395. — Les hymnes se récitent ou se chantent, et leur chant est
simple ou orné.
Mélodies simples.
396. — Dans la récitation et le chant simple des hymnes, les
syllabes ont une durée à peu près égale et les ictus métriques
jouent un rôle prépondérant. Le rythme s'appuie sur eux ; ils sont
les colonnes qui soutiennent l'édifice poétique; on doit donc les
134 Troisième Partie.
mettre en relief sans exagération et conformément.au caractère de
la syllabe qu'ils affectent.
397. — Entre la récitation et le chant simple des hymnes il y a
toutefois une différence. Soutiens à la fois du rythme poétique et
du rythme musical, les ictus métriques passent, dans le chant
simple, par des nuances plus variées que dans la récitation. Ils sont
souvent le point de départ et le point d'arrivée des crescendos et
des decrescendos mélodiques. Quant aux nuances, elles dépendent
de la place des ictus métriques dans la ligne sonore. Pour nous
faire mieux comprendre, donnons maintenant, avec les indications
dynamiques, la mélodie' de l'hymne de l'Avent.
■ ■
1r
Í-.-Í-
Cre- á-tor álme sí-de-rum, Aetérna lux credénti- um,
fl ■
■__|. .■""■■■
Jé-su, Redémptor ómni- um Inténde vó-cis súppli-cum.
398. — D'abord, nous avons mis un accent sur le premier quart
de barre, pour indiquer que l'accent musical de la première phrase
va de l'accent tonique de sideru^n à celui de aetér7ia. Par leur place
dans la ligne mélodique, ces deux accents sont les deux ictus
métriques principaux de cette phrase. Il va de soi qu'après l'accent
de sideruin, la voix doit légèrement fléchir pour se poser plus
doucement sur la dernière syllabe. On évitera avec soin de respirer
après cette syllabe; ce serait briser l'unité de l'accent musical.
Les autres ictus métriques auront l'intensité que la ligne dyna-
mique leur donne au passage. On remarquera qu'au dernier vers,
c'est l'ictus métrique central qui est le plus fort, parce qu'il porte
l'accent musical.
Se bien garder, sous prétexte de faire les ictus métriques, de les
détacher isolément par un appui marqué de la voix ; les lignes
mélodique et dynamique en seraient brisées, hachées, et toute la
beauté de la mélodie disparaîtrait.
Enfin, les nuances générales elles-mêmes que nous avons indi-
quées doivent être faites avec la plus grande délicatesse et sobriété.
11 ne faut rien de matériel dans de tels chefs-d'œuvre.
Chapitre I. — Des hymnes. 135
Mélodies 07"nées.
399. — Dans les mélodies ornées, il n'y a pas lieu, généralement,
de tenir compte des ictus métriques, les compositeurs des mélodies
les ayant eux-mêmes souvent négligés. Ils ont semé les groupes
de notes sur les syllabes des vers comme sur un texte en prose;
aussi lorsque les neumes se trouvent sur les ictus métriques, il
semble parfois que ce soit autant l'effet du hasard que de leur
intention. La seule différence qu'il y a entre les hymnes ornées et
les pièces en prose, ornées également, c'est que dans les hymnes,
les phrases musicales soutenues par les vers, présentent des pro-
portions plus symétriques.
Mouvement,
400. — Un mouvement modéré convient au chant des hymnes.
Il ne sera pas cependant appliqué uniformément à toutes, mais
adapté au caractère rnélodique de chacune.
401. — Qu'on récite ou qu'on chante les hymnes, les vers de
chaque strophe se groupent deux par deux. Si leur longueur ne
l'exige, il est mieux de ne pas respirer entre les deux, soit dans la
récitation, soit dans le chant simple, comme nous l'avons suggéré
à propos du chant de l'hymne de l'Avent. On remarquera que
l'édition rythmique ne met pas de point-mora entre le premier et
le second, et entre le troisième et le quatrième vers des strophes
de cette hymne.
Syllabes hypennétriques.
402. — Parfois il se rencontre dans les hymnes plus de syllabes
que n'en comporte le mètre : « Cum Patr^ et almo Spiritu. — O
sola magnar?^?^ urbium. »
Dans la récitation, on doit les prononcer aussi distinctement
que les autres.
Dans le chant, au contraire, il est non seulement permis, mais il
vaut mieux les élider pour sauvegarder le rythme musical. (Voir
Append. n° 466, Décret de la S. C. des Rites.)
136
Troisième Partie.
A vertissements.
CHAPITRE IL
Des tons communs.
- Tons des leçons : commun : solennel : ancien
prophéties : leçon brève.
403. — Quant aux réponses concernant le « Deus in adjutorium »,
le « Benedicainus )^, les litanies et autres chants invariables dans
leur forme mélodique, on aura recours aux livres officiels de chant
grégorien. « Toute Schola cantorum ou Maîtrise ^ aura sa biblio-
thèque musicale particulière pour les exécutions ordinaires de
l'église, et possédera avant tout un nombre suffisant des livres
grégoriens de l'Edition vaticane. Pour une plus grande uniformité
dans l'exécution du chant grégorien... on pourra les adopter avec
l'adjonction des signes rythmiques de Solesmes 2. »
404. — Ton sif^ple des leçons.
m ■*
Jú-be Dómne be-ne-dí ce-re.
r
/
[■■■■■■■ air-- ...
■ KM
■ •
"
"
"
■" ,
J
Sic incí-pi- es et sic fá-ci- es flé- xam, sic autem pún-
i sá-pi- ens Dói-
\ propter vos lo-
D^
e?
¡ ■ — ■— « — wt- ■ — ■ ■ ■ — ■
— Q ■• '' »=
ctum. Tu autem Dómi-ne,
mi- ni.
tus est.
mi-se-ré-re nó-bis.
Si la phrase est longue, on répète la flexe quand le sens le
permet. — On omet la flexe quand la phrase est trop courte ou
que le sens ne s'y prête pas.
* Et à plus forte raison les Séminaires où l'étude du chant grégorien doit être
particulièrement en honneur.
' Paroles du règlement de Rome, reproduites dans les conclusions du
troisième Congrès espagnol de musique sacrée. (Barcelone 191 2).
Chapitre II. — Des tons communs.
137
On ne fait jamais d'inflexion aux deux points devant les mots :
et dixit : — S i eut script uni est, et autres expressions synonymes
annonçant une citation.
Point d'interrogation.
■ ■ ■
i-^j^
quis est qui condémnet? quis contra nos? di-li-ge-re?
405. — Le ton simple s'emploie aussi aux leçons de l'office des
défunts, aux deuxième et troisième nocturnes des derniers jours de
la Semaine sainte et aux prophéties, excepté qu'au lieu du Tu
auteni on termine de cette manière :
Í ■ ■ ■ ■
■ ■ ' ■
s ■ ■ ■ b ■• ■•
■ ■ ■ b ■ ■ ■•
•
é- um non cognó- vit. Domi-nus omni-pot-ens.
Cette cadence est à un accent, avec deux notes de préparation.
D'après l'Edition vaticano on anticipe d'une note lorsque le ré <L^
devrait correspondre à une pénultième brève.
6— ■ — »-
-Í3— ■
■fe"»' ■•
ha-bi-tá-ti- o é- jus.
Lorsque la prophétie termine en annonçant le chant qui va
suivre, par des formules telles que : dicentes et dixerunt, on omet
la conclusion et on finit recto tono surTa^ómináñte.
40Ó. — Ton solennel « ad libitum ».
i*rîitiïr»«-><.«i«i/i«JV
? ■ »• M
Jú-be Dómne be-ne-dí-ce-re.
/
/
i - - - - -
m
■ /'n^ **
■
b ■ ■ ■ ■ ■
(ü)-»^
-i-*-
■ iuj ■ -
1
Sic incí-pi- es et sic fá-ci- es flé-
xam, sic ve-ro mé-
1
trum,
c ■ ■
m
. 1
5 >
■ » .
? (a)-.^
■
■ —
ü^-
sic autem pún- ctum. Tu autem Dómi-ne, mi-se-ré-re nó-bis.
138
Troisième Partie.
Si le point est assez loin, on peut répéter alternativernent la flexe
et le metrum. — Si le point est très rapproché ou que le sens ne le
permette pas, on omet la flexe mais on fait toujours le metrum. ^
Le point d'inlerrogation se fait comme dans le ton simple.
De même la formule finale, quand on ne termine pas par
Tu auteni.
407. — Ton ancien.
■% — ■-
Ju-be Dómne be-ne-dí-ce- re.
/
1
/
1
■ {ri\ ■*
1
■
{r\\ ■*
■ ■
■ (,0) ■
1
\U) ■
Sic înci-pi- es et sic fa-ci- es flé- xam, sic ve-ro mé- trum,
-« — ■-
-■ — ■-
■ ■
-(Q)-»^
e^
sic autem pun- ctum. Tu autem Dómi-ne, mi-se-ré-re no-bis.
■ ■
t
■ ■
■ ■ ■
■ ■•
.. quis est qui condémnet? quis contra nos?
La flexe et le metrum peuvent se répéter comme il a été dit pour
le ton précédent. — Egalement on laisse la flexe et on ne garde
que le metrum, quand la place manque ou que le sens s'y refuse.
Formule finale à défaut du Tti aiiteîn.
Hl %-
■ ■
■ • ■•
■ ■•
■ • ■<
Dé- o vi-vén-ti. non fit remissi- o. ha-bi-tá- ti- o é- ius.
408. — Ton de la leçon brève.
Le Jubé Doinne comme dans le ton simple.
5— ■ — ■ — ■ ■ ■ — 1
1 ■ ■ ■ ■ ■ ■ >-(Q) ■' 1 1
• ÎQ)-^ Ï-HI ^ h-
Sic inci-pi- es et sic fa-ci- es flé- xam, sic vé-ro mé- trum,
Chapitre III.
Récitatifs liturgiques.
139
■ ■
■ ■ ■
■ ■ ■ — m-
•(Q)-lê-
sic autem pun- ctum. Tu autem Domine, mi-se-ré-re no- bis.
Dans les phrases trop courtes on omet la flexe.
La flexe et le metrum ne se répètent jamais.
La formule interrogative est celle du ton simple.
CHAPITRE IIL
Récitatifs liturgiques.
Versets. — Bénédictions. — Capitule. — Épître.
Evangile. — Oraisons.
409. — A) Chant des versets.
Dans le ton appelé cuín neuma par l'Edition vaticane, la dernière
syllabe correspond toujours diujubilus final.
Le ton simple est une cadence à un accent.
-m — ■ — ■ — ■ — ■-
-(Q)— H^
410. —
B) Ton des absolutions et des bénédictions. — Absolutions,
P a a ■ * ... . /«*\ .*
6 ■ ■ ■
lr\\ ■* * ■
lr%\ .*
1
-\u) m m
(O) m
j. *
Í ■•
6 ■• ■
Amen.
411. — Bénédictions.
/
'■■■■ ■^n'ta* .... 1
a*
^■'■■■^ ■^□;'H
....
■• ■
1
-(o)-»^
Amen.
140
Troisième Partie.
412, — C) Chant du Capitule.
■ ■ ■ ■
-{Q)-»^-
■ ■
-(o:-»^
■ ■ ■ ■
ri$)^
t
■ ■
Í
Dé- o grá-ti- as.
On omet la flexe si le texte est trop court.
Le point d'interrogation se fait comme pour les leçons. S'il se
présente à la fin, on conserve la cadence àw point ordiiiaire.
413. — D) Ton de PÉpître,
On peut réciter l'épître recto tono^ sauf le point d'interrogation
qui se fait toujours de la manière accoutumée.
Voici l'unique chant de l'épître :
\
■ ■ ■ — ■ ■ 1 ■ — ■— ■-
-«-«^
1
■ ■
Lécti- o Epístolae Be- á-ti Páuli Aposto- li ad Roma- nos.
Metrum / / Punctum
C ■ ■ ■ ■ , -*-(5)-i-ir<°'-*^
♦-*-t
:(í)x:í(9):
Le point d'interrogation, comme à l'ordinaire.
Conclusion /
{■■■■» (Q)-v — , .... 8 i°)-«^
414. — E) Tons de V Évangile.
I
-■ — ■ — I
\
■m — ■— ■ — ■ — ■ — o-
B ^ ■ a — ■ — ■ — ■— •-
y. Dómi-nus vo-bíscum. IÇ. Et cum spi- ri- tu tú- o. Sequen-
Chapitre III. — Récitatifs liturgiques.
141
i
ti- a sáncti Evangé- li- i se-cúndum Lú-cam. Gló-ri- a tí-
-■ — ■ — m-
bi Dó-mí-ne.
Point
! ■ ■ ■ ■ ■ ■ th
■
é- stis sal térrae.
ab ho-mí- ni- bus.
Comme on le voit, cette formule n'est pas une cadence d'accent,
mais bien une cadence invariable qui commence toujours à la
quatrième syllabe avant la fin.
Le point d'interrogation est l'ordinaire.
r maie / /
L ■ ■ ■ ■ ■ ^u; ■ ■ ^DJ ■
C'est une cadence à deux accents.
IL
y. Domî-nus vo-biscum. I^. Et cum spi- ri- tu tú- o.
1
Sequén-
m • 1
■ ■ ■
= — ■ — ■ ■ "■■■* ■■■ ■
■ ■ • ■ e ■
■ * ■
ti- a sáncti Evangé- li- i se-cúndum Lu- cam. Gló-ri- a
l-m ■ — ■ — «^
= ■
ti-bi Dó-mi-ne.
Metrum. /
Point. /
' ■ ■ ■ »-íñ\T-i -(o)-«^— h ■ ■ ■ ff :
1 a l?;-t-J li-(D)-Hi^
Le poini d'interrogation et le point final se font comme dans
l'épître.
142
Troisième Partie.
fl
III.
«
■ ■ ■—- »r
m
■ ■ tt*
■ ■ ■ ■ ■■ ■•
■
■ ■ ■ ■ ■
■ ■ "— 1
1
1
y. Dómi-nus vo-bis-curn. I^. Et cum spi-ri-tu tú- o. Sequen-
■ ■ ■ I
-■ — tt-
-m — m-
-m — ■-
■ ■
■• ■•
ti- a sáncti Evangé-li- i
se-cúndum Lu- cam. Gló-ri- a
■ ■
■ ■ ■•
ti-bi Dómi-ne.
Metrum. /
Point.
■'■■,■ r5)-i-nr'°' ■' I ■ ■ ■ ■ (p)
Interrocration.
■ ■ ■ ■ ■
■ ■ ■ ■ ■
Finale. /
i-j-(a)->-
■ ■
-l-a-ii^
415. — F) Tons des oraisofis. — Ton festival.
fl ■■■■■■•
■ ■ ■■■■■*
' ■ ■ ■*
1
« ■
1
1
1
y. Dómi-nus vo-biscum. R7. Et cum spi-ri-tu tú- 0. Orémus.
1 M a a a (n\ a*
1
' ■ ■ ■ (r\\ ■ ■ ■ ■ ■
J
1 — ■ — ■ — ■ — 1 — ■' \u) m
I
1 V
Í.... .. ■■ ■■ *■■■ 1
1 ■ ■ ■-■ ■■ ■■ ■■ »■■ "l. •
Per Dómi-num nóstrum Jé-sum Chrístum Fí- li- um tú- um, f
Chapitre III. — Récitatifs liturgiques.
143
qui té-cum vi-vit et régnât in u-ni-tá-te Spí-ri-tus Sáncti
t
I
Dé- us, * per ómni- a saécu-la saeculó-runa. Amen.
Ce ton s'emploie à la Messe, Matines, Laudes et Vêpres des
fêtes doubles, semi-doublos et des dimanches, ainsi qu'à Tierce
avant la Messe pontificale.
Ton ferial.
C'est le recto tono sans aucune inflexion. Il est toujours employé
à toutes les petites Heures; à la Messe, Matines, Laudes et Vêpres
des fêtes simples, des fériés et à la Messe des défunts. Il sert
également à l'Oflice des défunts pour les oraisons qui terminent
par la grande conclusion.
Ton ser7ii-f estival.
C'est aussi le recto tono, mais avec une inflexion (tierce mineure)
pour finir.
i — ■— ■ — ■ ■ ■— ■ ■ ■ ■ ■
5— (Q)-»^ ^
... re-surgá- mus. Per Chrístum Dómi-num nóstrum.
On l'emploie aux oraisons des antiennes finales de la Vierge, à
l'oraison Dirigere de Prime, aux oraisons des défunts qui terminent
par la petite conclusion, aux litanies, à l'aspersion et aux
bénédictions.
Tons ad libitum.
Solennel.
[
■ n ■ ■
■ ■ ■ ■*
■ ■ ■*
■ ■ ■ ■ S ■•
■ ■ ■ ■ ■ ■ ■
■ s ■
1
y. Dómi-nus vo-bis-cum. ^. Et cum spi-ri-tu tu- o. Orémus.
B a a a s
■ ■■■■■qB.
■ ■ ■'■■ ■ ■ — (UJ — ■
1
144
Troisième Partie.
e
Per Dómi-num nóstrum Jé-sum Chrístum Fí- li- um tú- um,
' .=i
qui té-(
:um ví-vit et régnât in u-ni-tá-te Spí-ri-tus
Sáncti
■ ■ ■•
•
■ ■ ■■■■■■■^■.
■• ■
Dé- US, per ómni- a saécu-la saecu-ló- rum. Amen.
On peut l'employer toujours à la Messe (excepté à l'oraison
Super populum), à Matines, Laudes et Vêpres, sans distinction de
rite, à Tierce pontificale, aux Oraisons avant les Prophéties, aux
Oraisons solennelles de la Messe du Vendredi saint et chaque fois
o^ Or émus est suivi de Flectamus genua.
Si l'oraison est très longue, on peut répéter alternativement la
flexe et le point, pourvu qu'on n'omette jamais la flexe à la
dernière clausule.
Ton simple.
fl ■ ■ r - - 1
b ■ ■ «■
a*
■ ■ ■■■■ ■■ 1
y. Dómi-nus vo-bíscum. ^. Et cum spi-ri-tu tu- o. Orémus.
/ / /
1
• {ri\. ■*
■ ■ ■ - ■ vD; ■
1
^"j ■
(a)-*^
t
Conclusion.
/
1
^•••- '.... ./^N.*
<■ a s
6 " ■ ■
- " " " " ■ ■ " ^"' "
a*
1
\yx) m m
•-
Ë ■•
Í ■• ■
Amen.
I
Chapitre IV. — De l'excellence du chant grégorien. 145
. On peut le chanter aux oraisons des petites Heures, des antiennes
finales de la Vierge, des litanies, de l'aspersion, des bénédictions,
de l'Office des défunts, excepté à la Messe, à moins que ce ne soit
l'oraison Super populum.
A l'oraison Deus qui salutis de \ Aima Redemptoris mater, on
termine par la tierce mineure, et non par la quinte qui, dans les
autres oraisons, précède la conclusion.
Dans les longues oraisons, on peut alterner la flexe et le metrum.
Si l'oraison se divise en plusieurs points, on peut faire à chacun
d'eux la clausule qui lui correspond.
CHAPITRE lY.
De l'excellence du chant grégorien.
Elle repose sur son caractère liturgique ; son rythme; sa simplicité. —
Nécessité de bien V exécuter.
416. — La musique n'a de raison d'être dans l'Eglise que parce
qu'elle sert à donner plus d'expression à la parole et à faire
pénétrer plus profondément dans les âmes les sentiments que
l'Eglise elle-même s'applique à y répandre. C'est à elle à révéler, en
la manière qui lui est propre, par les accents suaves de ses
mélodies, les secrets divins et les torrents de grâce contenus dans
les mystères de la sainte liturgie; à elle de prêter à l'âme, épouse
de Jésus-Christ, une voix, la voix de l'allégresse et d'un saint
enthousiasme, pour chanter avec grâce et reconnaissance les
grandeurs et les magnificences du Seigneur; la voix de la pénitence
et du repentir pour implorer la miséricorde divine et apaiser la
justice du Tout-Puissant.
417. — La musique de l'Eglise doit donc être une prière
d'abord, puis un moyen d'augmenter en l'âme l'esprit de ferveur.
Elle doit être selon l'expression de Dom Pothier « un chant qui,
partant du fond du cœur, aille aussi droit au cœur, s'en empare et
l'élève doucement vers le ciel ». ^
Tel est le chant grégorien dont nous allons essayer de montrer
le double caractère liturgique et esthétique.
i^ Le chant grégorien est é7ninemment liturgique.
418. — « Le chant grégorien est le chant propre de l'Eglise
Romaine; le seul chant qu'elle ait hérité des anciens Pères et que,
.* Mélodies Grégoriennes^ p. 2.
146 Troisième Partie.
durant le cours des siècles, elle ait gardé avec un soin jaloux dans
ses livres liturgiques; le seul chant enfin qu'à l'exclusion de tout
autre, elle prescrive dans certaines parties de sa liturgie ».
Ces paroles sont tirées du M otu prop rio pontifical A\x 22 Novembre
1903. Elles retracent, en quelques coups de burin, l'histoire du
chant et les rapports intimes que celui-ci a avec la liturgie.
419. — L'histoire du chant grégorien remonte, en effet, comme
nous le dirons plus loin, à l'origine même de l'Eglise et de sa
liturgie. L'Eglise, en organisant la prière publique, a dû organiser
aussi le chant. Le chant en est inséparable.
Sa forme définitive lui a été donnée par S. Grégoire-le-Grand.
Il a pu s'enrichir de quelques pièces accessoires, rendues
nécessaires par le développement du culte des saints dans la
liturgie catholique ; mais il n'a subi aucune altération dans ses parties
essentielles et liturgiques. Ce qu'il était du temps de S. Grégoire, il
l'est encore aujourd'hui et la tradition vivante s'en conserve
toujours dans les Cathédrales et les monastères des grands Ordres
religieux.
C'est donc avec beaucoup de justesse que Pie X a pu dire qu'il
était le chant de l'Eglise Romaine. Il est le chant de l'Eglise
Romaine parce qu'il est le chant qui lui vient de l'antiquité et qui
est inséparable de sa liturgie.
420. - — Mais si le chant grégorien est liturgique par nature, il
l'est également par sa fonction propre qui est d'être le chant de la
collectivité.
La liturgie, en effet, est la prière officielle de l'Eglise, la prière
commune et publique du peuple chrétien. Or, cette prière ne peut
être commune et publique qu'à la condition que le peuple y
participe. Uoffice des prêtres n'est que cette prière récitée au nom
de tous; et si, dans les derniers siècles que l'on peut bien appeler
des siècles de décadence, le peuple qui a perdu avec la vivacité de
la foi le sens même de la liturgie, ne s'unit plus à cette grande prière
de l'Eglise quand elle est solennelle, ce n'est pas une raison pour
qu'elle ait perdu son caractère de collectivité.
A Dieu ne plaise!., la prière publique solennelle suppose toujours
le peuple entier qui l'adresse à Dieu en même temps que les
ministres de l'autel; et plus il est uni au prêtre dans l'action de la
prière collective, plus sa prière est agréable à Dieu et souverai-
nement efficace. Pourquoi? parce qu'elle est la prière même de
l'Eglise.
421. — Or, ce qui est vrai de la prière l'est aussi du chant,
partie intégrante de la sainte liturgie.
S'il a été composé pour donner des ailes aux formules mêmes de
la prière et en rehausser l'éclat, il a été aussi composé pour tous;
Chapitre IV. — De Pexcellence du chant grégorien. 147
et, s'il a été composé pour tous, il est dans la logique des choses
que tous y participent. Or, comment les fidèles y participeront-ils
sinon en unissant leurs voix à celles des ministres sacrés, quand ils
chantent la prière publique, et, dans l'acte du sacrifice de nos
autels qui est le centre et le couronnement de toute la liturgie, en
s'unissant au prêtre qui célèbre et en lui répondant dans ces
formules antiques, qui n'ont plus de sens si la collectivité y
demeure étrangère?...
422. — Voyez plutôt si le chant de l'Eglise qui est, comme la
prière, le chant de la collectivivé, n'a pas été composé pour être
exécuté par tous.
Sans aucun artifice des voix élevées et basses pour faire de
l'harmonie ou du contrepoint, comme dans la musique polypho-
nique, le chant grégorien est à \ Unisson. Pourquoi à l'unisson?
sinon pour qu'il soit chanté indistinctement par tous, puisqu'il est
la prière et le chant de tous. :;. ,.
423. — Mais il y a plus. Le chant, par son caractère propre, est
une prière. Uni à la prière même de l'Eglise et traduisant les
formes si variées de cette prière avec une expression, un je ne sais
quoi de fini et de saisissant qui n'est pas de la terre mais du ciel,
il élève aussitôt l'âme au-dessus d'elle-même; il la touche, l'émeut
et, s'il ne la fait pas pleurer comme S. Augustin, du moins il la
fait prier. L'union des cœurs et des voix a produit ce surnaturel
résultat.
Le chant grégorien est donc, par nature et par fonction, un
chant éminemment liturgique; il est bien, selon l'expression de
Dom Pothier « le pain de l'âme chrétienne, l'aliment substantiel; de
la prière liturgique ». ;.■;;;:.•
Que dire maintenant de son caractère esthétique?.
2° Excellence du chant grégorien, considéré au point de vue esthétique.
ùfZùf. — Simple et d'une facture exempte de toute recherche, le
chant grégorien possède un tel fonds de richesses mélodiques qu'il
a été loué et admiré par les maîtres les plus célèbres et les plus
accrédités de l'art musical.
Cela tient à ses qualités esthétiques. Qu'on nous permette d'en
faire ressortir quelques-unes.
425. — a) La première qui se présente à nous est le caractère
même des mélodies grégoriennes. : -;
Composées, en effet, à une époque où la pensée humaine, toute
imprégnée de surnaturel, s'élevait beaucoup plus haut que la nôtre
et où le cœur de l'homme, moins dominé que de nos jours par les
passions et les agitations de la société moderne, vivait dans une
148 Troisième Partie.
possession plus parfaite de lui-même et respirait une atmosphère de
grandeur paisible et sereine, les mélodies grégoriennes reflètent
tous ces caractères et d'une manière d'autant plus sensible que le
siècle où nous sommes est tout différent du leur.
Ainsi les ont comprises les maîtres de l'art : tous sont unanimes
à reconnaître la valeur et le mérite intrinsèque de ces mélodies,
leur inspiration et la grâce tranquille avec laquelle les notes sont
groupées ou séparées les unes des autres, produisant souvent des
résultats d'un effet sublime.
Le célèbre Gounod, s'adressant à ce propos à ceux qui couvraient
ses œuvres d'applaudissements, leur disait : « Vous applaudissez
certains passages de mes œuvres, parce qu'ils ne ressemblent en
rien à ce qui existe en musique; savez-vous que vous applau-
dissez simplement des inspirations puisées dans les mélodies
grégoriennes. >
Qui ne connaît aussi les paroles tant citées de Mozart? <i Je
céderais volontiers toute ma gloire musicale pour \orgueil d'avoir
composé une préface grégorienne. »
Et ces autres du célèbre compositeur Richard Wagner : « Je
n'oublierai jamais les impressions que j'éprouvai un jour à Notre-
Dame de Paris, en entendant quelques-unes de ces mélodies grégo-
riennes, simples, sans doute, mais si belles! Elles m'ont servi de
thème dans plusieurs de mes compositions, ne trouvant rien de
meilleur pour activer en moi le feu de l'inspiration ».
426. — b) Le ryth'>ne de ces mélodies est une autre source de
leur beauté. Le rythme grégorien, qui est l'âme du chant, est un
rythme libre, naturel, spontané, plein de richesse et de charme,
capable de traduire les sentiments les plus variés; un rythme qui
s'harmonise avec celui de la parole elle-même et qui a donné lieu à
ces ondulations gracieuses et sévères à la fois, reflet de la magni-
ficence et de la puissance de la grâce du Saint Esprit qui habite
dans nos cœurs; un rythme oratoire et musical tout ensemble
dont les motifs les plus expressifs tirés de nos grands Maîtres ne
sont que de simples imitations.
<X Je n'avais pas l'intelligence de ce chant, a écrit Dom Janssens;
mais depuis qu'il m'a été donné de l'étudier, j'ai découvert en lui
les plus heureuses combinaisons rythmiques que j'admire dans
Haydn, Beethoven et Wagner. »
Le rythme du chant grégorien, en s'affranchissant des entraves
de la mesure isochrone et de tout le conventionalisme de la
musique moderne, s'élève jusqu'aux régions surnaturelles de la foi
par l'effet même des élans de la ferveur chrétienne où il trouve sa
perfection. Il n'impressionne pas, il n'agit pas comme la musique
moderne sur la sensibilité ou le système nerveux, mais il va droit
Chapitre IV. — De l'excellence du chant grégorien. 149
au cœur et y laisse, sous forme de souvenir, des impressions
durables d'amour pour la vertu, de mépris pour les choses de ce
monde et de désir des biens éternels.
« Le rythme libre, dit aussi Dom Kienle^ est en lui-même une
forme parfaite, susceptible de la plus grande beauté et appropriée
mieux que toute autre aux choses saintes... Pour peu que l'on
considère quelle gracieuse hardiesse, quelle élégance incomparable
la mélodie grégorienne déploie dans ses mouvements, comme ses
formes coulent avec rondeur, souplesse et sans la moindre apreté;
pour peu que l'on savoure les délices musicales et la pleine satis-
faction qu'elles ne manquent jamais d'offrir à l'âme, on se con-
vaincra sans peine que le chant grégorien, quand on l'envisage au
point de vue esthétique, possède des mélodies admirables et
achevées. »
427. — La structure de ces mélodies est fine, régulière et déli-
cate : elle n'a pas été surpassée par les compositions de l'art
moderne. Son style est un style à part; et les pensées qui s'y
déroulent y sont développées avec un art tel, qu'il surprend les
plus habiles. « Les modulations se succèdent avec souplesse et
variété; la mélodie passe d'une formule à l'autre, et promène en
quelque sorte le chantre dans un parterre émaillé des fleurs les
plus choisies. Les phrases sont arrondies et reliées entre elles,
grâce à l'heureuse proportion des parties, au développement mélo-
dique, à la gradation, au mouvement distribué avec égalité ou
dirigé vers un point culminant; et tantôt par une combinaison
d'équilibre et de contrepoids, tantôt par un contraste habilement
ménagé, la mélodie arrive toujours à une conclusion pleinement
satisfaisante. » 2
428. — c) Le chant grégorien est de plus un chant à Vumsson,
et ce caractère uni à celui du rythme dont nous venons de parler,
en fait comme le chant de la prière liturgico-sociale. Il lui donne
un air de majesté que n'atteindront jamais des voix diversement
ordonnées. Instinctivement on l'aime; et parce qu'il est fait préci-
sément pour les masses, il devient, quand il est exécuté par elles,
comme l'expression de l'unité des pensées et de la simplicité
de l'art.
429. — d) La simplicité! Encore une autre source de beauté
dans le chant grégorien.
Par suite de son union intime avec les paroles de la sainte
liturgie, il en extériorise les sentiments, « il féconde la terre »,
selon la belle expression de S. Bernard; m.ais toujours d'une
' Théorie et pratique du chant grégorien^ p. 28.
• D. KiENLE, op. cit., p. 29.
150 Troisième Partie.
manière sobre et sans dépasser les limites de la sérénité avec
laquelle l'Eglise fait toutes choses.
Dans tous ses mouvements, on voit, on respire, on goûte déjà
par avance ce calme, cette paix céleste promise par notre divin
Sauveur. « Les âm.es y trouveront la joie; les esprits fatigués le
soulagement; les tièdes un commencement de ferveur; les pécheurs,
des mouvements de repentir, les mondains eux-mêmes, en enten-
dant une belle psalmodie, ne peuvent s'empêcher de ressentir au
dedans d'eux-mêmes un commencement d'amour pour les choses
de Dieu. On en a vu plusieurs verser des larmes de repentir et de
conversion, au seul chant des psaumes, écouté par une simple
satisfaction naturelle. » (S. Bernard).
3° De la nécessité de bien V exécuter.
430. — Tels sont les caractères liturgique et esthétique du chant
grégorien. Pour être bien compris, ils exigent avant tout une bonne
exécution du chant lui-même. Or, une bonne exécution ne peut
s'obtenir que par des répétitions prépaj'atoires et une étude soutenue
des mélodies : « Ecclesiasticis canticis haec disciplina vel inoxime
necessaria. » ^
En effet Dieu n'a-t-il pas le droit d'exiger la perfection de nos
cœurs? N'a-t-il pas le droit d'être honoré dans sa maison par un
chant convenable et bien préparé? Pour plaire au Seigneur
sommes-nous dispensés d'apporter à l'exécution de nos chants, la
préparation que donnent aux leurs les artistes du théâtre
uniquement pour plaire au public? Nous devons honorer Dieu
aussi bien par le culte extérieur que par le culte intérieur. Celui-là
est donc gravement, très gravement coupable qui, par sa négli-
gence et son peu de zèle, scandalise le peuple fidèle par les choses
qui ne devraient lui servir que de moyen pour le porter à Dieu.
Ayons le courage de le dire à notre confusion; de nos jours, le
chant, tel qu'il est exécuté dans nos églises, n'est pas toujours pour
le peuple un sujet d'édification ; et c'est pour cela qu'un des pre-
miers actes de Pie X fut de ramener à sa pureté primitive le chant
liturgique, et de lui fixer des règles en rapport avec sa fin qui est
la gloire de Dieu et la sanctification des âmes. — Grande et trans-
cendante est l'importance de cette réforme! Grands aussi doivent
être nos efforts pour la mener à bonne fin et conquérir le bien
spirituel que s'est proposé l'immortel Pontife. C'est S. Bernard qui
a écrit ses paroles aussi sévères que justes : « Qui mutant cantuniy
mutant mores. »
* Gerbert, Script, t. I, p. 173.
Chapitre V. — De l'accompagnement. 151
CHAPITRE V.
De l'accompagnement.'
De r harmonie diatonique.
Des 7'apports de r harmonie avec V accent latin»
L'accompagnement proprement dit.
I.
DE l'harmonie diatonique.
431. — Les mélodies grégoriennes sont composées de telle sorte
qu'elles évoluent sur l'échelle des modes auxquelles elles appar-
tiennent, sans presque jamais en sortir. Mais elles font cela avec
beaucoup d'aisance; car, sans s'astreindre rigoureusement aux lois
de la tonalité avec laquelle elles se trouvent, elles s'en affran-
chissent assez souvent. Ce qui n'empêche pas que chaque mode,
chaque tonalité a son caractère spécial, sa physionomie parti-
culière; caractère et physionomie qui proviennent soit de la nature
des sons répartis sur l'échelle diatonique, soit de l'ambiance, soit
de la répétition de certaines formules spéciales.
L'harmonie, pour ne pas défigurer ou, du moins, pour défigurer
le moins possible le caractère propre de chaque mode, doit être
entièrement diatonique et n'admettre d'autre altération dans le jeu
des notes modales que le si bémol et le bécarre.
Nous ne croyons pas opportun de faire a priori des exclusions
dans le choix des accords pour l'harmonisation des mélodies gré-
goriennes : l'harmonie consonnante est toujours digne de recom-
mandation, tandis que la dissonnante ne doit être employée qu'avec
une grande discrétion.
Ainsi les accords de quatre sons ou accords de septième avec
leurs renversements respectifs ne nous paraissent pas convenir à
l'accompagnement du chant grégorien. Leur caractère dissonant,
qui agit aussitôt sur les sens, contraste avec la sérénité de la
mélodie.
Pour la même raison, l'accord de quarte et sixte, quoiqu'il ne soit
pas toujours dissonant, ne nous paraît pas non plus un accord à
conseiller.
Cependant, s'il se trouvait dans les conditions d'un véritable
retard de l'accord parfait, ainsi que cela se présente souvent dans
' Nous devons ce chapitre, écrit pour notre première édition française, à
robligreance de M. Giulio Bas.
152
Troisième Partie.
les œuvres des Maîtres polyphonistes, on peut l'employer, mais
dans quelques cas seulement, et avec beaucoup de discrétion.
Exemples :
A
^m
-G>—-
àiUà
^B
B
9^
y^
f
A
i L'accord dissonant qui, parmi les dissonants, est le moins
impropre à s'harmoniser avec le calme du chant grégorien, est
l'accord de quinte diminuée^ à Vétat de premier renversement :
m
-t5>-
g-
Dans quelques cas, cet accord peut représenter le maximum de
dissonance admissible dans l'accompagnement du chant grégorien.
En voici des exemples. En les donnant, nous n'entendons
nullement cependant conseiller d'en faire un usage fréquent.
Les retards auxquels nous faisions allusion il n'y a qu'un instant,
sont eux aussi de vraies dissonances, ou plutôt sont, à proprement
parler, les seules vraies dissonances.
Un usage des retards, discret et réglé par le sens musical du
style propre de la mélodie, nous paraît pouvoir être recommandé.
* Palestrina. — Hymne Vexilla régis (Grande édition VIII, 39, linéa I).
» D' Mathias. — Harmonisation du Kyriale vaticanum (Ed. Pustet, p. 104).
Chapitre V. — De raccompagnement.
153
Exemples :
Al-le-lú-ia.
caé-li et tér-rae.
^iggg^
ifI
Avec ces éléments simples et limités, il est vrai, mais qui
constituent le fondement de toute harmonie, on a des ressources
suffisantes pour exprimer le sens musical renfermé dans les
mélodies grégoriennes.
Quant à l'emploi des formules harmoniques propres à chaque
mode, nous ne croyons pas devoir les conseiller. Ces sortes de
formules préétablies sont presque uniquement fondées sur le
caprice ou sur des lois fixes, rigides, que les anciens compositeurs
désavouaient à chaque pas, et qui ne furent appliquées que quand
le chant grégorien était en pleine décadence.
C'est \ allure tofiale ou nettement modale de la mélodie qui est la
règle de toute bonne harmonisation : il faut que celle-ci soit toujours
proportionnée à celle-là, de telle sorte que si l'allure tonale d'une
pièce de chant est incertaine, l'harmonie doit être incertaine comme
elle; si, au contraire, elle est nettement modale, on doit, dans
l'accompagnement, bien développer cette modalité.
Il ne faudrait pas cependant, sous prétexte d'application de cette
loi générale, imposer aux cantilènes liturgiques des combinaisons
harmoniques plus ou moins intéressantes. On doit, au contraire,
s'étudier à exprimer par les accords, le substratmn harmonique que
toute oreille musicale imagine et perçoit, dès qu'elle entend le
chant de la mélodie sans accompagnement.
II.
DES RAPPORTS DE L'HARMONIE AVEC LE RYTHME
ET l'accent latin.
432. — 1° Les accords, par leur succession et leur enchaînement,
déterminent, pour ainsi dire, les pas de l'harmonie, et de même
qu'à chaque touchement du rythme le mouvement retrouve une
nouvelle impulsion, une nouvelle force, de même, dans l'harmonie,
chaque accord détermine une nouvelle production d'énergie, et ainsi,
d'accord en accord, on arrive à la cadence, au mouvement conclusif,
154 Troisième Partie.
qui, par son caractère de repos, c'est-à-dire d'absence de nouvelle
énergie, amène la fin du mouvement harmonique.
Les choses étant ainsi, la constante préoccupation de celui qui
accompagne une pièce de chant quelle qu'elle soit, doit être de faire
marcher parallèlement le chant et l'accompagnement, c'est-à-dire
de faire coïncider les pas de l'harmonie avec ceux de la mélodie.
Or, les pas sont déterminés, dans le chant, par les thésis
rythmiques, et, dans l'harmonie, par les accords. La place des
accords est donc fixée par les thésis rythmiques du chant. C'est là
la loi générale sur laquelle il ne peut pas y avoir de divergences
d'opinions parce qu'elle est fondée sur la juste compréhension des
choses.
Mais, parce que cette loi a tous les caractères d'un principe
incontestable, il ne s'ensuit pas qu'on doive l'appliquer avec
une rigueur extrême. Dans l'espèce, ce serait tout à fait déraison-
nable.
Les appuis rythmiques indiquent les endroits où peuvent se
placer les accords, cela est très vrai, mais ne veut pas dire nullement
qu'on doive en mettre à chaque pas du rythme. Il y a des phrases
qui permettent de comprendre dans un même accord plusieurs
appuis rythmiques : c'est, pour le chant un avantage précieux ; il y
gagne en liberté et en souplesse.
433. — 2° Ce premier problème de la marche parallèle du chant
et de l'accompagnement résolu, il en reste un autre non moins
grave et peut-être le plus grave de tous à résoudre, à savoir : les
rapports de l'harmonie avec Xacce?ît latin.
On a vu, dans le chapitre du rythme, comment l'accent tonique,
tout en étant un des facteurs les plus importants et les plus
sensibles du rythme, demeure indépendant de l'appui rythmique
avec lequel il peut coïncider, mais avec lequel il ne coïncide pas
nécessairement.
D'autre part, l'ossature schématique de l'harmonisation se dessine
sur les principaux appuis rythmiques de la mélodie et non sur les
accents toniques : l'harmonie, elle aussi, en est indépendante.
Voilà le fait.
Il ne faut pas qu'on s'en étonne. L'accent tonique est une force
dynamique, et l'orgue, instrument reproducteur de l'harmonisation,
est, par sa nature, absolument incapable de reproduire la dynamie
de l'accent.
Mais, parce que la fonction de l'accent tonique, dans ses rapports
avec le rythme musical, est depuis des siècles, en pleine évolution,
et que, de plus, la plupart des chantres éprouvent comme un besoin
de sentir un effet harmonique, si petit qu'il soit, au passage de
l'accent tonique, nous croyons pouvoir conseiller de régler, autant
Chapitre V. — De l'accompagnement.
155
que faire se peut, l'accompagnement de telle sorte que, par le
moyen de quelque déplacement des parties harmonisantes ou de
quelque anticipation bien amenée, on donne, au moins dans les cas
les plus saillants, satisfaction aux chantres, puisque c'est pour eux
que sont faits les accompagnements.
Qu'on se garde cependant de s'écarter des règles de la bonne
harmonisation pour le placement des accords sur les appuis rythmi-
ques, c'est-à-dire, qu'on évite de déformer l'interprétation rythmique
des mélodies : cette interprétation doit toujours rester correcte.
Voici toute une série d'exemples en conformité avec notre
manière de voir :
I
Et ré-ge é- os.
Gló-ri- a.
Í=ÍL
^
^
-#— -
U=^=é:
1^
¿=it
E£a3
zészÉ
4
ou
■^
-<s>-
kLA
Re-gi-na caé-li.
Lauda Sí- on Salva-tó-rem.
•^ ^ t5>- ■#.
A- ve vérum corpus nátum de Ma-ri- aVir-gi-ne.
I
Cújus lá-tus perfo-rá- tum Flúxit áqua et sanguine.
4^ '
3E£
há=^i^
--fr-|^ — [^jq^
ÎZÉ
^^
tzzÉi
»V^
^ J 9 * ^ 0 ¿\ — #-g-
ivi-r:
-• — #-
iËÊ
f
-À
iit
J
156
Troisième Partie.
ou CÚ- jus látus perfo-rá- tum Flúxit áqua et sanguine.
Îs=Îî:
■»-*■ !•■
tî=Ç?^^=3=^
^
f^
*—*
^
-¿5^
^¿^¿z^fc
I /^ I fc. I
i^^^m
r
J2t
r
Ex Comm. Apost.
Trádent e-nim vos * in conci- li- is, et in syna-gogis su-
§^
b¿ ijz¿
:Riï
T
is flagellábunt vos.
te=^£^
^
i;
^^.:^
-# ô^
î?^
Vos
ami- ci mé- i é- stis * si fe-cé- r¡- tîs
quae prae-
iit
K-
-J — t'^— h — ^^^ — ^— — rv—N— ii< -^ — p^
—1 k K—
/Pm —
V-
-* — ^ P — ^ M LJ — ^ P P — F^ ft^
K -p-
\S\J
# *j^'2 #*#J J##'
V '
f
r^ -If r f*
r
rs»- .
pw. Il 1 ^ , , ■
9-- —
é-^ j 4J^^^
■ i" J
ci-pi- o vó-bis, di- cit Dómi- nus.
âf
a::^r
î:^
Chapitre V. — De l'accompagnement.
157
Estó-te fortes inbél-lo...
^i—¿=^í
^=P
Ex Comm. unius Martyris.
Iste sánctus * pro lé-ge Dé- i su- i certa- vit usque
^^^^.
A- h h-tr-n
Î5=!^
r^
&^É=ÉzzÉ=É—É:fziÉdrJ—J:J.
^
j:
^ .
3tf:
3t±
ïïf'^iS'-
±Î^ fa
:îî=l=
r
i=¿
,25 ^
ad mórtem, et a vér-bis impi- ó- rum non timu- it
ït=Msiiiïzf5:
,71 h
^:=^5:
-^-# 0 0- 0-
r^r
«
¿É
^'^—là
-&-^
-^— #-
:22:
— — ^-^
ilj.
:2Z
i
fundátus enim é-rat
i^1Y-tri-jr
supra firmam pétram.
Jf-ïï*f^ H H V — H K H 1 ! I . i -p IS
s
*4i
S!3itzie±
-#-î-
I I
±
f=^
e
Ex Comm. Apost. et Mart. (T. P.)
Clamá-bant sáncti tú-i Dómi- ne, al-le-
lú- ia.
—0 — 0-^ ^A^^-0 * « 0 * 0 * * — 0
— S — #-? — 0 73 a a-r-l a m tr
f
t^
'-a s
r-1
^=A-%
J-J.
=t
-#-í-
158
Troisième Partie.
Fi- H- ae Je- ru- sa- lem * ve- ni- te et vi-dé- te Márty- res.
^
:^=ís:
S=î
jËI3t
-1^—1^:
-ár-^^-á^
^
^LÉ-îiÉi
r ^^r^r-f T7Jff
Ex Comm. plurium Martyrum.
et pervenérunt ad praémia régni
et lavérunt stólas su- as.
_ 1 I I I I
^
T-«^
ir-4— i
la- vérunt stó-las su- as.
^
=ís=ís:
fl
Abstér-get Dé- us. . . et jam
i=^
ÍZ
^-^— i^
^^^
-*^
*^— *
is:
^-^^.
EEi
r
Í!;:
b-
^i^
H 0-
i¥
^S-
i
non é- rit ampli-us.
i^
-^pÈ=ÉIUi±JÈ.
r
r-,
^
â^±
-# — #
#-=-
-G>-
III.
L'accompagnement proprement dit.
434. — La manière la plus facile et la plus commode d'accom-
pagner une mélodie est de mettre un accord sous chaque note.
Mais ce genre d'accompagnement, qui se résout en un ina7'telle-
nient harmonique, étant ce qu'il y a de plus opp(^sé au caractère
Chapitre V. — De raccompagnement. 159
souple et léger des mélodies grégoriennes, nous ne saurions trop
recommander, en règle générale, de n'en faire jamais usage.
435. — Cependant il est bon de faire remarquer que les
cantilènes liturgiques n'ont pas toutes le même caractère : les chants
mélismatiques sont, de leur nature, plus souples que les chants
syllabiques dont l'allure est rendue non pas lourde, mais assez
composée, par les syllabes des mots qui se succèdent rapidement
les unes aux autres.
L'accompagnement petit et doit se conformer au caractère propre
de ces sortes de chants.
436. — Dans les chants syllabiques exécutés avec une lenteur
marquée, on pourrait tolérer un accompagnement de notre contre
note, pourvu qu'il soit convenablement conduit.
En tout cas, on peut, dans l'accompagnement de ces sortes de
chant, faire constamment usage d'une harmonie assez riche.
437. — Il n'en est pas de même pour les inélismes dont les déve-
loppements mélodiques parfois assez amples sont d'une exécution
excessivement délicate. L'accompagnement des mélismes doit être;
très discret, pour ne pas dire très modeste. ■
438. — Nous avons dit, dans le paragraphe précédent, que les
accords peuvent être placés à chaque appui rythmique, l'appui
rythmique étant la règle générale qui régit la distribution des
accords dans leur rapport avec le rythme de la mélodie.
Mais \di possibilité do, placer un accord à chaque appui n'indique
nullement q^W faille en mettre un sous chacun d'eux.
L'idéal, en cette matière, serait de pouvoir écrire l'accompagne-
ment sans accords, mais, comme il ne peut y avoir d'harmonie
sans accords, il faut faire en sorte d'user de ceux-ci avec parcimonie
et discrétion.
De plus, l'organiste, doit étudier de très près les phrases mélo-
diques qu'il doit accompagner; les prendre dans leur ensemble,
au lieu de les subdiviser en une multitude de pieds rythmiques^,
et adapter à chacune d'elles l'harmonie qui répond le mieux au sens
musical principal qui la caractérise, et, quand la mélodie est ornée
en faire sentir les petits balancements ^ au moyen de légers
* Il va sans dire que l'accompagnateur doit aussi se rendre un compte très
exact des moindres détails du rythme : cela est absolument nécessaire. Mais se
rendre compte des détails des choses ne veut pas dire qu'on doive les mettre
en relief, au détriment de l'ensemble.
^ On ne peut mieux comparer ces petits balancements de détails mélodiques
autour de la dominante qu'à une décoration disposée en forme à.^ festons sur
une corde tendue.
Les formes psalmodiques, dans les mélodies ornées, nous en donnent des
exemples saisissants.
Pour n'en citer que quelques-uns, quoi de plus beau que V Alléluia dont nous
160
Troisième Partie.
mouvements des parties harmonisantes, mais en sauvegardant
toujours, le plus possible, l'harmonie dominante.
sa-cér-
dos.
nd^^^^^s
£ï4
^Î
-^r^'-Tf
9ifa I 'r^T
':¿2L
de
là- pi-
de. Ex-súl- tet or- bis gáudi- is.
^^
d
i
a h h
f=É:
:*—'-*:
^m
ij- ^ j-j-j
i
t=^
J:^J ^d-i
üi
^^^^
■sj
rr— r-r'
r-:-^r-r^r
L'accompagnement, en faisant ressortir les grandes allures
rythmiques et mélodiques du chant, rend plus large et plus vive la
perception de la mélodie, et l'harmonie, de son côté, brille par la
simplicité et la clarté.
439. — L'application de principes de ce genre n'est pas toujours
commode, nous en convenons. Aussi, croyons-nous qu'il est bien
difficile d'improviser des accompagnements. Et si, dans la prépa-
ration d'une harmonisation, il nous arrive souvent de ne pouvoir
rendre qu'en partie nos propres conceptions et, parfois même,
d'être dans l'impossibilité de les rendre, il faut alors s'arranger
pour adopter le mode qui présente le moins d'inconvénients.
Souvent aussi, on rencontre des passages où, tant du côté de la
tonalité que de celui du rythme, se manifeste clairement la diifé-
harmonisons plus haut un membre de phrase : < Sacerdos »! Quoi de plus
beau encore que V Introït et V Offertoire de la 2* messe des Vierges Martyres!
Et, au second Alléluia de la même messe, comme la phrase < cum claritate >
tout en gardant la dominante la^ opère, autour de cette note, de gracieux
mouvements! Le répertoire grégorien est plein de ces mélodies festojiées. Ce
que nous conseillons, dans la manière de les accompagner, c'est de garder
l'harmonie qui répond le mieux à la dominante ou à la note qui en joue le rôle,
en faisant sentir seulement, comme nous l'avons dit, les petits balancements,
les festons mélodiques^ par de légers mouvements des parties harmonisantes.
Chapitre VI. — Aperçu historique. 161
rence profonde qui existe entre nos habitudes musicales modernes
et les habitudes musicales antiques. Nous conseillons alors de
s'arranger, autant que faire se peut, de façon à éviter ces heurts.
On n'accompagne pas le chant pour le rendre plus agréable mais
pour aider les chantres, et rendre, il faut le dire aussi, les
mélodies grégoriennes plus accessibles à ceux qui n'arriveraient
pas à en saisir toute la beauté, s'ils les entendaient chanter sans
accompagnement ^
440. — Pour ce qui est de la force à mettre dans l'accompagne-
ment lui-même, l'organiste doit s'appliquer à modérer le jeu de son
instrument de telle manière qu'il n'écrase jamais les voix.
Cependant, l'accompagnement ne doit pas être tellement modéré
que les chantres ne l'entendent point ; car alors ceux-ci serait privés
du soutien que l'harmonie a pour but de leur offrir, et l'orgue, de
son côté, ne servirait que d'inexorable contrôle à l'abaissement
des voix.
CHAPITRE VL
Aperçu historique.
Période de formation. — Période de perfectioji. —
Période de décaderice. — Période de restauration.
441. — Ne pouvant donner ici qu'un simple aperçu de la longue
histoire du chant grégorien, nous comptons sur le professeur pour
y ajouter de vive voix les développements qu'il croira nécessaires.
442. — Nous divisons cette histoire en quatre périodes. La
première, appelée période de formation, va de la fin des persécu-
tions (312) jusqu'au pontificat de S. Grégoire-le-Grand (590-604).
On ne sait que très peu de chose sur le chant, durant cette
première période. En se fondant sur les témoignages des saints
Pères et la tradition ecclésiastique, il paraît hors de doute que les
chrétiens des premiers siècles faisaient, durant la célébration des
saints mystères, usage du chant pour louer Dieu et s'exciter à
la piété.
Il paraît également hors de doute qu'avant S. Grégoire, l'Eglise
* C'est ce qui fait que les fonctions sacrées dans lesquelles, à côté des
morceaux de musique exécutés avec toutes les ressources de l'harmonie
moderne, on entend chanter les mélodies grégoriennes sans accompagnement,
celles-ci paraissent, par l'effet du contraste, pauvres et nues. Ce phénomène
provient de ce que le sens musical de la monodie pure n'arrive pas à suppléer
complètement au défaut d'harmonie.
N° 674. — 6
162 Troisième Partie.
romaine possédait son répertoire propre de mélodies liturgiques;
mais on ne peut rien affirmer de précis à cet égard.
443. — La seconde période, ou période de pe^-fection, s'étend de
S. Grégoire-le-Grand jusqu'au XI 11^ siècle.
La critique historique a victorieusement démontré, de nos jours,
l'authenticité de la tradition qui attribue à S. Grégoire la compila-
tion et l'organisation définitive des mélodies auxquelles avec raison
on a donné son nom.
Cette seconde période peut se subdiviser en deux époques : celle
de Vâge d'or du chant grégorien qui commence avec S. Grégoire-
le-Grand jusqu'au XI^ siècle, et celle de simple conservation ou de
transition qui va du XI^ au XI 11^ siècle.
Durant la première époque le chant grégorien atteint son apogée :
l'œuvre de S. Grégoire se répand avec rapidité en Italie, pénètre
en Angleterre avec son disciple S. Augustin (596) et ses compa-
gnons; introduite en Gaule par Pépin, auquel le Pape Paul I^'
(757-767) envoie un de ses chantres, elle y parvient à sa plus
complète diffusion sous Charlemagne (768-814); enfin sont fondées
les célèbres écoles de Saint-Gall et de Metz.
A la fin de cette première époque la notation neumatique ou
chiro7îomique fait place à la notation diastéviatique qui, d'abord par
l'espacement calculé des signes neumatiques et ensuite par
l'emploi des lignes et de clefs, traduit les intervalles et fixe ainsi
à jamais la inélodie sur le parchemin. La part principale de ce
perfectionnement revient au moine Guy d'Arezzo (f 1050?).
Pendant le seconde époque le répertoire grégorien se transmet et
s'augmente; mais les nouvelles compositions ne respirent plus le
parfum de simplicité et de spontanéité des anciennes. L'emploi
des grands intervalles y est plus fréquent, et la forme est, en
général, plus recherchée.
444. — La troisième période, ou période de décadence, s'étend de
la fin du XI 11^ siècle jusqu'au milieu du XIX^.
C'est la période de l'engouement pour la polyphonie et la musique
moderne. Elle porte un coup fatal à la tradition du chant. Les plus
tristes souvenirs que nous ait laissés cette ère de décadence, sont
le mauvais goût dans l'exécution du chant et, chose plus grave, la
mutilation des mélodies grégoriennes.
En 1614-1615, l'imprimerie du cardinal de Médicis publia, à
Rome, une édition de plain-chant qu'on appela de son nom Médi-
céenne et dont on fit longtemps honneur au génie de Palestrina.
Rééditée en 1871 par Pustet de Ratisbonne et déclarée officielle
en 1873, cette édition n'est qu'un misérable squelette du vrai chant
grégorien.
Chapitre VI. — Aperçu historique. 163
Entre-temps se développaient les études paléographiques qui
devaient amener et conduire à bonne fin la période de restauration.
445. . — La quatrième période, ou période de restauration, com-
mence vers le milieu du dernier siècle et se poursuit jusqu'à nos
jours.
Nombre de religieux de divers Ordres, de prêtres et de laïques
de grande érudition, ont pris part aux études paléographiques de
cette glorieuse période; mais c'est aux Bénédictins de Solesmes
que revient principalement l'honneur de la restauration grégorienne.
En réalité, elle est leur œuvre. Léon XIII et Pie X leur en ont
rendu le plus flatteur et le plus éclatant témoignage.
Les travaux commencèrent sous la direction immédiate de Dom
Guéranger, et, après quelques années, Dom Pothier, aidé de quel-
ques-uns de ses confrères, publiait le Liber Gradualis (1884), qu'il
avait fait précéder, en 1880, de son célèbre ouvrage Les Mélodies
Grégoriennes.
En 1889, Dom Mocquereau projetait et entreprenait la publi-
cation de La Paléographie Musicale.
Nous n'avons pas à le dissimuler, c'est cette grande publication,
toujours en cours, qui a fait la démonstration scientifique des
travaux grégoriens de Solesmes, et qui a ouvert la voie à l'Edition
vaticane. D'elle ne saurait se passer le paléographe, le musicologue
et l'artiste qui désirent connaître à fond la tradition musicale
authentique de l'Eglise.
Le 17 mai 1901, Léon XIII adressait à l'abbé de Solesmes,
Dom Paul Delatte, le bref sensationnel Nos quidem, qui recon-
naissait la valeur scientifique des éditions de Solesmes et fut le
signal de leur adoption un peu partout.
Enfin, le 4 août 1903, le cardinal Sarto, enthousiaste et com-
pétent admirateur de l'œuvre grégorienne de Solesmes, montait
sur le trône pontifical sous le nom de Pie X. On sait quel fut son
premier acte et les fruits qu'il porta. Les documents suivants,
émanés directement ou indirectement de lui, seront à jamais sa
gloire et proclameront à travers les siècles qu'il fut le plus digne
successeur du grand pape, dont, par humilité, il ne se crut pas
digne de prendre le nom.
-♦— ♦"
APPENDICE.
Législation ecclésiastique.
Motu proprio. — Lettre de Pie X au cardinal Respighi. — Décret
du 8 janvier iço^. — Motu proprio pour V Edition vaticane. —
Lettre à F abbé de S o lésines. — Lettre du cardinal Merry del Val
à D. Pothier (juin içoj). — Décret du mois d'aoiit içoj. —
Décret de décembre içi2 pour la publication de r Antiphonai?'e. —
Décrets d'avril içii et de juillet içi2 se rapportant aux signes
rythmiques et aux mediantes. — Réponse de la S. C. des Rites au
sujet des syllabes suj^oenantes dans les hymnes. — Règlement du
cardinal Vicaire poîir la musique sacrée à Rome. — Lettre pasto-
rale de S. E771. le cardinal Dubois^ archevêque de Paris^ sur le
chant grégorien. — Lettre de Pie XI au cardinal Dubois.
446. — Les dispositions ecclésiastiques, liturgiques ou régle-
mentaires, concernant le chant grégorien et la musique sacrée,
loin d'être étrangères au cadre d'une Méthode, en sont plutôt le
complément naturel. C'est pour cette raison en même temps que
pour compléter les données historiques du précédent chapitre, que
nous reproduisons ici, sous forme d'Appendice, les plus récents et
principaux documents romains.
Le plus célèbre de tous est le
MOTU PROPRIO.
Pie X, Pape.
447. — Au milieu des sollicitudes du devoir pastoral non seu-
lement pour cette Chaire que nous occupons, bien qu'indigne, par
une disposition inscrutable de la Providence, mais pour cette
Eglise particulière, c'est sans nul doute pour Nous une obligation
principale de maintenir le décorum de la maison de Dieu, où les
augustes mystères de la Religion sont célébrés, et où le peuple
chrétien se réunit pour recevoir la grâce des Sacrements, pour
assister au Saint Sacrifice de l'Autel, pour adorer le très auguste
Sacrement du Corps du Seigneur, et pour s'unir à la prière com-
mune de l'Eglise dans l'accomplissement public et solennel des
offices liturgiques. Il ne doit donc rien se passer dans le temple
qui soit capable de troubler ou seulement même de diminuer la
piété et la dévotion des fidèles, rien qui fournisse un motif raison-
nable de froissement ou de scandale, rien surtout qui soit une
offense directe au décorum et à la sainteté des fonctions sacrées,
Législation ecclésiastique. 165
et qui ainsi soit indigne de la Maison de Prière et de la majesté
de Dieu.
Nous ne traitons pas en détail des abus qui peuvent se présenter
en cette matière. Aujourd'hui Notre attention se porte sur un des
plus communs, des plus difficiles à déraciner, sur un abus qu'il
faut parfois déplorer là où tout autre chose est digne des plus
grands éloges, notamment en ce qui regarde la beauté et la somp-
tuosité du temple, la splendeur et l'ordre des cérémonies, l'assi-
duité du clergé, la gravité et la piété du clergé célébrant. Nous
voulons parler de l'abus qui se rencontre en matière de chant et
de musique sacrée. Et vraiment, soit à cause de la nature de cet
art par lui-même flottant et variable, soit par suite des altérations
successives du goût et des habitudes au long du cours des âges,
soit en conséquence de l'action funeste qu'exerce sur l'art sacré
l'art profane et théâtral, soit à cause du plaisir que la musique
produit directement «et qu'il n'est pas toujours facile de contenir
dans de justes limites, soit, enfin, à cause des multiples préjugés
qui, en semblable matière, s'insinuent facilement et se maintiennent
ensuite avec ténacité, même dans les esprits de personnes auto-
risées et pieuses, il existe une tendance continuelle à dévier de la
règle établie d'après laquelle l'art est admis au service du culte,
règle exprimée très clairement dans les canons ecclésiastiques,
dans les ordonnances des conciles généraux et provinciaux, dans
les prescriptions émanées à plusieurs reprises des Sacrées Congré-
gations romaines, et des Souverains Pontifes, Nos prédécesseurs.
11 nous est très agréable de reconnaître le grand bien qui, en
cette matière, s'est fait au cours des dernières périodes de dix ans
en Notre noble Cité de Rome et dans beaucoup d'églises de Notre
patrie, mais plus particulièrement chez plusieurs nations où des
hommes distingués et zélés pour le culte de Dieu, avec l'appro-
bation du Saint-Siège et sous la direction des Evêques, se sont
unis en sociétés florissantes et ont remis en plein honneur la
musique sacrée dans presque toutes les églises et chapelles. Un
pareil bien est toutefois encore fort loin d'être universel, et si Nous
consultons Notre expérience personnelle, si Nous tenons compte
des plaintes très nombreuses qui, de toutes parts. Nous sont arri-
vées depuis le moment peu éloigné où il a plu au Seigneur d'élever
Notre humble personne au degré suprême du Pontificat Romain,
Nous croyons que Nous ne pouvons pas différer plus longtemps, et
que Notre premier devoir est d'élever tout de suite la voix pour
réprouver et condamner tout ce qui, dans les fonctions du culte et
dans les cérémonies ecclésiastiques, est reconnu comme s'éloignant
de la règle indiquée. Notre désir très vif, en effet, est que le véri-
table esprit chrétien refleurisse de toute façon et se maintienne
chez tous les fidèles : il est donc nécessaire de pourvoir avant tout
166 Appendice.
à la sainteté, à la dignité du temple où les fidèles se réunissent
précisément pour y trouver cet esprit à sa première et indispensable
source, à savoir la participation active aux mystères sacro-saints
et à la prière publique et solennelle de l'Eglise. Et c'est chose
vaine d'espérer qu'à cette fin l'abondante bénédiction du Ciel des-
cendra sur nous, si notre hommage au Très-Haut, au lieu de
monter en odeur de suavité, remet au contraire dans la main du
Seigneur les fouets dont se servit le divin Rédempteur pour
chasser du temple les indignes profanateurs.
Pour ce motif, afin que nul ne puisse dorénavant recourir à cette
excuse qu'il ne connaît pas clairement son devoir, et pour faire
disparaître toute hésitation dans l'interprétation de plusieurs
choses déjà commandées, Nous avons jugé expédient d'indiquer
brièvement les principes qui président à la musique sacrée dans
les fonctions du culte, en rassemblant en même temps, dans un
tableau général, les principales prescriptions de l'Eglise contre les
abus les plus communs en cette matière. En conséquence, de Notre
mouvement propre et de science certaine, Nous publions cette
présente Instruction à laquelle, comme à un Code juridique de la
musique sacrée, Nous voulons, dans la plénitude de Notre Autorité
Apostolique, qu'il soit attribué force de loi, en en imposant à tous,
par notre présent Acte signé, la plus scrupuleuse observance.
INSTRUCTION SUR LA MUSIQUE SACREE.
I.
448. — Principes généraux.
1. — La musique sacrée, en tant que partie intégrante de la
liturgie solennelle, participe à sa fin générale, qui est la gloire de
Dieu, la sanctification et l'édification des fidèles. Elle concourt à
accroître le décorum et la splendeur des cérémonies ecclésiastiques,
et comme son office principal est de revêtir d'une mélodie appro-
priée le texte liturgique qui est proposé à l'intelligence des fidèles,
sa propre fin est de donner une plus grande efficacité à ce texte
lui-même, de sorte que les fidèles soient par ce moyen plus
facilement excités à la dévotion et se disposent mieux à accueillir
en eux les fruits de la grâce, qui sont les fruits propres de la
célébration des très saints mystères.
2. — La miusique sacrée doit, par conséquent, posséder dans le
degré le meilleur les qualités qui sont les qualités propres de la
liturgie, et précisément la sainteté et la bonté des f orines, d'où surgit
de lui-même son autre caractère, qui est \ universalité.
Législation ecclésiastique. 167
Elle doit être sainte^ et ainsi exclure toute chose profane, non
seulement en elle-même, mais aussi dans la manière dont elle est
présentée du côté des exécutants.
Elle doit être un véritable art, sans quoi il est impossible qu'elle
ait sur l'âme de ceux qui l'écoutent cette efficacité que l'Eglise vise
à obtenir en accueillant dans sa liturgie l'art des sons.
Mais elle devra en même temps être universelle en ce sens que,
s'il est concédé à chaque nation d'admettre dans les compositions
faites pour l'église ces formes particulières qui constituent d'une
certaine manière le caractère spécifique de sa musique propre, ces
formes doivent cependant être si bien subordonnées aux caractères
généraux de la musique sacrée, que personne de ceux qui
appartiennent à une autre nation ne doive, à les entendre, éprouver
une mauvaise impression.
II.
449. — Les genres de musique sacrée.
3. — Ces qualités se rencontrent au plus haut degré dans le
chant grégorien, qui est par conséquent le chant propre de l'Eglise
romaine, le seul chant qu'elle ait hérité des anciens pères, chant
qu'elle a gardé jalousement pendant des siècles dans ses règles
liturgiques et qu'elle propose aux fidèles comme étant directement
le sien, qu'elle prescrit exclusivement dans certaines parties de la
liturgie, et que les études les plus récentes ont si heureusement
restitué dans son intégrité, dans sa pureté.
Pour ces motifs, le chant grégorien a toujours été considéré
comme le modèle suprême de la musique sacrée. On peut, en effet,
poser avec raison la loi générale que voici : Une composition pour
Véglise est d^autant plus sacrée et litîirgique, qu'elle s'approche
davantage dans sa marche, dans son inspiration et dans sa saveur^
de la mélodie grégorienne ; elle est d'autant moins digne du temple
qu'on la reconnaît plus éloignée de ce suprême modèle.
L'ancien chant grégorien traditionnel devra donc être rétabli
largement dans les fonctions du culte, et tout le monde doit tenir
pour assuré qu'une fonction ecclésiastique ne perd rien de sa
solennité quand elle n'est accompagnée d'aucune autre musique
que celle-là.
Que l'on s'efforce en particulier de ramener le peuple à l'usage
du chant grégorien, afin que les fidèles prennent de nouveau part
plus attentivement aux offices de l'Eglise, ce qu'ils avaient coutume
de faire anciennement.
4. — Les qualités susdites sont possédées à un degré excellent
par la polyphonie classique, spécialement par l'Ecole Romaine,
laquelle atteignit au XVI^ siècle le maximum de sa perfection,
grâce à Pierluigi de Palestrina, et continua à produire dans la suite
168 Appendice.
des compositions d'un excellent mérite liturgique et musical. La
polyphonie classique approche fort bien du modèle suprême de
toute musique sacrée, qui est le chant grégorien, et pour cette
raison elle a mérité d'être accueillie avec le chant grégorien dans
les fonctions les plus solennelles de l'Eglise, telles que celles de la
Chapelle Pontificale. Elle devra donc, elle aussi, être rétablie
largement dans les fonctions ecclésiastiques, spécialement dans les
plus insignes basiliques, dans les églises cathédrales, dans celles
des séminaires et des autres institutions ecclésiastiques, où les
moyens nécessaires ne font pas d'ordinaire défaut.
5. — L'Eglise a toujours reconnu et favorisé le progrès des arts,
en admettant au service du culte tout ce que le génie a su trouver
de bon et de beau dans le cours des siècles, à la condition que les
règles liturgiques soient toujours respectées. En conséquence,
la musique la plus moderne est elle-même admise dans l'Eglise, vu
qu'elle offre, elle aussi, des compositions si bonnes et si graves,
qu'elles ne sont nullement indignes des fonctions liturgiques.
Néanmoins, comme la musique moderne est principalement
employée à des usages profanes, on devra prendre garde, avec une
grande attention, que les compositions musicales de style moderne
qui sont admises dans les églises ne contiennent rien de profane,
n'offrent point de réminiscences de motifs de théâtre, et ne soient
point conformes, même dans leurs formes extérieures seulement,
à la marche des morceaux profanes.
6. — Parmi les divers genres de musique moderne, celui qui a
paru le moins propre à accompagner les fonctions du culte est le
style théâtral qui fut en grande vogue durant le dernier siècle,
surtout en Italie. Par sa nature, ce style présente la plus grande
opposition avec le chant grégorien et la polyphonie classique, et
par conséquent avec la loi la plus importante de toute bonne
musique sacrée. En outre, la structure intime, le rythme et ce que
l'on appelle le conventionnalisme de ce style ne se plient que mal
aux exigences de la vraie musique liturgique.
III.
450. — Le texte liturgique.
7. — La langue propre de l'Eglise Romaine est le latin. Il est
donc interdit, dans les fonctions liturgiques solennelles, de chanter
quoi que ce soit en langue vulgaire; il l'est bien plus encore de
chanter en langue vulgaire les parties variables ou communes de la
Messe et de l'Office.
8. — Les textes qui peuvent être mis en musique et l'ordre dans
lequel ils doivent se suivre étant déterminés pour chaque fonction
Législation ecclésiastique. 169
liturgique, il n'est permis ni d'intervertir cet ordre, ni de remplacer
les textes prescrits par d'autres ad libitum, ni de les omettre en
entier ou seulement en partie, si les rubriques n'autorisent pas à
remplacer par l'orgue certains versets du texte, quand ceux-ci sont
simplement récités au chœur. Il est seulement permis, d'après la
coutume de l'Eglise Romaine, de chanter un motet au Saint-
Sacrement après \q Benedictîis aç^s Messes solennelles. Il est permis
aussi, après qu'on a chanté l'Offertoire prescrit de la Messe,
d'exécuter dans le temps qui reste un court motet sur des paroles
approuvées par l'Eglise.
9. — Le texte liturgique doit être chanté tel qu'il se trouve dans
les livres, sans altération ni postposition des mots, sans répétitions
indues, sans séparation des syllabes, et toujours d'une manière
intelligible aux fidèles qui écoutent.
IV.
451. — La forme externe des cofnpositions consacrées.
10. — Les diverses parties de la Messe et de l'Office doivent
conserver, même musicalement, ce concept et cette forme que la
tradition ecclésiastique leur a donnés, et qui se trouvent très bien
exprimés dans le chant grégorien. Autre donc est la manière de
composer un introït, un gradúale, une antiphone, un psaume, une
hymne, un Gloria in excelsis, etc.
11. — En particulier, on doit observer les règles suivantes :
ci) Le Kyrie, le Gloria, le Credo, etc., de la Messe doivent
maintenir l'unité de composition propre à leur texte. Il n'est donc
point permis de les composer par morceaux séparés, de telle sorte
que chacun de ces morceaux forme une composition musicale
complète et telle qu'elle puisse être détachée du reste et remplacée
par une autre.
U) Dans l'office des Vêpres, on doit ordinairement suivre la
règle donnée par le Caere^noniale episcoporum, qui prescrit le chant
grégorien pour la psalmodie et permet la musique figurée pour les
versets du Gloria Patri et pour l'hymne.
Il sera néanmoins permis, dans les solennités plus grandes, de
faire alterner le chant grégorien du chœur avec ce que l'on appelle
\^% faux-bourdons ou avec des vers convenablement composés dans
une semblable manière.
On pourra aussi concéder quelquefois que les divers psaumes
soient exécutés entièrement en musique, pourvu que dans ces
compositions soit conservée la forme propre de la psalmodie, c'est-
170 Appendice.
à-dire pourvu que les chantres semblent psalmodier entre eux, ou
avec des motifs nouveaux, ou encore avec des motifs pris dans le
chant grégorien, ou imités de celui-ci.
Restent donc pour toujours exclus et interdits les psaumes
Sippelés />sauf nés di concerto.
c) Dans les hymnes de l'Eglise, on doit garder la forme tradi-
tionnelle de l'hymne. Il n'est donc point permis de composer, par
exemple, le Tantmn ergo de telle façon que la première strophe
présente une romance, une cavatine, un adagio, et le Genitori, un
allegro.
(T) Les antiennes des Vêpres doivent être présentées d'ordinaire
avec la mélodie grégorienne qui leur est propre. Si, dans quelque
cas particulier, on les chante en musique, elles ne devront jamais
avoir la forme d'une mélodie de concerto, ni l'ampleur d'un motet
et d'une cantate.
V.
452. — Les Chantres.
12. — En dehors des mélodies propres au prêtre qui célèbre
à l'autel et à ceux qui l'assistent, lesquelles doivent toujours être
en chant grégorien seul sans aucun accompagnement d'orgue,
tout le reste du chant appartient au chœur des lévites; or, les
chantres des églises, même s'ils sont séculiers, composant à pro-
prement parler le chœur ecclésiastique, il s'ensuit que les musiques
qu'ils exécutent doivent, au moins dans leur majeure partie, con-
server le caractère de musique de chœur.
Cela ne veut pas dire que la voix unique soit tout à fait exclue.
Mais celle-ci ne doit jamais prédominer dans l'office, de sorte que
la plus grande partie du texte liturgique soit traitée de cette façon.
Elle doit plutôt avoir le caractère de simple indication ou point
mélodique, et être liée étroitement avec le reste de la composition
en forme de chœur.
13. — Du même principe il suit que les chantres ont dans
l'église un véritable office liturgique, et que par conséquent les
femmes étant incapables d'un tel office, ne peuvent être admises
à faire partie du chœur ou de la chapelle musicale. Si donc, on
veut employer des voix aiguës de soprani et de contralti, ce devra
être des voix d'enfants, conformément à l'usage très ancien de
l'Eglise.
14. — Enfin, que l'on n'admette à faire partie de la chapelle de
l'église que des hommes dont on connaît la piété et la probité,
lesquels, par leur attitude modeste et dévote durant les fonctions
liturgiques, se montrent dignes du saint office qu'ils exercent. Il
Législation ecclésiastique. 171
sera convenable aussi que les chantres, pendant qu'ils chantent à
l'église, portent l'habit ecclésiastique et le surplis, et que, s'ils se
trouvent dans des tribunes trop exposées aux regards du public,
ils soient protégés par des grillages.
VI.
453. — V orgue et les instruments.
.15. — Bien que la musique propre de l'église soit la musique
purement vocale, l'accompagnement d'orgue est néanmoins permis.
En certains cas particuliers, dans les limites et avec les précautions
convenables; on pourra admettre aussi d'autres instruments, mais
jamais sans autorisation spéciale de l'Ordinaire, conformément
à la prescription du Caeremoniale episcoporum.
16. — Comme le chant doit toujours avoir le dessus, l'orgue ou
les instruments doivent simplement le soutenir, et ne peuvent
jamais le couvrir.
17. — Il n'est pas permis de faire précéder le chant par de longs
préludes, ni de l'interrompre par des morceaux d'intermède.
18. — Le son de l'orgue dans les accompagnements du chant,
dahs les préludes, les interludes et autres choses semblables, non
seulement doit être conduit selon la propre nature de cet instru-
ment, mais doit participer à toutes les qualités de la véritable
musique sacrée qui ont été ci-dessus énumérées.
19. : — L'usage du piano est interdit à l'église, et aussi celui des
instruments tapageurs ou d'un caractère léger, tels que le trom-
bone, la grosse caisse, les cymbales, les clochettes et autres
semblables.
20. — Il est rigoureusement interdit aux sociétés des fanfares
de jouer à l'église; seulement- dans un cas spécial, avec le con-
sentement de l'Ordinaire, il sera permis d'admettre un choix
limité, judicieux et proportionné au milieu ambiant, d'instruments
à vents, pourvu que l'accompagnement à exécuter par ces instru-
ments soit écrit dans un style grave, convenable, et ressemblant
en tout à celui qui est propre à l'orgue.
'21. — - Dans les processions hors de l'église, les fanfares peuvent
être autorisées par l'Ordinaire à jouer, pourvu qu'elles n'exécutent
en aucune façon des morceaux profanes. Il serait désirable, en cette
occasion, que le concert musical se bornât à accompagner quelque
cantique en latin ou en langue vulgaire exécuté par les chantres
ou par les congrégations qui prennent part à la procession.
172 Appendice.
VIL
454. — Etendue de la musiqtie sacrée.
22. — Il n'est pas permis de faire attendre le prêtre à l'autel à
cause du chant ou de la musique instrumentale plus que ne le
comporte la cérémonie liturgique.
Suivant les prescriptions ecclésiastiques, le Sanctiis de la Messe
doit être achevé avant l'élévation ; mais aussi le célébrant doit, sur
ce point, avoir égard aux chantres. Le Gloria et le Credo, selon la
tradition grégorienne, doivent être relativement courts.
23. — En général, il faut condamner comme abus très grave le
fait que, dans les fonctions ecclésiastiques, la liturgie apparaisse
chose secondaire et pour ainsi dire au service de la musique, alors
que la musique est simplement une partie de la liturgie et son
humble servante.
VIII.
455* — Moyens principaux,
24. — Pour l'exacte exécution de tout ce qui est établi ici, que
les Evêques instituent, dans leurs diocèses, s'ils ne l'ont déjà fait,
une Commission spéciale de personnes vraiment compétentes en
matière de musique sacrée, commission à laquelle sera confiée, de
la manière qu'ils jugeront la plus opportune, la charge de veiller
sur les musiques que l'on exécute dans leurs églises. Qu'ils ne
veillent pas uniquement à ce que les musiques soient bonnes par
elles-mêmes, mais à ce qu'elles correspondent aux forces des
chantres et soient toujours bien exécutées.
25. — Que dans les Séminaires des clercs et dans les Instituts
ecclésiastiques, conformément aux prescriptions du concile de
Trente, tous cultivent avec soin et amour le chant grégorien tradi-
tionnel, et que les Supérieurs soient en cette matière prodigues
d'encouragements et d'éloges pour leurs jeunes subordonnés. Que
de même, partout où la chose est possible, on pousse à la formation
pour les clercs d'une ScJiola Cantoi'uni, en vue de l'exécution de la
polyphonie sacrée et de la bonne musique liturgique.
26. — Dans les leçons ordinaires de liturq;ie, de morale, de droit
canonique qui sont données aux étudiants en théologie, qu'on
n'omette pas de toucher aux points qui se rapportent plus particu-
lièrement aux principes et aux lois de la musique sacrée, afin que
les jeunes clercs ne sortent pas du Séminaire dépour\'us de toutes
ces notions nécessaires à la parfaite culture ecclésiastique.
I
Législation ecclésiastique. 173
27. — Que l'on ait soin de rétablir, du moins près des églises
principales, les anciennes Scholae Cantorum^ comme cela a déjà été
pratiqué avec beaucoup de fruits dans un bon nombre d'endroits.
Il n'est pas difficile au clergé zélé d'établir des écoles de ce genre
même auprès des églises de moindre importance et même de
campagne; il y trouve même un moyen fort facile de réunir autour
de lui les enfants et les adultes, avec utilité pour eux et édification
pour le peuple.
28. — Que l'on cherche à soutenir et à promouvoir par les
meilleurs moyens possibles les Ecoles supérieures de musique
sacrée là où il en existe déjà et de contribuer à en fonder là où il
n'y en a pas encore. C'est une chose d'une extrême importance que
l'Eglise elle-même pourvoie à l'instruction de ses maîtres, orga-
nistes et chantres, suivant les vrais principes de l'art sacré.
IX.
456. — Conclusion.
29. — Enfin l'on recommande aux maîtres de chapelle, aux
chantres, aux personnages du clergé, aux supérieurs des Sémi-
naires, des Instituts ecclésiastiques et des Communautés reli-
gieuses, aux curés et aux recteurs d'églises, aux chanoines des
collégiales et des cathédrales et par dessus tout aux Ordinaires
diocésains de favoriser de tout leur zèle ces sages réformes depuis
longtemps désirées et appelées de commun accord, afin que l'auto-
rité même de l'Eglise qui les a conseillées à plusieurs reprises et
les inculque maintenant de nouveau, ne tombe point en discrédit.
Donné de Notre Palais Apostolique, au Vatican, en la fête de la
vierge et martyre sainte Cécile, le 22 novembre 1903, en la pre-
mière année de notre Pontificat.
Pie X, Pape.
LETTRE DE PIE X AU CARDINAL RESPIGHI
VICAIRE GÉNÉRAL DE ROME.
457. « Monsieur le Cardinal,
<L Le désir de voir refleurir partout l'honneur, la dignité et la
sainteté des fonctions liturgiques. Nous a déterminé à faire con-
naître par un écrit personnel quelle est Notre volonté par rapport
à la musique sacrée qui aide si largement au service du culte.
Nous avons la confiance que tout le monde secondera cette restau-
ration désirée, non pas seulement par cette soumission aveugle,
toujours louable en elle-même, avec laquelle on accepte par pur
174 Appendice.
esprit d'obéissance des commandements onéreux ou contraires à
sa propre façon de penser et de sentir, mais avec cette promptitude
de volonté qui naît de la persuasion intime du devoir d'en agir
ainsi par des motifs dûment établis, clairs, évidents, irréfutables.
« En effet, pour peu qu'on réfléchisse à la fin très sainte en
vue de laquelle l'art a été admis au service du culte, et à la
souveraine convenance de n'offrir au Seigneur que des choses
bonnes en soi et, autant que possible, excellentes, on reconnaîtra
tout de suite que les prescriptions de l'Eglise en ce qui concerne
la musique sacrée ne sont autre chose que l'application de ces
deux principes fondamentaux. Quand le clergé et les maîtres de
chapelle en sont pénétrés, la bonne musique sacrée refleurit
spontanément, ainsi qu'on l'a observé et qu'on continue de l'observer
en maints endroits.
« Au contraire, quand ces principes sont transgressés, il n'y a ni
prières, ni admonitions, ni ordres sévères, fussent-ils répétés, ni
menaces de peines canoniques qui réussissent à rien changer; tant
la passion et, à son défaut, une honteuse et inexcusable ignorance
trouve le moyen d'éluder la volonté de l'Eglise et de maintenir,
pendant des années et des années, le même état de choses.
« Cette promptitude de volonté, Nous Nous la promettons d'une
façon spéciale, du clergé et des fidèles de Notre chère ville de
Rome, centre du christianisme et siège de la suprême autorité de
l'Eglise. Il semble, en vérité, que personne ne doive mieux sentir
l'influence de Notre parole que ceux qui l'entendent directement
de Notre bouche, et que l'exemple d'amoureuse et filiale soumission
à Nos invitations paternelles ne devrait être donné par personne
avec plus de sollicitude que par la première et plus noble portion
du troupeau de Jésus-Christ, à savoir l'Eglise de Rome confiée
tout spécialement à Notre charge pastorale d'évêque.
« Ajoutons que cet exemple doit être donné à la face du monde
entier. En effet, de partout viennent continuellement ici évêques et
fidèles, pour révérer le Vicaire de Jésus-Christ et pour retremper
leur esprit en visitant Nos vénérable^ basiliques et les tombes des
martyrs et en assistant, avec un redoublement de ferveur, aux
solennités qui se célèbrent avec beaucoup de pompe et de
splendeur, en tout temps de l'année.
« Optamus ne nioribus nos tris offensi recédant^ disait de son temps
Benoît XIV, Notre prédécesseur, dans sa lettre encyclique Annus
qui^ où, parlant de la musique sacrée, il dit :
« Nous désirons qu'ils ne retournent pas dans leur patrie^ scandalisés
par nos habitudes. »
« Et plus loin, parlant de l'abus des instruments, qui était alors
flagrant, le même Pape disait :
Législation ecclésiastique. 175
€ Qîielle opÍ7iio7i se formeront de nous^ ceiix qui y venant de pays oîi
on ne se sert pas d'insti'uinents dans l'église, les entendront dans nos
églises ni phis ni 7noins que cela se pratique dans les théâtres et les
endroits profanes ? Il en viendra peut-être d'endroits et de pays où
l'on chante et l'on fait du bruit musical, comme aujourd'hui dans
nos églises. Mais, s'ils sont gens de bon sens, ils se lamenteront de 7ie
pas trouver dans notre musique ce remède aux 7naux de leurs églises
qu'ils étaient venus chercher. »
« En d'autres temps, on remarquait peut-être beaucoup moins,
dans les musiques qu'on avait coutume d'exécuter dans les églises,
leur désaccord avec les lois et les prescriptions ecclésiastiques et
peut-être d'aventure, le scandale était-il plus restreint, surtout
parce que l'inconvénient était plus répandu et plus général.
« Mais aujourd'hui, quand des hommes illustres se sont appliqués
avec tout le zèle à mettre en lumière les règles de la liturgie et
celles de l'art pour Le service du culte, lorsque, dans tant d'églises
du monde, on a obtenu de si consolants et splendides résultats
pour la restauration de la musique sacrée, et cela malgré les très
graves difficultés qu'on opposait et qui furent heureusement
surmontées; enfin, quand la nécessité d'un changement de choses
complet est entrée dans tous les esprits, tout abus dans la matière
devient intolérable et doit être écarté.
<L Vous donc. Monsieur le Cardinal, dans la haute fonction que
vous occupez à Rome comme Notre Vicaire pour les choses
spirituelles, avec la douceur qui vous est propre, avec une fermeté
non moindre, vous travaillerez. Nous en avons la certitude, pour
que les musiques qui s'exécutent dans les églises et les chapelles,
soit par le clergé séculier, soit par le clergé régulier de cette ville
de Rome, répondent pleinement à Nos instructions.
« Il y a beaucoup de choses qu'il faut écarter ou corriger dans
les chants des Messes, des litanies de la sainte Vierge, de l'hymne
eucharistique; mais ce qui a besoin d'un renouvellement complet,
c'est le chant des Vêpres dans les fêtes qui se célèbrent dans
diverses églises et basiliques.
*L On ne rencontre plus les prescriptions liturgiques du Cérémonial
des évêques et les belles traditions musicales de la classique école
romaine. A la pieuse psalmodie du clergé que le peuple lui-même
accompagnait, on a substitué d'interminables compositions musi-
cales sur les paroles des psaumes, toutes fuguées à la manière des
vieilles œuvres théâtrales, et d'une si pauvre valeur artistique qu'on
ne les tolérerait pas dans les concerts profanes de médiocre mérite.
La dévotion et la piété chrétiennes n'en reçoivent à coup sûr aucun
accroissement : on satisfait ainsi la curiosité de certaines gens peu
intelligents, mais le grand nombre en reçoit plutôt du dégoût et
du scandale, et l'on s'étonne qu'un si grand abus dure encore.
176 Appendice.
« Nous donc, Nous voulons que cet abus disparaisse absolument
et que la solennité des Vêpres soit entièrement célébrée selon les
règles que Nous avons indiquées.
« Les basiliques patriarcales donneront l'exemple, grâce aux
soins minutieux et au zèle éclairé de MM. les Cardinaux qui sont
à leur tête, et ainsi feront ensuite les basiliques mineures, les
églises collégiales et paroissiales comme les églises et chapelles des
ordres religieux.
« Pour vous, Monsieur le Cardinal, n'usez pas d'indulgence et
ne souffrez aucun délai. A différer, la difficulté ne diminue pas, elle
augmente, et, puisque la chose est à faire, qu'on la fasse immédia-
tement, résolument. Que tous aient confiance en Nous et en Notre
parole, qui emporte avec elle la grâce et la bénédiction céleste.
« Tout d'abord la nouveauté produira de l'étonnement chez
quelques-uns des maîtres de chapelle et des directeurs de chœur ;
mais peu à peu la chose prendra d'elle-même, et, dans la parfaite
correspondance de la musique aux règles liturgiques et à la nature
de la psalmodie, tous découvriront une beauté et une bonté qui
leur avaient échappé tout d'abord.
« Il est vrai, la solennité des Vêpres sera ainsi notablement
raccourcie. Mais si les recteurs des églises veulent, en quelque
circonstance, prolonger un peu les fonctions, afin de retenir le
peuple qui a si louablement coutume, aux heures des Vêpres, de
se rendre à l'église où l'on célèbre la fête, rien n'empêche — et ce
sera même autant de gagné pour l'édification et la piété des fidèles
— que l'on fasse suivre les Vêpres d'un sermon approprié et qu'on
les termine par une bénédiction solennelle du Très-Saint-Sacrement.
« Nous désirons enfin que la musique sacrée soit cultivée avec
un soin spécial et dans une mesure convenable dans tous les
séminaires et collèges ecclésiastiques de Rome, où il y a une troupe
si nombreuse et si choisie de jeunes clercs venus de toutes les
parties du monde pour se former aux sciences sacrées et au
véritable esprit ecclésiastique. Nous savons, et cela Nous est d'un
grand réconfort, que, dans plusieurs établissements, la musique
sacrée est tellement florissante qu'ils peuvent servir de modèle aux
autres. Mais certains séminaires et certains collèges, soit par
l'incurie des supérieurs, soit par l'incapacité ou le mauvais goût des
personnes auxquelles sont confiées l'instruction du chant et la
direction de la musique sacrée, laissent beaucoup à désirer.
« Vous voudrez donc bien. Monsieur le Cardinal, pourvoir encore à
cela de toute votre sollicitude, en insistant surtout pour que, selon les
prescriptions du concile de Trente et d'autres innombrables conciles
provinciaux et diocésains de toutes les parties du monde, le chant
grégorien soit étudié avec une diligence spéciale et ordinairement
préféré dans les cérémonies publiques et privées de l'établissement.
Législation ecclésiastique. 177
« A dire vrai, en d'autres temps, le chant grégorien était devenu
méconnaissable, ses livres ayant été corrigés, altérés, tronqués.
Mais les études longues et attentives qu'y ont apportées des
hommes remarquables qui ont bien mérité de l'art sacré, ont changé
la face des choses. Le chant grégorien ramené d'une manière si
satisfaisante à sa pureté primitive, tel qu'il fut transmis par nos
pères et qu'il se trouve dans les manuscrits des diverses églises
apparaît doux, suave, très facile à apprendre et d'une beauté si
nouvelle et inattendue qu'il ne tarde pas à exciter un véritable
enthousiasme chez les jeunes chanteurs. Or, quand l'amour entre
dans l'accomplissement du devoir, tout se fait avec plus d'entrain
et avec un fruit plus durable.
« Nous voulons donc que, dans tous les collèges et séminaires
de cette très haute ville de Rome, on introduise de nouveau le très
antique chant romain, qui résonnait autrefois dans nos églises et
basiliques et faisait les délices des générations passées, aux plus
beaux temps de la piété chrétienne. Et, comme autrefois ce chant
s'était, de Rome, répandu dans toutes les autres Eglises d'Occident,
ainsi Nous souhaitons ardemment que les jeunes clercs, instruits
sous nos yeux, le reportent et le répandent de nouveau dans leurs
diocèses quand ils y retournent comme prêtres pour travailler à la
gloire de Dieu.
« Notre âme se réjouit d'édicter ces dispositions, quand Nous
sommes sur le point de célébrer le XI 11^ centenaire de la mort du
grand et incomparable Pape, saint Grégoire le Grand, à qui une
tradition ecclésiastique de plusieurs siècles attribue la composition
de ces saintes mélodies auxquelles même on a appliqué son nom.
Que Nos très chers jeunes gens s'exercent diligemment à ces
mélodies. Il Nous sera très agréable de les entendre si, comme
on Nous l'a rapporté, ils se réunissent ensemble, lors des prochaines
fêtes du centenaire, dans la basilique vaticane, auprès de la tombe
du saint Pape, afin d'exécuter les mélodies grégoriennes durant la
sainte fonction liturgique que Nous célébrerons, s'il plaît à Dieu,
en cette heureuse circonstance.
« En attendant, comme témoignage de Notre particulière bien-
veillance, recevez. Monsieur le Cardinal, la Bénédiction apostolique
que Nous donnons du fond du cœur à vous, au clergé et à tout
Notre peuple bien aimé.
« Du Vatican, en la fête de l'Immaculée, l'année 1903.
« Pie X, Pape. »
458. — Par un décret de la Sacrée Congrégation des Rites, en
date du 8 janvier 1904, le même Souverain Pontife ordonnait que
son Motu proprio fût reçu avec respect et observé avec soumission
X78 Appendice.
par toutes les églises, nonobstant les privilèges et exemptions dont
on aurait pu se prévaloir.
459. — Le 25 avril de la même année, Pie X publiait un second
Motu proprio, celui-ci en vue d'une édition vaticane des livres de
chant grégorien. La rédaction en était confiée aux moines de
l'abbaye de Solesmes et la révision à une Commission Pontificale
présidée par le R"^e \^ Joseph Pothier et dont faisait partie le
directeur de l'Ecole de Solesmes, D. André Mocquereau, ainsi que
d'autres bénédictins.
460. — Un mois plus tard, le 22 mai, S. S. confirmait au R"^^ P.
abbé de Solesmes, D. Paul Delatte, ce qu'elle avait réglé dans son
dernier Motu proprio, le remerciait de ses efforts et de son abnéga-
tion, et le louait, lui et ses moines, du grand zèle et de l'intelligence
qu'ils déployaient dans la poursuite des études liturgiques. « Nous
savons, disait le Pape, votre amour de l'Eglise et du Saint-Siège,
votre zèle pour la beauté du culte divin, votre fidélité aux saintes
prescriptions de la vie monastique. C'est la pratique de ces vertus
qui jusqu'à l'heure présente a valu le succès de vos savantes
recherches ; c'est elle encore qui les couronnera. A vous les fils de
saint Benoît s'applique bien la parole de saint Grégoire sur votre
père : Sa doctrine ne pouvait quêtre conforme à sa vie ». Et le Pape
ajoutait : « Nous espérons que toutes facilités et tous secours seront
accordés à vos études et que les bibliothèques se prêteront à vos
recherches des anciens manuscrits ».
461. — Mais, le 24 juin 1905, une lettre de S. E. le cardinal
Merry del Val à Dom Pothier venait modifier la marche que la
Rédaction et la Commission avaient suivie jusque-là. Le R"^^ Dom
Pothier restait seul chargé de l'édition vaticane. Solesmes n'en
continua pas moins, pour son propre compte et en prévision de
l'avenir, ses travaux grégoriens; car ce ne fut jamais la pensée du
Saint-Siège que l'édition typique, qu'il allait donner à l'Eglise,
serait le dernier mot de la science.
462. — La première partie de cette édition, le Graduel, parut en
1909. Le 7 août 1907, il avait été précédé d'un décret de la Sacrée
Congrégation des Rites qui disait : « Afin que cette édition arrive
à être en usage dès maintenant dans toutes les églises, il a été
réglé que toutes les autres éditions du chant romain, quelles
qu'elles soient, n'étant, d'après les décrets antérieurs, tolérées que
pour un temps, elles ne jouissent plus désormais d'aucun droit qui
leur permette de remplacer l'édition typique ».
463. — Vint ensuite la publication de l'Office des Défunts et, plus
tard, celle de V Antiphonaire diurnal qui fut imposé par décret de la
Sacrée Congrégation des Rites, en date du 8 décembre 1912. Voici
Législation ecclésiastique.
179
le passage essentiel de ce document : « La Sacrée Congrégation des
Rites déclare cette même édition officielle pour tous ceux qui
suivent le rite de l'Eglise Romaine, et décrète que désormais les
mélodies grégoriennes contenues dans les futures éditions doivent
être conformes à cette édition type, sans qu'on puisse déroger aux
décrets de la Sacrée Congrégation des Rites en date du 1 1 avril 1911,
n. 4263, sur réditiort vaticane et sa repi'oduction dans les livres
liturgiques grégoriens^ et du 8 juillet 191 2 relativement à r exécution
des ino7iosyllabes ou des mots hébreux dans les leçons^ versets et
psaumes.
L'importance de ces deux décrets, que la Sacrée Congrégation
des Rites entend sauvegarder, nous engage à les reproduire ici
intégralement et dans le texte latin. Le premier est en faveur des
signes rythmiques^ et le second approuve la suppression de mediantes
rompues réclamée, au nom de la science, de la tradition et de l'art,
par l'Ecole de Solesfnes.
C'est ainsi que l'Eglise, soucieuse du légitime progrès des arts,
sait toujours et partout le reconnaître et lendre hommage à ses
auteurs.
464. DECRETUM
seu declaratio super editione vaticana
ejusque reproductione quoad libros
litúrgicos gregorianos.
Cum postulatum fuerit, an Episcopi
possint propriam approbationem do-
nare libris cantus gregoriani, melo-
días Vaticanae editionis adamussim
reproductas continentibus, sed cu?n
signorum rythmicorum indicatione.,
privata auctoritate additorum f
Sacra Rituum Congregatio, ad ma-
jorem declarationem Decreti n. 4259,
25 Januarii vertentis anni, responden-
dum censuit :
465. DECRETUM
circa modulandas monosyllabas vel
hebraicas voces in lectionibus., versi-
Cîdis et psalmis.
A quibusdam cantus gregoriani
magistris sacrae Rituum Congrega-
tioni sequens dubium pro opportuna
solutione expositum fuit ; nimirum :
An in cantandis Lectionibus et Ver-
siculis, praesertim vero in Psalmorum
mediantibus ad asteriscum, quando
vel dictio monosyllaba vel hebraica
vox occurrit, immutari possit clausula,
Editionibus in subsidium scholarum
cantorum, signis rythmicis, uti vocant,
privata auctoritate ornatis, poterunt
Ordinarii., in sua quisque Diœcesi,
apponere Imprijnaiur^ dummodo con-
stet, cetera, quae in Decretis Sacrae
Rituum Congregationis injuncta sunt,
quoad cantus gregoriani restauratio-
nem, fuisse servata.
Quam resolutionem Sanctissimo
Domino nostro Pio Papa X, per
Sacrorum Rituum Congregationis Se-
cretarium relatam,Sanctitas Suaratam
habuit et probavit.
Die II Aprilis 1911.
vel cantilena proferri sub modulations
consueta f
Et sacra eadem Congregatio, appro-
bante sanctissimo Dorhino nostro Pio
Papa X, rescribere : Affirmative ad
îiirumgue.
Die 8 julii 1912.
Fr. s. Card. Martinelu,
S. R. C. Praefectus.
L. t S.
f Petrus La Fontaine, Episc.
Charystien., Secretarius.
180
Appendice.
DÉCRET DE LA S. C DES RITES SUR
LES SYLLABES HYPERMÈTRIQUES DANS LES HYMNES.
46Ó.
DUBIUM.
De syllabis hyperînetricis quoad can-
tu7n.
A sacra Rituum Congregatione plu-
ries expostulatum fuit : <L An regula de-
scripta in Antiphonario Vaticano circa
syllabas hypermetricas, quae fréquen-
ter occurrunt in cantu hymnorum,
scilicet quod ipsae non elidantur, sed
distinctae pronuncientur propriaque
nota cantentur, stricte et rigorose
interpretanda sit, vel e contra liceat
etiam ipsas syllabas elidere,praesertim
si in praxi id facilius et convenientius
censeatur? >
Et sacra eadem Congregatio, audita
specialis Commissionis pro cantu
litúrgico gregoriano sententia, propo-
sitae quaestioni re sedulo perpensa
ita rescribendum censuit : « Négative
ad primam partem, affirmatixe ad
secundam >.
Atque ita rescripsit et declaravit
die 14 maii 1915.
L. t S.
A. Card. Vico,
Pro-Praefectus.
t Petrus La Fontaine,
Secretarius.
REGLEMENT POUR LA MUSIQUE SACREE A ROME.
A MM. les Qirés, les Recteurs et Supérieurs de toutes les églises et
des oratoires, du clergé tant séculier que 7'égulier, aux Supérieurs
des Séminaires, des Collèges et des Instituts ecclésiastiques
d' éducation, aux R*"" Préfets et aux Maîtres de chapelle de
Rome, etc.
467. — En communiquant au clergé et aux fidèles de Rome le
Motuproprio de Sa Sainteté Pie X sur la musique sacrée (22 novem-
bre 1903), nous observions que les dispositions contenues dans ce
document étaient si claires qu'elles ne requéraient pas de nouveaux
éclaircissements, et que du reste la Commission Romaine pour la
musique sacrée était chargée d'examiner et d'approuver les
compositions musicales sacrées et de veiller sur les exécutions
dans les églises de cette illustre cité.
Aujourd'hui, afin d'activer la restauration de la musique sacrée à
Rome, il Nous plaît d'agréer le secours de l'Association italienne
de Ste Cécile, canoniquement instituée par Nous et inaugurée dans
Notre ville le 28 avril 19 10. De son action on est en droit d'attendre
beaucoup pour la mise en pratique de la réforme musicale sacrée,
et Nous invitons les R. R. Curés, les Supérieurs et Recteurs des
églises et instituts et tous ceux qui ont à cœur le développement
de la liturgie et la beauté du culte sacré à se faire inscrire dans
cette association pour mieux coopérer au but si important que le
Saint-Père s'est proposé dans son Motu propj'io.
Législation ecclésiastique. 181
Pour réaliser cette fin, l'action positive, énergique, éclairée du
clergé tant séculier que régulier est absolument nécessaire; il faut
surtout que les jeunes clercs et religieux reçoivent, au cours de leur
formation dans les Séminaires, Collèges ecclésiastiques. Instituts
religieux, une sérieuse et bonne instruction dans le chant liturgique
et la musique sacrée. Il est juste que Nous adressions un éloge
mérité aux Instituts ecclésiastiques de Rome, qui avec tant de zèle
secondent les désirs du Saint-Père; mais pour cela même Nous ne
devons cesser de les presser à persévérer dans la bonne voie avec
une ardeur encore plus grande.
C'est la volonté formelle de Sa Sainteté que dans tous les
Instituts d'éducation ecclésiastiques et même des réguliers on donne
une grande importance à l'étude du chant liturgique et de la
musique sacrée, comme à des matières du plus haut intérêt pour le
clergé. C'est pourquoi sont dignes du plus grand éloge, les
Supérieurs qui ont su introduire pour tous les clercs indistinctement
un cours quotidien de chant et de musique sacrée, si bref qu'il soit.
Mais, sous aucun prétexte, on ne devra permettre que dans chaque
Institut et pour tous les élèves indistinctement, on consacre moins
de deux heures entières par semaine à l'étude sérieuse et pratique
de la musique sacrée, en donnant la préférence au chant grégorien ;
dans ces deux heures on ne doit pas comprendre le temps des
répétitions nécessaires pour les exécutions.
Nous Nous réjouissons à cet égard que la très méritante
Association Cécilienne ait ouvert ici à Rome une Ecole supérieure
de chant grégorien et de musique sacrée; Nous ne doutons pas en
effet que beaucoup, ecclésiastiques et laïcs, pourront en fréquenter
les cours, spécialement pour la partie grégorienne, avec le grand
avantage de se former tous à la même méthode dans la bonne
interprétation des mélodies liturgiques.
Afin de donner une plus grande régularité, promptitude et
précision à ce qui intéresse la musique et le chant sacré, le Saint-
Père a daigné confier toute cette partie disciplinaire pour la ville
de Rome au premier office de Notre Vicariat, à la Sacrée Visite
Apostolique, qui aura ainsi pleine autorité sur toutes les églises du
clergé séculier et régulier, sans excepter les Basiliques Patriarcales,
les chapelles et les oratoires des communautés religieuses, même
de femmes, des Séminaires, Instituts, Sociétés, Congrégations,
Associations, Confraternités, exempts de quelque façon que ce soit
et même spécialement.
Nous avons la confiance que les RR. Curés, les Recteurs et
Supérieurs des églises et des Instituts, les Préfets de la musique
dans les Chapitres, les directeurs des chapelles et des chœurs,
pénétrés de l'esprit des sages prescriptions du Saint-Père, mettront
tout leur zèle pour en assurer le parfait accomplissement, en
182 Appendice.
procurant par les meilleurs moyens la restauration de l'art vraiment
digne de la divine liturgie.
Pour aider une œuvre si importante, il Nous a paru opportun de
donner quelques règles pratiques auxquelles, par ordre du Saint-Père,
devront se conformer ceux qui, à un titre quelconque, s'occupent
des exécutions musicales dans les églises et chapelles de Rome.
468. — Règles pour les Maîtres, Organistes et Chantres.
1. — C'est la vraie et authentique tradition ecclésiastique du
chant et de la musique sacrée que l'assemblée entière des fidèles
s'associe, au moyen du chant, aux offices liturgiques, en suivant
les parties du texte qui sont confiées au chœur, et qu'une Schola
cantorum spéciale alterne avec le peuple, exécutant les autres
parties du texte des mélodies plus riches et qui leur sont réservées
spécialement.
Pour ce motif, le Saint-Père Pie X, dans son Motu proprio du
22 novembre 1903, au paragraphe 3, fait cette prescription : « Que
l'on s'efforce de rétablir l'usage du chant grégorien parmi le
peuple, afin que de nouveau les fidèles prennent, comme autrefois,
une part plus active dans la célébration des offices. » Et au para-
graphe 27 : « Qu'on ait soin de rétablir, au moins dans les églises
principales, les anciennes Scholae cantorum comme cela s'est
réalisé déjà, avec les meilleurs fruits, dans un bon nombre
d'endroits. Il n'est pas difficile au clergé zélé d'établir ces Scholae
jusque dans les moindres églises et dans celles de la campagne;
il y trouve même un moyen très aisé de grouper autour de lui les
enfants et les adultes, pour leur propre profit et l'édification du
peuple. »
2. — Les Maîtrises, composées d'un groupe de chanteurs
choisis, sous la direction d'un maestro, destinées à remplacer le
peuple et les Scholae cantorum, sont d'institution plus récente,
mais cependant parfaitement légitime. ,,
3. — Comme non seulement l'exécution du chant grégorien,
mais aussi celle de certaines compositions anciennes et modernes
sont confiées aux Maîtrises, comme dans le choix de ces pièces
et la façon de les interpréter il y a danger plus encore de manquer
aux prescriptions ecclésiastiques, il est nécessaire de s'assurer que
tous les membres de la Maîtrise donnent pleine garantie de leurs
capacités techniques et de leur volonté d'observer, en ce qui les
concerne, toutes et chacune des susdites prescriptions ecclésias-
tiques et de travailler à l'application du Motu proprio pontifical.
C'est pourquoi personne, même offrant les conditions requises et
pour cela approuvé, ne sera admis à faire partie d'une Maîtrise à
Rome, qu'il n'ait auparavant signé et remis à la S. Visite Apos-
Législation ecclésiastique. 183
tolique une déclaration par laquelle il s'oblige à accepter et à
observer scrupuleusement toutes les règles de la liturgie et du
cérémonial, — les décisions et prescriptions de l'autorité ecclé-
siastique sur la musique sacrée et le chant grégorien, et d'une
façon spéciale le Motu proprio de S. S. le Pape Pie X, — le
présent règlement et les avis éventuels de la Commission romaine
de musique sacrée. Il va sans dire que l'autorité ecclésiastique de
plein droit, en cas de transgression, pourra retirer à quiconque
l'autorisation accordée pour l'exercice de son art dans les
églises.
4. — Aucune Maîtrise ou Schola cantorum ne pourra se cons-
tituer à Rome sans la permission préalable de la S. Visite Apos-
tolique et sans avoir à sa tête un maître ou directeur approuvé et
un organiste également approuvé. Le maître ou directeur de Cha-
pelle ou Schola, avant tout autre, est responsable devant l'autorité
de toutes les infractions aux règlements ecclésiastiques qui seraient
commises par sa Chapelle ou Schola.
5. — On n'entend pas défendre l'établissement temporaire d'une
Maîtrise pour un service particulier plus solennel en telle ou telle
église ; mais cela ne peut se faire qu'avec le conseil et sous la
direction et responsabilité d'un des maîtres approuvés. La même
règle regarde les services que les chanteurs de Rome seraient
appelés à rendre dans le Latium ou les autres diocèses d'Italie*.
6. — Personne ne pourra exercer dans une église ou oratoire
quelconque de la ville ou du diocèse de Rome, pour une cérémonie
sacrée quelle qu'elle soit, la fonction de maître-directeur, d'orga-
niste ou de chantre, sans en avoir reçu la faculté de l'autorité
ecclésiastique compétente, après avis de la Commission romaine
pour la musique sacrée.
Afin d'obtenir une telle autorisation, les qualités et les conditions
suivantes sont nécessaires :
a) La capacité artistique pour la musique sacrée, suivant les
diverses fonctions, justifiée par des diplômes réguliers, et, dans des
cas spéciaux, par des titres équivalents.
b) La moralité, l'honnêteté de vie et les sentiments religieux
qui conviennent à celui qui doit exercer son art dans le temple et
pour la liturgie sacrée, conformément au Motu proprio prescrivant
de n'admettre « à faire partie de la Maîtrise que des hommes
d'une piété et d'une probité de vie reconnues, qui, par leur main-
tien modeste et pieux durant les fonctions liturgiques, se mon-
trent dignes de l'office qu'ils remplissent. » Il est donc défendu
aux maîtres-directeurs, aux organistes et aux chantres de faire
partie des associations hostiles à l'Eglise catholique, et de remplir
184 Appendice.
une fonction dans les églises ou chapelles hétérodoxes, par des
exécutions musicales qui en quelque façon peuvent ou jeter le
discrédit sur la religion et la morale ou môme seulement sont
incompatibles avec la charge de chantre d'église.
c) La complète soumission demandée au n^ 3 dont la déclaration
est remise.
7. — La Commission romaine de musique sacrée appréciera les
divers titres des candidats à l'office de maître-directeur, d'organiste
ou de chantre, et quand elle le jugera opportun, pourra exiger de
chacun un examen qui démontrera leurs capacités artistiques. Si
les candidats ne sont pas encore suffisamment familiarisés avec le
chant grégorien, ils ne pourront entrer en fonction, si ce n'est provi-
soirement, jusqu'à ce qu'ils obtiennent le certificat nécessaire
d'aptitude.
8. — La S. Visite Apostolique établira un registre pour y inscrire
les noms des maîtres-directeurs, organistes et chanteurs reconnus
idoines et habiles à exercer leur art dans les églises de Rome.
9. — Les églises ou chapelles qui voudraient ouvrir des concours
spéciaux pour les fonctions de maître-directeur, d'organiste ou de
chantre, devront agir de concert avec la S. Visite Apostolique et
la Commission romaine de musique sacrée, suivant les prescriptions
du présent Règlement, auquel, par la volonté expresse de S. Sain-
teté, seront soumises les basiliques patriarcales, églises, chapelles
ou autres sociétés jouissant même d'une exemption particulière.
10. — Pourront être nommés chapelains-chantres de chœur
seulement ceux qui ont pleine connaissance du chant grégorien,
constatée par notre Commission.
11. — Dans les Communautés religieuses et dans les Instituts,
le chant et la musique pour les fonctions sacrées pourront être
réglés par les sujets compétents de l'Institut, s'il y en a, mais tou-
jours conformément aux règlements donnés et d'accord avec la
S. Visite Apostolique et la Commission romaine.
12. — Les femmes ne peuvent chanter dans les fonctions litur-
giques, si ce n'est en tant qu'elles font partie du peuple ou le
représentent ; il leur est donc défendu de chanter des tribunes ou
des cantories,^ soit seules, soit surtout comme partie de la Maîtrise.
Cependant, les religieuses vivant en communauté, et, avec elles,
leurs élèves, pourront dans leurs propres églises ou oratoires
chanter durant les fonctions sacrées, conformément aux décrets
' Les cantories sont de petites tribunes où se placent ordinairement les
chantres; elles sont munies de grilles serrées qui défendent aux regards du
peuple la vue des chantres.
Législation ecclésiastique. 185
de la S. Congrégation des Evêques et Réguliers. Toutefois, nous
leur défendons absolument le chant en solo, et Nous désirons que
dans les messes et au chant des vêpres on donne la préférence
aux mélodies grégoriennes, exécutées si possible par toute la
communauté.
469. — Règles pour les Supérieurs des Eglises.
13. — Les RR. Curés, les Supérieurs des églises et chapelles,
comme aussi les Préfets de la musique dans les chapitres, doivent
parfaitement connaître les prescriptions ecclésiastiques relatives à
la musique sacrée, et les faire connaître aux maîtres-directeurs,
aux organistes et aux chantres, en imposant et en exigeant
l'observation. Ils seront considérés comme directement respon-
sables, solidairement avec le maître-directeur, des transgressions
qu'à cet égard l'on aurait à déplorer dans leurs églises.
14. — Ils ne pourront confier la musique qu'aux maîtres
approuvés par l'Autorité ecclésiastique compétente et inscrits sur
le registre de la S. Visite Apostolique ; ils ne devront permettre et
tolérer l'exécution de compositions non approuvées.
15. — Ils veilleront à ce que les compositions choisies soient
convenablement interprétées par un nombre suffisant de chantres,
capables d'une exécution digne de la liturgie et de l'art, et c'est
pourquoi les chantres devront ,se réunir périodiquement pour les
répétitions jugées nécessaires. Mais pour cela, il est nécessaire que
les maîtres et exécutants soient équitablement rétribués. Par con-
séquent, dans le budget annuel de chaque église, on devra fixer la
somme destinée à cette fin, et pour ce motif aussi on devra dimi-
nuer les dépenses des pompes ou solennités fastueuses.
16. — Dans les instructions paroissiales ou autres occasions
propices, par eux-mêmes ou par le secours d'orateurs sacrés, ils
devront expliquer les intentions élevées du Saint-Père, en insistant
sur la réforme de la musique sacrée, invitant les fidèles à les
seconder spécialement en prenant une part active aux fonctions
saintes par le chant des parties communes de la Messe solennelle
{Kyrie, Gloria, etc.), par le chant de la psahnodie, des hymnes
plus connues et des cantiques en langue vulgaire.
17. — Dans ce but, que les RR. Curés, Recteurs et Supérieurs,
spécialement des églises principales, mettent tout leur zèle, en se
servant de l'aide d'une personne compétente et capable, à fonder
leur Schola cantoruni particulière. Que les Congrégations, les
Confraternités et les Sociétés catholiques de Rome, les écoles
populaires et les patronages, etc., s'emploient à promouvoir
efficacement l'instruction de leurs membres dans le chant sacré
186 Appendice.
populaire; enfin que la Direction diocésaine et chacune des
Directions paroissiales agissent dans le même sens, faisant en
sorte que cette noble entreprise soit accueillie par les diverses
associations et établie dans leurs statuts. En même temps, que
les Congrégations et les Instituts d'éducation de femmes l'acceptent
comme leur œuvre propre, afin que les filles et les garçons,
prenant part aux fonctions sacrées, chantent eux aussi la partie
qui regarde le peuple, servant d'exemple et d'encouragement au
reste des fidèles.
i8. Pour éviter les excès et abus de quelque genre que ce soit
dans les mélodies et dans les chants populaires, tous devront
agir, et toujours, conformément aux directions et sous la surveil-
lance de notre Commission romaine de musique sacrée, aidée par
l'appui de l'Association italienne de Sainte-Cécile.
470. — Dispositions particulièf'es.
19. — Toute ScJiola cantoruin ou Maîtrise aura sa bibliothèque
musicale particulière pour les exécutions ordinaires de l'église, et
possédera avant tout un nombre suffisant des livres grégoriens de
l'édition vaticane. Pour plus grande uniformité dans l'exécution
du chant grégorien dans les diverses églises de Rome, on pourra
les adopter avec l'adjonction des signes rythmiques de Solesmes.
Les compositions musicales destinées aux fonctions d'église, si
elles n'appartiennent pas à l'antique polyphonie classique, devront
avoir l'approbation de Notre Commission romaine de musique
sacrée; en général on peut considérer comme approuvées ces
messes publiées et approuvées déjà par l'Association Sainte-Cécile
d'Italie et d'Allemagne.
L'approbation sera refusée à toutes les compositions de style
défendu, quand bien même elles seraient présentées avec des
coupures et des modifications. Le Motii proprio déclare en effet
que la « structure intime, le rythme, et ce qu'on appelle le conven-
tiofialisine de ce style ne se plient que malaisément aux exigences
de la vraie musique sacrée. »
20. — Rappelons qu'il n'est pas permis d'omettre le chant de
quelqu'une des parties prescrites, propres ou communes, de la
messe, de l'office ou d'autres fonctions. Quand le rite l'exige on
devra donc répéter intégralement toutes les antiennes des psaumes
et des cantiques. Quand parfois il est permis qu'une partie*' du
texte liturgique soit suppléée par l'orgue, ce texte devra être récité
à voix bien intelligible, au chœur, ou par les chantres eux-mêmes
recto tono. En outre, on doit faire disparaître l'usage de ce qu'ori
appelle les contrepoints exécutés par cœur; dans le chant et dans
la répétition des antiennes, dans les répons et traits, etc. Quand ces
Législation ecclésiastique. 187
parties ne s'exécutent pas en grégorien, elles devront être chantées
d'une façon qui leur soit propre et qui demeure convenable.
21. — La voix seule ne doit pas entièrement dominer dans une
composition musicale sacrée, mais avoir seulement le caractère de
simple passage ou trait mélodique strictement lié au reste de la
composition.
22. — Au sujet des vêpres, Nous rappelons que, conformément
aux prescriptions du Cérémonial des EvêqueSy cet office doit être
exécuté en grégorien, suivant la vraie et pure tradition de l'Eglise,
par le chant psalmodique et antiphonique. Le caractère propre de
cette prière liturgique n'est pas cependant dénaturé quand les
psaumes, les hymnes et les cantiques se chantent en grégorien
alterné, comme le dit le Motu pjvprio, avec ce qu'on appelle les
faux-bourdons ou avec des versets du même genre composés
convenablement' Nous recommandons donc vivement qu'on géné-
ralise l'usage de chanter ainsi les vêpres, en faisant prendre ainsi
une part active au clergé et au peuple en plus de la Maîtrise ou
de la Schola. Bien que par concession, on puisse exécuter les
psaumes entièrement composés en musique, pourvu que cette
composition conserve le caractère de la psalmodie, nous avertissons
qu'on devra user de cette concession avec une grande réserve et
seulement quelquefois et non pour tous les psaumes des vêpres
(la même règle s'applique aux complies solennelles), afin de ne
pas transformer la fonction liturgique en un divertissement
musical, auquel le clergé et le peuple se contentent d'assister sans
y prendre une part active. Par conséquent les Révérendissimes
chanoines et les religieux astreints au chœur devront mettre tout
leur soin et leur diligence pour bien psalmodier et bien exécuter
les mélodies liturgiques, soit qu'ils chantent seuls, soit qu'ils
alternent avec les chantres, nonobstant toute coutume contraire,
gardant pour certain le principe général du Âiotu proprio^ qu'un
office religieux ne perd rien de sa solennité quand il n'est accom-
[)agné d'aucune autre musique que du chant grégorien.
23. — Les organistes, dans l'accompagnement, devront avoir
très grand soin de ne pas écraser les voix par une régistration
habituellement trop forte, spécialement par l'abus des anches;
cette discrétion s'observera surtout dans l'accompagnement du
chant grégorien. Ils devront faire usage, même dans les intermèdes,
de morceaux écrits et approuvés.
24. — Sans une autorisation spéciale, qu'on demandera chaque
fois à la S. Visite Apostolique, il n'est pas permis de jouer d'autre
instrument à l'église en dehors de l'orgue et de l'harmonium, et
nous prévenons qu'il n'est pas dans notre intention d'accorder une
telle permission, si ce n'est en quelque cas particulier et tout à fait
188 Appendice.
exceptionnel. Cette autorisation sera donc demandée à chaque
fois pour permettre aux sociétés musicales de jouer dans les pro-
cessions en dehors de l'église, à condition toutefois que dans ces
circonstances le concert musical se borne à exécuter des morceaux
religieux expressément composés à cette fin, ou mieux encore
pour accompagner quelque cantique exécuté en latin ou en langue
vulgaire par les chanteurs ou les fidèles.
25. — On montrera un soin spécial pour le choix de la musique
dans les fonctions cardinalices ou episcopales suivant l'importance
de la solennité prescrite. (Décret de la S. C. de la Cérémoniale,
30 mars 191 1). Ce même décret rappelle la règle qui exige que les
messes célébrées par un Révérendissime Cardinal soient accom-
pagnées du chant grégorien ou de la musique à voix seules.
Pendant ces messes pontificales on n'entend pas exclure le jeu de
l'orgue pour l'accompagnement du grégorien ou dans les inter-
mèdes, conformément à la rubrique.
26. — Dans les fériés et dans les dimanches de l'Avent et du
Carême, sauf les dimanches Gaudete et Laetare, le jeu d'un
instrument quelconque est défendu, même comme simple accom-
pagnement des voix. Toutefois on pourra tolérer l'accompagnement
discret de l'orgue ou de l'harmonium uniquement pour soutenir
les voix, seulement quand on exécute le chant grégorien et dans
le cas de vraie nécessité reconnu par Nous. Le jeu d'un instrument
quelconque, même comme simple accompagnement des voix,
reste absolument défendu dans les offices liturgiques des trois
derniers jours de la Semaine Sainte.
27. — Dans les messes chantées de Requiem^ on pourra tolérer
l'usage de l'orgue ou de l'harmonium, mais seulement pour accom-
pagner les voix. Aux messes privées de Requiem le jeu d'un
instrument quelconque n'est pas permis.
28. — Pendant les messes basses célébrées avec solennité on
pourra chanter des motets ou jouer de l'orgue conformément à la
rubrique. Toutefois, on s'arrangera de façon à ce que les chants et
les morceaux d'orgue se fassent entendre en dehors du temps où
le prêtre récite les Oraisons à haute voix, c'est-à-dire : pendant le
temps de la préparation et de l'action de grâces, de \ Offertoire à la
Préface, du Sanctus au Pater, de \ A gnus Dei à la Postcommunion,
en faisant cesser opportunément le chant et le jeu de l'orgue
pendant la récitation du Confíteor et de VEcce Agnus Dei, si on
donne la communion.
29. — Pendant les messes privées et dans les offices qui ne sont
pas strictement liturgiques (ex. : triduum, neuvaine, etc.), à l'expo-
Législation ecclésiastique. 189
sition du T. S. Sacrement sont permis les chants même en langue
vulgaire, pourvu que le texte littéraire et musical ait été
approuvé par l'Autorité ecclésiastique compétente. En exposant
le T. S. Sacrement, on ne devra chanter que des invocations ou
motets eucharistiques; le chant du Tantum ergo et du Genitori,
avant la bénédiction du T. S. Sacrement, devra être suivi immé-
diatement de \Oreinus et de la bénédiction; il n'est pas permis
pendant ces cérémonies successives de chanter autre chose en
latin ou en langue vulgaire.
30. — Nous faisons rem.arquer que c'est une erreur d'admettre,
comme quelques-uns l'ont imaginé, des offices non strictement
liturgiques ou extraliturgiques pendant lesquels on puisse exécuter
des compositions musicales de style libre et déjà condamnées ou
inadmissibles pour les offices liturgiques. Il convient, au contraire,
d'exiger le style digne et sérieux pour toute musique qu'on
exécute dans le lieu saint, dans une fonction sacrée quelconque;
pour celle de la liturgie solennelle d'autres règles particulières
sont prescrites.
31. — Dans les six mois qui suivront la publication du présent
Règlement, toutes les cantories devront être pourvues de jalousies
ou de grilles, qui puissent cacher aux fidèles la vue des chantres,
en même temps on supprimera les rehaussements intérieurs qui
rendent inutiles l'apposition des grilles.
32. — Les plans de restauration et d'acquisition de nouvelles
orgues, tant pour le côté technique que pour le point de vue artis-
tique, comme aussi pour la place ou la construction des cantories^
devront être soumis à la Commission romaine de musique sacrée ;
il est en effet inutile de remarquer qu'un bon instrument est un
facteur principal pour obtenir de bonnes exécutions de la musique
sacrée.
De notre Résidence, le 2 février 191 2.
PlETRO, Card. Vicario.
471. — Par son inspiration et son importance, la Lettre pasto-
rale de S. Em. le cardinal Dubois archevêque de Paris sur « Le
plain-chant gi'égorien et la prononciation romaine du latin » s'élève
à la hauteur des documents romains. Elle sera d'autant plus à sa
place ici, qu'au témoignage de la Semaine Religieuse de Paris
(numéro du 15 avril 1922, p. 545) : « elle fera époque dans
l'histoire de la restauration grégorienne ».
190 Appendice.
LE PLAIN-CHANT GRÉGORIEN
ET LA PRONONCIATION ROMAINE DU LATIN.
LETTRE PASTORALE
DE S. Ém. LE CARD. DUBOIS, ARCHEVÊQUE DE PARIS
ET ORDONNANCE
portant promulgation des livres de chant liturgique de l'édition vaticane.
Nos très chers Frères,
Le moment nous paraît venu d'introduire officiellement dans le
diocèse de Paris la réforme du plain-chant grégorien préparée et
promulguée par Pie X.
L'acte pontifical qui la rendait obligatoire pour toute l'Eglise
laissait aux évêques une certaine latitude motivée soit par les
délais nécessaires pour l'impression des nouveaux livres, soit par
des circonstances locales dont ils restaient juges.
Notre vénéré prédécesseur, le cardinal Amette, n'avait pas perdu
de vue cette réforme ; il se préparait à la réaliser quand la guerre
éclata. Il lui fallut la remettre à des temps meilleurs ; mais sa mort
inopinée ne lui laissa pas le loisir d'exécuter son dessein. A nous
de le reprendre. Un an déjà s'est écoulé depuis notre élévation au
siège de Paris : nous ne croyons pas pouvoir tarder davantage à
entrer dans la voie d'une réforme voulue par le Pape.
Quelques notes rapides sur le plain-chant grégorien éclaireront
l'opportunité et le sens de cette mesure où le goût de la beauté
musicale s'allie si bien avec le souci de la dignité du culte et la
recherche de l'unité liturgique.
I.
Le culte extérieur est un des éléments essentiels de la religion.
Il s'impose à l'homme — individu et société — comme un devoir
envei-s Dieu, créateur, bienfaiteur et principe de toute autorité et
de toute puissance.
L'Eglise en a minutieusement réglé l'ordonnance, voulant en
faire tout ensemble un digne hommage à Dieu, un aliment et un
appui pour la foi et la piété des fidèles.
Le chant sacré y a sa place — une place d'honneur. — Il
rehausse la beauté des cérémonies, il touche et élève les âmes, il
donne au sentiment religieux sa plus pénétrante expression. 11 est
comme l'explosion naturelle et sainte des dispositions intimes du
fidèle qui adore, loue et prie en commun avec ses frères.
Législation ecclésiastique. 191
Ce chant s'appelle grégorien. Mais il est bien antérieur au pape
saint Grégoire qui lui a donné son nom.
Ses origines plongent au-delà de l'ère chrétienne, dans les
cérémonies rituelles de l'Ancien Testament. Quelques-unes des
mélodies qui le composent nous apportent comme un écho des
chants de la Synagogue. Les premiers chrétiens, issus du judaïsme,
en avaient conservé le souvenir et, partiellement du moins, la
pratique. « Les psaumes, les hymnes et les cantiques spirituels » *
que saint Paul, recommande aux fidèles d'Éphèse, de Colosses et de
Corinthe, sont à n'en pas douter, ceux-là mêmes qu'ils chantaient
avant leur conversion. Ils possédaient de mémoire, sinon par écrit,
un recueil de chants liturgiques qui leur était commun avec leurs
frères des Synagogues.
La diffusion de l'Evangile contribua à enrichir, sans trop le
déformer d'abord, ce répertoire mélodique. Les réunions exclusive-
ment composées de fidèles orientaient les âmes dans un sens
nouveau : la croyance au Christ-Dieu, Sauveur et Rédempteur, la
pratique des mystères sacrés, les sentiments que suscitait chez ses
adeptes le culte chrétien renouvelèrent, en la stimulant, l'inspiration
religieuse.
Ce qu'était à cette époque lointaine le chant en usage dans
l'Eglise, nous le savons par des témoignages assez nombreux et
suffisamment précis des auteurs contemporains.
La psalmodie y eut longtemps la part la plus large. Familiarisés
avec le psautier et certains passages lyriques de l'Ancien et du
Nouveau Testament, les fidèles chantaient eux-mêmes, tantôt
reprenant en chœur un répons ou un verset, tantôt exécutant le
psaume tout entier en deux chœurs. Chants d'une simplicité
pénétrante qui touchaient si profondément saint Augustin et lui
arrachaient des larmes : « Et awrebant lacrimae et bene inihi erat
cum mis 2. Et mes larmes coulaient et j'en éprouvais une douce
jouissance ».
Aux psaumes et aux cantiques s'ajoutèrent peu à peu des
hymnes, surtout à l'époque de saint Ambroise ; puis à partir du
I V^ siècle, des mélodies ornées, où s exerce un art plus raffiné,
mais toujours respectueux du sentiment religieux. Parfois même
la mélodie reste seule, exprimant sans parole les divers sentiments
de l'âme : c'est la vocalise pure, « la jubilation ». « Celui qui jubile,
dit saint Augustin, ne prononce pas de mots, mais c'est un chant
de joie sans paroles. C'est la voix du cœur se fondant dans la joie
et cherchant le plus possible à exprimer des sentiments quand
même il n'en comprend pas la signification. » 3
' Eph. v. 19; Col. III, 16; /. Co7'. XIV, 26.
=• Conf., lib. IX, c. XIV.
3 E narrai, in Psahn. XCIX.
192 Appendice.
Ainsi, du IV^ au VI I^ siècle, le chant s'accrut d'éléments
nouveaux et assez mêlés pour que saint Grégoire ait résolu de le
réformer en l'organisant.
Ce grand Pape fut en effet — et surtout — un réformateur. Le
répertoire romain des chants liturgiques était constitué à son
avènement; mais déjà l'usage y avait introduit des abus. Il les
combattit efficacement avec une renommée qui, aujourd'hui encore,
auréole son nom et son œuvre.
L'œuvre grégorienne fut à la fois pratique et administrative. Le
biographe de saint Grégoire — le diacre Jean — la résume ainsi :
« Dans la maison du Seigneur, comme un autre savant Salomón
et à cause de la componction et de la douceur de la musique, le
plus zélé des chantres compila très utilement l'antiphonaire centón :
il constitua aussi la Schola cantoruni, qui chante encore dans
l'Eglise romaine d'après les mêmes principes. » ^
IMoine et abbé bénédictin avant d'être pape, Grégoire savait
chanter. Le pape saint Léon IV le rappelle à sa louange; il vante la
douceur de son chant et « la manière réglée par lui de chanter et
de lire dans l'Eglise ». Et il ajoute : « Toutes les églises ont reçu
avec avidité et un courageux amour la dite tradition de Grégoire... »
Les quelques résistances rencontrées ici et là ne font que souligner
l'importance et l'étendue de son action réformatrice.
Celle-ci s'exerça surtout par la Schola cantorum qu'il fonda, dota
et soutint, et dont il fit comme un institut professionnel de chant
liturgique en même temps qu'une école de chant pour les autres
diocèses.
Durant plusieurs siècles, l'impulsion grégorienne continua à se
faire sentir dans le même sens. Rome était devenue pour le chant,
comme elle le fut toujours pour le dogme, la morale et la discipline,
la maîtresse des autres Eglises. Ainsi voyons-nous saint Rémi
— frère de Pépin le Bref, — archevêque de Rouen, créer dans sa
ville épiscopale une école de chantres dont les maîtres avaient été
formés, au préalable, sous les yeux de Paul I'^^, à la Schola
cantorum fondée par saint Grégoire. Charlemagne tint la main
— une main parfois très dure — à assurer l'usage du chant romain
dans toute l'étendue de son empire. La raison qu'il donnait parfois
de ses exigences était, du moins, accessible à tous. Une année, au
cours des fêtes de Pâques qu'il célébrait à Rome, une vive querelle
s'éleva entre les chantres romains et ceux de la chapelle impériale.
La dispute s'envenima et parvint jusqu'aux oreilles de l'empereur.
Charles dit à ses chantres : « Quelle est l'eau la plus pure et la
meilleure, celle qu'on prend à la source vive d'une fontaine ou celle
des canaux qui n'en dérivent que de loin? » — Tous dirent que
' Jean, diacre, Vita S. Gres^orii, lib. II, c. VI. {P. Z., t. LXXV, col. 90.)
Législation ecclésiastique. 193
l'eau de la source était la plus pure et celle des canaux d'autant
plus trouble et plus chargée d'impuretés qu'elle venait de plus
loin. — « Remontez donc, reprit l'empereur, à la fontaine de saint
Grégoire, car, manifestement, vous avez corrompu les cantilènes
ecclésiastiques. Revertiniini vos ad fontem Sancti Gregorii gi4ta
tnanifeste co^^rupistis cantilenam ecclesiasticani. ^
L'Eglise d'Occident avait dès lors son chant liturgique univer-
sellement en usage. A mesure que se développe la liturgie, il
s'enrichit lui-même, et malgré d'inévitables fluctuations, il se
conserve à peu près intact durant de longs siècles, «jusqu'à ce que
certaines idées nouvelles viennent faire de cet édifice majestueux
un amas de ruines informes dans la seconde moitié du XVI«
siècle. »
On perdit peu à peu le sens du rythme traditionnel et avec lui
— c'était fatal — le goût pour les mélodies grégoriennes qui,
comparées à la musique, semblaient fades, bien pauvres d'expression
et fort peu intéressantes.
Un moment même, sous Grégoire XIII, le plain-chant courut
grand risque d'être corrigé suivant les lois de l'art musical :
autrement dit, il faillit périr. Il survécut néanmoins, mais le plus
souvent mal compris, défiguré par des retouches malheureuses,
mutilations ou surcharges, encombré de pièces nouvelles où le
particularisme et la fantaisie s'étaient donné libre cours. L'œuvre
d'art et d'unité, si parfaitement réalisée par saint Grégoire, allait
toujours se défigurant jusqu'à ce qu'on vît enfin, dans la seconde
moitié du XIX^ siècle, grâce surtout aux religieux Bénédictins, la
renaissance du chant liturgique.
Pie X la compléta et la consacra de sa suprême autorité.
Dès le début de son pontificat, il publiait, le 22 novembre 1903,
en la fête de sainte Cécile, un Motu proprio suivi d'instructions
pratiques sur « la musique sacrée ». Les principes énoncés, les
directions tracées constituent le code qui doit régler désormais,
dans les églises, l'exécution du chant et l'emploi des instruments
de musique.
Quelques mois plus tard, le 25 avril 1904, un nouveau Motu
proprio complétait le premier. Le Pape y ordonnait la publication,
par une Commission spéciale, des mélodies grégoriennes « rétablies
dans leur intégrité et leur pureté, conformément aux manuscrits
les plus anciens ».
Le travail, confié aux Bénédictins de Solesmes, fut, grâce à leurs
études antérieures et à leur compétence, rapidement mené à bonne
fin. En 1908 paraissait le Graduel et en 191 2 l'Antiphonaire. Ces
* Vita Caroli magni per ^notiachum Engolismensein .
N» 674. — 7
194 Appendice.
deux ouvrages remplaçaient dès lors officiellement toutes les autres
éditions antérieurement parues. Leur usage devenait obligatoire
dans toute l'Eglise latine.
Le Code de droit canonique se référant aux documents publiés
par Pie X confirme ainsi définitivement la réforme ^,
La restauration du chant grégorien était l'œuvre d'un pape qui
offrait avec saint Grégoire plus d'un trait de ressemblance. Comme
son illustre prédécesseur, Pie X, familier avec la tradition et la
pratique du chant de l'Eglise, était digne du titre de cantorum
studiosissùnus, et tous deux méritent bien l'éloge inscrit au livre
de V Ecclésiastique : Viros gloriosos et parentes nos tros... in peritia
requirentes modos músicos.
*
* *
L'édition vaticane des livres de chant liturgique ne donne pas
seulement le texte restauré des mélodies grégoriennes. Elle s'ouvre
par une magistrale préface où sont nettement exposés les carac-
tères d'un chant vraiment religieux.
Pour atteindre son but, qui est de rehausser la solennité des
offices et d'aider à la sanctification des fidèles, ce chant doit être
vraiment sacré, distinct des mélodies profanes par son inspiration,
son allure générale et sa méthode d'exécution... ^r<2z/^, comme tout
ce qui touche au culte divin, portant au recueillement, fermant
pour ainsi dire les yeux aux choses extérieures et ouvrant les
cœurs aux inñuences surnaturelles... expressif, donnant à l'âme une
voix pour traduire sa prière, son adoration, sa louange ; se faisant
l'écho de ce monde intérieur qui est en chacun de nous et où
vibre, parfois si vivement, le sentiment religieux... catholique, c'est-
à-dire accessible aux hommes de toutes les races, de tous les
pays, de tous les âges... simple enfin, d'une simplicité qui n'exclut
pas l'art, au contraire : une mélodie claire et pure exprime souvent
une beauté plus haute que les combinaisons musicales les plus
savantes.
Or, ces caractères sont précisément ceux du plain-chant gré-
gorien. On y goûte une saveur à la fois artistique et religieuse ;
une vertu spéciale semble s'en dégager qui exprime parfaitement
la prière liturgique.
A une condition cependant ; c'est que ce chant soit bien exécuté.
Nous voudrions maintenant, nos très chers Frères, vous donner
à cet égard quelques directions pratiques.
^ Can. 1264 § I. — Musicae in quitus sive órgano aliisve instrumentis, sive
cantu, lascivunt aut impuruyn aliquid 7nisceatur, ab ecclesîis omnino arceantur :
et leges liturgicae circa musicam sacram serventur.
Législation ecclésiastique. 195
II.
Chanter dans une église est une fonction religieuse ; il faut la
remplir dignement.
Dieu, dit le Psalmîste, est le roi de toute la terre; chantez avec
sdigç^ssQ. Rex omnis terrae Deus ; psallite sapienter.'^ Avec sagesse,
c'est-à-dire d'une manière digne de ce Roi suprême; digne aussi,
pouvons-nous ajouter, des ineffables condescendances dont l'Incar-
nation du Fils de Dieu est pour nous la source inépuisable.
Ne chante pas bien qui veut. Pour bien chanter, il faut de la
voix, une belle voix.
C'est quelque chose, assurément. Ce n'est pas assez. La voix est
un instrument naturel susceptible de perfectionnement. Elle
réclame d'être cultivée et assouplie, formée, en un mot, par des
exercices méthodiques. Travail inutile, dira-t-on. Non, puisqu'il
s'agit ici du service divin et de cette offrande que l'Ecriture
appelle Hostiani vociferationis : l'offrande des voix qui chantent à
la gloire de Dieu.
De plus, le chant sacré est un art où, si belle voix qu'on ait, on
ne saurait s'improviser maître. Il y faut au préalable une initiation
progressive. La foule, à coup sûr, en doit être dispensée. Elle n'a
ni les moyens ni les loisirs de la recevoir. Et la part qu'elle est
appelée à prendre aux chants liturgiques est d'ailleurs des
plus simples.
Mais cette initiation s'impose au clergé et à tous ceux qui ont
l'honneur de chanter au lutrin.
Au clergé en premier lieu.
Dans son Motu proprio sur la musique sacrée. Pie X lui trace
son devoir en édictant certaines prescriptions relatives aux clercs
des Séminaires et aux prêtres des paroisses. Voici les principales.
Elles montrent la place importante occupée par la réforme dans
la pensée du Souverain Pontife.
« Dans les Séminaires des clercs et dans les institutions ecclé-
siastiques, d'après les prescriptions du Concile de Trente, on fera
cultiver par tout le monde, avec diligence et amour, le plain-chant
grégorien traditionnel;... et les supérieurs seront en cette matière
très larges d'encouragements envers les jeunes gens qui leur sont
confiés. De la même façon, si la chose est possible, on encouragera
parmi les clercs la fondation d'une Schola cantoruni pour
l'exécution de la polyphonie religieuse et de la bonne musique
liturgique.
^ Ps. XLVI, 8.
196 Appendice.
5> Dans les cours ordinaires de liturgie, de morale, de droit
canonique, donnés aux étudiants en théologie, on ne laissera pas
de toucher les points qui regardent plus particulièrement les
principes et les lois de la musique sacrée, et on cherchera à
adjoindre à la doctrine quelques instructions spéciales sur l'esthé-
tique de l'art religieux, añn que les clercs, sortis du Séminaire,
possèdent toutes ces notions nécessaires à une complète culture
ecclésiastique.
» On aura soin de restituer, au moins près des principales
églises, les antiques Scholae cantorum^ comme on l'a déjà pratiqué
avec d'excellents résultats en bon nombre de lieux. Il n'est point
difficile à un clergé zélé d'instituer même de telles Scholae dans
les petites églises et celles de campagne, et il trouvera ainsi \¡w
moyen assez facile de grouper autour de lui les enfants et les
jeunes gens pour leur propre profit et l'édification du peuple.^ »
Le clergé doit donc, pour se conformer aux prescriptions de
Pie X, se faire le propagateur éclairé du plain-chant grégorien
auprès des laïques, des chantres plus spécialement et des enfants.
Ceux-ci, une fois instruits, en propageront peu à peu la pratique
parmi les autres fidèles.
Elle s'est répandue déjà dans ce diocèse, grâce en particulier à
M. Bordes, à la Schola cantoruDi et à un certain nombre d'autres
Scholae florissantes. Enfants, jeunes gens, jeunes filles aussi, y
rivalisent de bonne volonté et de goût artistique. Nous les
félicitons vivement ainsi que leurs bienfaiteurs et leurs maîtres
dévoués, ecclésiastiques et laïques. Nous comptons sur eux pour
assurer chez nous le succès de la réforme grégorienne.
Plusieurs méthodes sont proposées pour la bonne exécution du
chant grégorien. Elles ne diffèrent pas essentiellement : leur point
de départ est marqué par des principes communs. Question de
nuances, surtout. Il ne s'agit donc que de chercher la meilleure
réalisation pratique de ces principes dans l'interprétation des
mélodies sacrées.
Il nous est bien permis d'avoir nos préférences, amplement
motivées, d'ailleurs : elles vont à la méthode de Solesmes. C'est
elle que nous recommandons. Depuis plus de cinquante ans, les
moines de cette célèbre abbaye ont fait du chant grégorien l'objet
continuel de leurs travaux. Des résultats de leurs recherches mis
en commun est née cette méthode qui, au dire des plain-chantistes
les plus experts, est la plus rationnelle et donne les meilleurs
résultats. Elle est la plus facile enfin, grâce aux signes rythmiques,
qui dans les éditions solesmiennes guident les chantres et per-
mettent aux groupements les plus divers d'origine d'exécuter les
* Motu proprio du 22 novembre 1903, n°^ 25, 26 et 27.
Législation ecclésiastique. 197
mélodies dans une harmonieuse unité. Nous verrons donc volon-
tiers ces éditions exclusivement adoptées dans nos paroisses et
nos communautés.^
* *
Montons plus haut que ces considérations d'ordre technique.
Les formules chantées dans nos églises ne sont point des paroles
profanes. L'Eglise les a tirées des Saints Livres ou empruntées
aux textes les plus vénérables de la littérature sacrée. La foi la
plus ardente les a inspirées; elles nous arrivent toutes chargées de
la dévotion de nos ancêtres; elles sont la prière authentique de
l'Eglise. C'est d'elles qu'on a pu dire avec raison qu'une loi iden-
tique règle et la croyance et la prière, lex orandi, ¿ex credendi. Et
les neumes eux-mêmes, les jubili, traduisent par la succession
mélodieuse de leurs notes sans paroles des sentiments vraiment
religieux et, comme le dit saint Augustin, « la joie de l'âme qui
comprend que les paroles ne sauraient exprimer ce que chante
le cœur. »2
Pratiquement donc, comment faut-il chanter à l'Eglise?
Tout d'abord, avec modestie : reverenter. C'est la recomman-
dation du Concile de Trente. Une église n'est pas une salle de
spectacle, mais un temple. On doit y respecter la présence de
Dieu. Les voix s'y feront donc entendre sans affectation ni
recherche de vanité. « Vocis sonum vibret modestia, dit saint
Ambroise. Que la modestie fasse vibrer votre voix. »3
Plus encore; il faut chanter avec dévotion, d'esprit et de cœur
en même temps que de bouche. Seule, l'âme pénétrée par le
sentiment religieux donne aux mélodies sacrées leur puissance
d'émotion et leur assure leur action bienfaisante. Elle seule en
fait vraiment, pour Dieu, un sacrifice de louange et pour les
auditeurs un appel à la prière. Saint Augustin le dit excellemment :
<iPsallam sph'itu, psallani et mente... non quaer entes sonum vocis,
sed himen cordis.'^ Je chanterai avec mon esprit, je chanterai aussi
avec toute mon âme... ne cherchant pas le son qui flatte l'oreille,
mais la lumière qui éclaire le cœur. » Et ailleurs à propos des
psaumes : « Si orat psalmus, orate ; si gémit, gemite; si gratulatur,
gaudete; si sperat, sperate; si timet, timete.s Si le psaume prie,
^ Sur la légitimité, la diffusion et l'utilité des éditions solesmiennes de plain-
chant grégorien, voir la brochure Les Editions rythmiques de Solesmes à propos
d^une ^.association cécilienne française .!> Brochure in-8°, 50 pages. Desclée et C'^
Paris, Lille, Tournai.
"" S. Aug. Conwi. in Psalm. XXXI l.
3 De off. I, xviii.
4 In Psalm., XLVI.
5 In Psalm. XXX.
198 Appendice.
priez ; s'il gémit, gémissez ; s'il chante la joie, réjouissez-vous ; s'il
parle d'espérance, espérez; s'il exprime la crainte, craignez. »
Est-ce possible, diront la plupart des fidèles : nous ignorons le
latin. Comment nous associer à des sentiments exprimés en un
langage inconnu?
C'est vrai, la langue ofiicielle de l'Eglise n'est pas comprise du
grand nombre. Que ceux-là du moins qui le peuvent se pénètrent
bien du sens des paroles. Leur dévotion y gagnera, leur chant en
sera plus expressif et plus beau.
Les autres, avec un peu de bonne volonté, arriveront à un même
résultat. Les textes liturgiques ont été traduits fidèlement. Suivez
ces traductions, nos très chers Frères ; consultez-les. Lisez d'avance
attentivement les textes français des offices ; vous vous impré-
gnerez facilement du sens général des paroles que vous aurez
à chanter.
Et à défaut de cette préparation pourtant facile, la pensée de
la présence de Dieu, la persuasion qu'en chantant à l'église vous
remplissez une fonction sainte, n'est-ce pas suffisant pour orienter
vos âmes dans un sens religieux et les tenir recueillies sous le
regard de Dieu adoré, loué, supplié avec les paroles de la liturgie?
III.
La perfection du plain-chant grégorien est intimement liée à
une correcte prononciation des paroles.
Sans doute, la mélodie est en elle-même indépendante du texte;
mais elle fait corps avec lui dans l'exécution. Disons plus : la pro-
nonciation des mots latins a exercé une inñuence active et parfois
déterminante sur la formation de certaines phrases grégoriennes.
Or, les grégorianistes sont unanimes à le dire, notre pronon-
ciation française du latin est incompatible avec la restauration
intégrale des ^mélodies prescrites par le Saint-Père.
x^ussi que voyons-nous? Partout où s'introduit en France la
réforme du chant liturgique, celle de la prononciation est, tôt ou
tard, adoptée. On y est tout naturellement amené par le souci de
l'art musical, par le désir de donner toute leur valeur aux divers
éléments de la mélodie.
Ce n'est point ici le lieu d'entrer dans de multiples détails. Pour
ne citer que deux exemples : le rythme mélodique ne saurait être
parfaitement rendu si on ne fait pas sentir comme il faut l'accent
tonique ; et les vocalises si nombreuses dans le répertoire grégorien
perdent leur caractère esthétique si on les exécute sur des syllabes
nasales ou sur la lettre u prononcée à la française.
Législation ecclésiastique. 199
La réforme de la prononciation du latin n'est donc pas, comme
d'aucuns le croient, l'effet d'un caprice ou d'une fantaisie, l'abandon
trop facile d'une tradition où d'autres voudraient voir, bien à tort,
une défaillance du patriotisme; c'est une mesure parfaitement
motivée : elle a sa place dans l'ensemble même de la réforme du
plain-chant. Celle-ci sans celle-là serait incomplète. Ne faisons pas
les choses à demi ; et même s'il en coûtait à notre amour-propre
ou à nos habitudes, sachons, dans l'intérêt de la beauté du culte et
du chant religieux, leur imposer un sacrifice nécessaire.
*
* *
Est-ce bien un sacrifice, d'ailleurs? Envisageons la question à
un point de vue plus général. Nous, Français, n'hésitons pas à
ravouer,'nous'prononçons mal le latin, si mal que nous parvenons
à nous faire comprendre difficilement en cette langue des étrangers
qui la connaissent. Des faits nombreux le prouvent. A Rome, en
particulier, où le latin est d'usage assez courant, on en fait cons-
tamment l'expérience.
Nous sommes les héritiers d'une évolution linguistique qui, à
mesure qu'elle s'éloigne de son point de départ, s'écarte aussi
davantage de la correction originelle. Cette évolution s'est produite
chez toutes les nations issues du démembrement de l'empire
romain après l'invasion des Barbares. « En conflit avec leurs rudes
langues, le latin y devait perdre fatalement la pureté de son
accent et se fractionner en mille courants, en se pliant aux habi-
tudes phonétiques des peuples. » ^
Nulle part le latin ne s'est trouvé plus défiguré que chez nous,
surtout à partir de la Renaissance. La prononciation du français
a exercé sur celle de la langue dont il dérive une fâcheuse
influence. Plus d'accent tonique régulièrement placé, multiplication
des syllabes nasales, modification de certaines voyelles et diph-
tongues, toutes choses qui ont notablement changé, en France, la
physionomie normale de la langue latine.
Ce fait attirait, il y a quelques années, l'attention de l'Université
où se formait un mouvement réformiste. Un certain nombre de
ses membres — professeurs de Lycée ou de Faculté — se faisaient
les partisans d'une réforme qui fut mise à l'ordre du jour du
Conseil supérieur de l'Instruction publique et bienveillamment
accueillie pour lors par le ministre.
Dans l'enseignement libre, on luttait pour la même cause. Son
plus ardent champion était M. l'abbé Ragon, philologue distingué,
professeur à l'Institut catholique de Paris. Il poursuivait, avec sa
ténacité habituelle et sa compétence, l'idée savamment et prati-
* J. Delporte, La Prononciation romaine du latin^ p. 4.
200 Appendice.
quement motivée de « modifier la leçon incorrecte et insolite dont
les Français seuls au monde prononcent le latin. »
Savamment, disons-nous, au nom de la vérité linguistique. Et
pratiquement aussi.
« N'est-il pas convenable et en même temps utile, disait-il, que
la langue officielle de l'Eglise catholique soit prononcée à peu
près de la même façon par tous ses enfants ; qu'un prêtre français
puisse converser en latin avec un prêtre étranger, qu'un étudiant
français puisse suivre les cours d'un théologien italien, qu'un
évêque puisse chanter la Messe en tout pays sans être dérouté ni
dérouter ceux qui l'entendent?»^
Aux Congrès de 1' « Alliance des maisons d'éducation chré-
tienne », en 1902 et en 1907, la question fut posée et elle reçut un
accueil favorable. Le Congrès de 191 1 émit le vœu suivant, adopté
à l'unanimité :
« Que dans toutes les maisons alliées, la réforme de la pronon-
ciation du latin se fasse avec l'agrément et sous la haute direction
de NN. SS. les évêques selon les lois normales, à commencer par
l'accentuation. »2
Nous avons assisté en spectateur très sympathique à ce mou-
vement de réforme qui servait plus ou moins directement la cause
grégorienne.
Déjà, il nous a paru opportun de la promouvoir nous-même et
d'apporter ainsi notre part de collaboration à une œuvre qui nous
était particulièrement chère.
Dès 1880, en notre diocèse d'origine, nous avions vu les Béné-
dictins de Solesmes, restaurateurs avisés du chant grégorien,
abandonner en connaissance de cause notre prononciation du latin
pour prendre celle de Rome. Sous cette nouvelle parure, il nous
semblait que les textes liturgiques, pieusement et savamment
modulés, avaient à la fois plus de vie et de puissance d'expression.
Plus tard, en conformité avec ces souvenirs et dès que fut pro-
mulgué le Motu p7'oprio de Pie X, nous avons pris nous-même
l'initiative de la réforme dans notre diocèse de Verdun. En même
temps, une mesure analogue était adoptée dans plusieurs diocèses
de France. A Bourges, sans même que nous eussions à intervenir
personnellement, la réforme s'introduisit dans les Séminaires et
dans un certain nombre de paroisses, après avoir été accueillie
spontanément par le Chapitre primatial.
Et c'est au cours de notre ministère episcopal en Berry que le
Souverain Pontife nous a honoré à ce sujet d'une lettre qui était
* D Enseigne?nent chrétien^ I907i P- 201.
" Alliance des maisons d'éducation chrétienne. — Vingt-six Congrès péda-
gogiques (rapport de M. l'abbé Mouchard), p. 989.
Législation ecclésiastique. 201
un pressant encouragement à persévérer dans la voie où nous
avions cru devoir entrer. Nous ne saurions mieux faire que de la
reproduire ici :
A Notre Véîiérable Frère Louis-Ernest Du BOIS,
Archevêque de Bourges.
VÉNÉRABLE Frère,
Votre lettre du 21 juin dernier, comme aussi celles que nous
avons reçues d'un grand nombre de- pieux et distingués catho-
liques français, Nous ont appris, à Notre grande satisfaction, que,
depuis la promulgation de Notre Motu proprio du 22 novembre 1903
sur la musique sacrée, on s'applique avec un très grand zèle, dans
divers diocèses de France, à faire en sorte que la prononciation de
la langue latine se rapproche de plus en plus de celle qui est
usitée à Rome, et que l'on cherche, en conséquence, à rendre plus
parfaite, selon les meilleures règles de l'art, l'exécution des mélo-
dies grégoriennes, ramenées par Nous à leur ancienne forme
traditionnelle. Vous-même, quand vous occupiez le siège episcopal
de Verdun, vous étiez entré dans cette voie et vous aviez pris pour
y réussir des dispositions utiles et importantes.^ Nous apprenons,
d'autre part, avec un vif plaisir, que cette réforme s'est déjà
répandue en beaucoup d'endroits, et qu'elle a été introduite avec
succès dans un grand nombre d'églises cathédrales, de séminaires,
de collèges et jusque dans de simples églises de campagne. C'est
que, en effet, la question de la prononciation du latin est inti-
mement liée à celle de la restauration du chant grégorien, objet
constant de nos pensées et de nos recommandations depuis le
commencement de notre pontificat. L'accent et la prononciation
du latin eurent une grande influence sur la formation mélodique
et rythmique de la phrase grégorienne, et, par suite, il est impor-
tant que ces mélodies soient reproduites dans l'exécution, de la
manière dont elles furent artistiquement conçues à leur origine.
Enfin, la diffusion de la prononciation romaine aura encore cet
autre avantage, comme vous l'avez fort bien remarqué, de conso-
lider de plus en plus l'œuvre de l'unité liturgique en France, unité
accomplie par l'heureux retour à la liturgie romaine et au chant
grégorien. C'est pourquoi nous souhaitons que le mouvement de
retour à la prononciation romaine du latin se continue avec le
même zèle et les mêmes succès consolants qui ont marqué jusqu'à
présent sa marche progressive, et, pour les motifs énoncés plus
haut, nous espérons que, sous votre direction et celle des autres
membres de l'épiscopat, cette réforme puisse heureusement se
propager dans tous les diocèses de France. Comme gage des
faveurs célestes, à Vous, Vénérable Frère, à vos diocésains et à
202 Appendice.
tous ceux qui Nous ont adressé des demandes semblables à la
vôtre, Nous accordons de tout cœur la bénédiction apostolique.
Du Vatican, le lo juillet 1912.
Plus PP. X.
Notre ligne de conduite est nettement tracée. Le Pape n'impo-
sait aucune obligation, mais sa pensée était clairement exprimée.
Pouvions-nous hésiter à poursuivre une réforme si hautement
désirée, si conforme aux vœux du Souverain Pontife?
Le vœu de Pie X est aujourd'hui celui de Benoît XV : il n'est
peut-être pas inutile de l'affirmer. A plusieurs reprises, il a
manifesté son désir de voir aboutir partout, en France, la réforme
heureusement inaugurée. Il l'exprimait personnellement à S. Em. le
cardinal Maurin et à nous-même le jour où, par une bienveillance
dont nous demeurons touché, il daignait imposer de ses mains le
pallium à l'archevêque de Lyon et à l'archevêque de Rouen le
jour de leur entrée au Sacré-Collège. Plus récemment, lors de la
publication, dans le diocèse de Rouen, d'un nouveau Livre d'offices,
il voulait bien nous honorer d'une lettre entièrement autographe,
où il appuyait de son autorité les dispositions prises par nous
dans ce diocèse. Enfin, l'an dernier encore, le 10 juin 1920,
S. Em. le cardinal Gasparri adressait au nom du Saint-Père une
lettre très élogieuse à M. l'abbé J. Delporte, de Roubaix, à l'occa-
sion de la nouvelle édition de son opuscule sur la Prononciation
romaine du latin : lettre caractéristique où s'ajoutent aux encou-
ragements et aux vœux de Benoît XV les vues les plus hautes
sur les heureux résultats — religieux et sociaux — qu'on est en
droit d'attendre de cette réforme.
Pour des fils soumis et respectueux, le désir d'un père est un
ordre. Nous réformerons donc, nos très chers Frères, notre pronon-
ciation du latin.
Ecartons d'abord une formule par trop simpliste et quelque peu
naïve. Pour beaucoup, la réforme doit consister — exclusivement —
« à prononcer en ou ». Oui, vraiment, c'est trop simple. S'en tenir là,
ce serait émailler notre prononciation, nullement modifiée par
ailleurs, de sonorités qui détonneraient dans l'ensemble et la
feraient paraître plus défectueuse encore. N'est-ce pas une des
raisons pour lesquelles la réforme suscite parfois des critiques et
rencontre des oppositions?
Mieux comprise, elle doit rallier tous les suffrages.
Un premier point d'abord — de tous le plus important. — Il
s'agit de l'accentuation.
Habitués à prononcer les mots latins comme les mots français,
nous faisons porter notre voix sur les syllabes finales. Rien n'est
plus contraire au génie de la langue latine. Dans tous les mots
I
Législation ecclésiastique. 203
latins qui ont un sens complet, une syllabe au moins se distingue
des autres par ce que les grammairiens nomment un ictus^ une
impulsion de la voix. Cette syllabe est plus énergiquement frappée,
à la fois plus aiguë et plus forte, mais non pas nécessairement plus
longue. Elle apparaît comme en relief dans le corps même du mot;
elle n'en est pas, comme en français, la finale. L'accent — l'accent
tonique, comme on l'appelle — est l'âme des mots; il leur donne
la souplesse et la variété de la vie. « Mal accentué, non seulement
le latin perd beaucoup de son harmonie, de sa fermeté, de sa clarté,
mais il devient incompréhensible pour ceux qui l'accentuent cor-
rectement... De plus, lorsqu'on chante, la violation des règles de
l'accentuation a quelque chose de particulièrement choquant :
aussi, la connaissance de l'accent latin importe grandement à la
bonne exécution de la psalmodie et du chant liturgique. » ^
On veillera donc, tout particulièrement, à bien accentuer. Nous
adressons tout spécialement cette recommandation aux élèves de
nos Séminaires et de nos maisons secondaires d'éducation. Ce qu'ils
font pour les langues étrangères, l'allemand et l'italien par exemple,
pourquoi ne le feraient-ils pas pour le latin? Il existe, à cet égard,
un laisser-aller inexplicable, comme si l'on pouvait, sans scrupule,
se permettre de déformer la langue latine, sous prétexte qu'elle est
une langue morte.
Et cela même n'est pas tout à fait exact. Le latin n'a jamais
cessé d'être — il est encore aujourd'hui — une langue vivante.
C'est la langue de l'Eglise romaine, qui la parle par la bouche de
ses Papes, de ses Conciles, de ses Congrégations, de ses théologiens,
de ses canonistes. C'est la langue de l'administration ecclésiastique,
de la liturgie catholique occidentale. Et c'est aussi, par tout le
monde, la langue des esprits cultivés, la vraie langue internationale
dont l'usage généralisé éviterait aux différentes nations certains
froissements d'amour-propre et servirait utilement la cause de la
pacification des peuples. Elle a constitué, à travers les siècles, une
littérature incomparable, illustrée par de nombreux chefs-d'œuvre
profanes et sacrés et dont les trésors, grâce à l'Eglise, n'ont cessé
de s'enrichir. Le latin est parlé à Rome depuis plus de deux mille
ans sans interruption jusqu'à nos jours.
Dès lors, à qui pose cette question : Comment convient-il de
prononcer le latin? nous répondons sans hésiter, avec Pie X et
Benoît XV : comme à Rome.
*
Et c'est le second point de la réforme.
Nous ne prétendons pas, en effet, restaurer intégralement la
prononciation classique. Cette restauration, qui sourit aux univer-
* E. Ragon, r Enseignement chrétien^ 1905? P- io3-
204 Appendice.
sitaires partisans de la réforme, n'irait pas sans difficultés... Serait-
elle même possible? La prononciation classique n'est pas tellement
connue aujourd'hui, même des savants, qu'il ne règne à son sujet
quelque indécision. Où commence-t-elle? Où finit-elle? Peut-on
en préciser les éléments avec une certitude absolue? A la Renais-
sance, des savants comme Juste Lipse s'y sont essayés : ils n'ont
pas résolu tous les problèmes de linguistique soulevés par cette
question... Nous comprenons d'ailleurs la satisfaction raffinée de
s'essayer à imiter d'aussi près que possible le parler de César ou de
Cicerón. Mais telle n'est pas notre intention.
Nous ne faisons pas d'archéologie.
Notre but est tout pratique : assurer la bonne exécution du
plain-chant grégorien. Et pour l'obtenir, il n'est pas, croyons-nous,
de meilleur moyen que d'adopter la prononciation romaine du
latin. Prononçons donc le latin comme on le prononce à Rome
aujourd'hui.
Pourquoi? Parce que le Pape le désire? Oui, certes, et cela doit
suffire à des catholiques.
Mais le désir du Pape est scientifiquement motivé. Il vise la
perfection des mélodies grégoriennes, il s'appuie sur les conclusions
les mieux établies de l'histoire des langues. Une simple réflexion
suffira, pensons-nous, à le prouver.
Comme toute langue vivante, le latin a évolué suivant des lois
phonétiques connues. Mais, à Rome, cette évolution n'en a pas
corrompu la prononciation; elle l'a modifiée normalement. Il n'en
fut pas de même dans les autres pays; de là de notables divergences
qui constituent aujourd'hui les particularités des différentes
prononciations nationales. « Il va de soi que le pays d'origine d'une
langue fera subir à cette dernière des transformations plus en
rapport avec son génie intime que ne peuvent le faire les provinces
où cette langue n'a jamais été qu'une importation. Rome est
toujours restée, pour le latin, ce que sera toujours l'Ile-de-France
pour le français, la Castille pour l'espagnol. En outre, il n'est pas
inutile d'observer que les Barbares, qui se fixèrent à peu près
partout dans l'Empire romain, ne firen^ jamais que passer à Rome.
En sorte que cette cause si profonde de l'altération du langage n'a
pas existé, en proportion notable, pour le Latium. Aussi, la
prononciation romaine actuelle du latin peut-elle, à bon droit, être
considérée comme le résultat de l'évolution la plus normale qui
puisse être. » ^
Nous l'adopterons dans notre diocèse de Paris. C'est fait déjà
dans quelques-unes de nos paroisses et dans nombre de nos
communautés. Le Chapitre métropolitain, sollicité par le cardinal
* Dom Jeannin, la Prononciation rotnaine du latin^ p. 15 et 1 6.
Législation ecclésiastique. 205
Amette, en avait accepté le principe dès le 3 janvier 191 3, dans
une de ses réunions capitulaires.
Nous faisons maintenant appel à la bonne volonté de tous,
ecclésiastiques et laïques. Au cours des dernières retraites pastorales,
nos prêtres nous ont témoigné, à cet égard, un empressement qui
nous fut fort sensible et dont nous tenons à les remercier. Nous
n'en saurions douter, les autres membres du clergé et tous nos
fidèles imiteront ce bel exemple de déférence et de docilité.
Ainsi contribuerons-nous tous, pour notre modeste part, à
réaliser, suivant le désir du Souverain Pontife, l'unité de pronon-
ciation du latin, pour qu'un jour prochain soit vraie, dans toute
l'Eglise romaine, la belle formule d'unité religieuse : unus cultus^
U7t7is cantus, una lingua : un seul culte, un seul chant, une seule
langue.
Nous aimons à le dire en terminant; la splendeur du culte nous
est particulièrement à cœur. Rien ne nous paraît trop beau pour le
service de Dieu. Nous nous plaisons à voir tous les arts concourir
dans nos églises et par elles à rendre un merveilleux concert
d'hommages à Celui qui en est l'âme et qui s'y immole pour nous.
De ce concert magnifique, les mélodies liturgiques sont la voix
la plus expressive pourvu qu'elles soient clairement comprises,
bien senties, parfaitement exécutées.
C'est à cette perfection de louange religieuse que nous vous
convions, nos très chers Frères, heureux de penser que notre
invitation, qui est celle même du Souverain Pontife, trouvera dans
vos âmes un fidèle écho.
A CES CAUSES : etc..
Donné à Paris, en notre palais archiépiscopal, sous notre seing
et notre sceau et le contre-seing du chancelier de notre archevêché,
le 9 octobre 1921, en la fête de saint Denis, premier évêque
de Paris.
f Louis, cardinal DuBOlS,
aixhevêque de Paris.
Par mandement de Son Eminence,
E. WlESNEGG, chanoire honoraire^ chancelier.
472. — Ce remarquable document a valu à son éminent auteur
la lettre suivante de S. S. Pie XI par laquelle nous terminons, et
dont la portée et îe sens n'échapperont à personne.
206 Appendice.
A Notre cher Fils,
le cardinal Louis Dubois, du titre de Sainte-Marie in Aquiro,
archêque de Paris.
Pie XI, Pape.
Notre Cher Fils,
Salut et bénédiction apostolique.
Il nous a été très agréable de recevoir le filial hommage que
vous Nous avez fait de votre Lettre pastorale portant promulgation
dans votre archidiocèse de Paris des livres de chant liturgique de
l'édition vaticane.
Et volontiers, Nous voulons saisir cette occasion pour déclarer,
dès le début de Notre pontificat, combien Nous aussi, joignant
Notre voix à celles de Nos vénérés prédécesseurs, notamment des
Papes Pie X et Benoît XV, de sainte mémoire. Nous avons à cœur
de promouvoir et d'assurer la perfection et la splendeur du culte
liturgique, très spécialement en ce qui regarde le chant sacré.
C'est pourquoi, est-ce avec un vif intérêt que Nous avons pris
connaissance de votre Lettre pastorale. En une rapide synthèse,
vous instruisez vos pieux fidèles, et, après leur avoir fait connaître
l'histoire des origines vénérables et de la restauration du chant
grégorien, vous leur donnez des directions propres à en assurer
efficacement, dans une exécution pratique, le caractère tout à la
fois religieux et artistique. Aussi bien la présente Lettre pastorale
est-elle une preuve nouvelle des nobles efforts que vous n'avez
cessé de prodiguer, depuis de longues années déjà, pour seconder
les désirs de Nos vénérés prédécesseurs au sujet de la prononciation
du latin. Il Nous plaît donc. Notre cher Fils, de vous exprimer, à
Notre tour. Nos félicitations et, en témoignage de Notre paternelle
bienveillance, et comme gage des faveurs divines. Nous vous
accordons de tout cœur à vous-même, Notre cher Fils, ainsi qu'au
clergé, aux communautés religieuses et aux fidèles de votre archi-
diocèse, la bénédiction apostolique.
Donné à Rome, près Saint-Pierre, en la fête de saint Grégoire
pape, le 12 mars 1922.
Plus PP. XI.
->x<*
TABLE DES MATIERES.
Au R. P. Dom André Mocquereau iv
Préface de l'auteur v
Préface du traducteur Vil
PREMIÈRE PARTIE.
Première Leçon. — Définition de la musique et du chant grégo-
rien. — Les notes et leurs noms. — La note ordinaire et ses
modifications. — La clef. — Le guidon. — La virgule. — Les
lignes de séparation i
Deuxième Leçon. — ÉcheUe diatonique. — Tons et demi-tons. —
Le bémol. ^=— Le bécarre. — Échelle chromatique ... 4
Troisième Leçon. — Intervalle. — Intervalles conjoints et dis-
joints. — Intervalle de seconde : majeure et mineure. — Exercices. 5
Quatrième Leçon. — Parfaite émission des notes. — Exercices de
solfège par intervalles de seconde. ...... 6
Cinquième Leçon. — Neumes : de deux, de trois et de quatre
notes. — Neumes spéciaux. — Exercices ..... 8
Sixième Leçon. — Émission de la voix : règles. — Vocalisation :
règles : exercices .......... 10
Septième Leçon. — Style lié. — Avertissements. — Règles. —
Exercices 12
Huitième Leçon. — Intervalles de tierce : majeure et mineure. —
Exercices 14
Neuvième Leçon. — Intervalle de quarte : juste et augmentée. —
Exercices ........... 15
Dixième Leçon. — Intervalle de quinte : juste et diminuée. —
Exercices ........... 17
Onzième Leçon. — Intervalles de sixte, de septième et d'octave . 18
Douzième Leçon. ' — Importance de la bonne lecture. — Règles
essentielles. — Prononciation : voyelles, consonnes, syllabes . 19
Treizième Leçon. — Accentuation. — Accent tonique. — Accents
principal et secondaire ......... 21
Quatorzième Leçon. — Phrasé. — Union et distinction. — Mots :
incises : membres : phrase. — Accents phraséologiques. —
Exercices 21
DEUXIÈME PARTIE.
Chapitre premier.
Tonalité grégorienne. — Son importance. — Gamme fondamen-
tale. — Eléments constitutifs du ton. — Extension mélodique. —
Tons et demi-tons. — Toniques. — Dominantes : leur impor-
tance. — Tableau complet. — Tonique et dominante de chaque
mode. — Tons transposés : mixtes. — Modulations : Chan-
gements de mode. — La modulation grégorienne est riche et
mixte. — Exercices 25
208 Table des Matières.
Chapitre deuxième.
Chant des psaumes. — Leur tonalité. — Psalmodie. — Parties
dont se compose im verset. — Tableau des huit tons. — La
dominante et la finale. — Manière d'adapter le texte. —
Cadences fixes : cadences variables. — Cadences à un accent :
cadences à deux accents. — Règle unique. — Intonation :
teneur : flexe : mediante : terminaison.— Tonus peregrinus. —
Mediantes solennelles. — Tonus <L in directum >. — Remarque. — •
Diapason ........... 41
Chapitre troisième.
Dît ryth7ne. — Avertissement préliminaire. — Qu'est-ce que le
rythme : matière et forme. — Arts de repos et arts de mou-
vement. — Qu'est-ce qui détermine la forme du rythme. —
Rythme élémentaire ou à temps simples. — Arsis, thésis. —
Temps composé. — Rythme simple à temps conjposés. —
Neutralité des groupes. — Rythme composé : par juxtapo-
sition, par contraction. — Thésis masculine, thésis féminine. —
L'ictus rythmique. — Différence entre accent, impulsion et
ictus. — L'accent tonique dans ses relations avec le rythme, —
Indivisibilité du temps simple. — Rythme mesuré et rythme
libre. — La mesure. — La syncope. — Accidents du rythme . 59
Chapitre quatrième.
Du rythme des mots et des neumes. — Des pauses. — Rythme des
mots : mots isolés, mots associés. — Mots-rythmes : succession
par enchaînement. — Mots-temps : succession par juxtapo-
sition. Rythme des neumes : neumes-temps, neumes-rythmes. —
Neumes-rythmes : doublement de la dernière note ou simple
appui. — Leur succession : par juxtaposition, par enchaîne-
ment. — Notes intérieures d'un neume, note finale. — Pause :
d'incise, de membre, de phrase, pause finale. — Mora vocis . 75
Chapitre cinquième.
Exécution particulière à certains iieumes. — Strophicus. —
Pressus. — Oriscus. — Quilisma ...... 85
Chapitre sixième.
I^s appuis rythmiques. — Les divisions binaires et ternaires :
leur importance. — Règles pour les déterminer. — Texte :
rythme des mots. — Mélodie : notes modales, dessins mélo-
diques, neumes, pauses, manuscrits rythmiques ... 89
Chapitre septième.
Du rythîne des incises et des 7nembres. — Les incises. — Causes
déterminantes : le texte : la mélodie : les exigences du sens
esthétique : le rythme. — Les mêmes facteurs maintiennent
l'unité interne des incises. — Phrases d'une, de deux, de trois
et de quatre incises 99
Chapitre huitième.
Du rythme de la phrase. — L'unité de la phrase. — Moyens de
l'obtenir. — Lien mélodique : ce qu'il est : protase et apodóse.
— Lien dynamique : place de l'accent général ou phraséolo-
gique : soin qu'on doit apporter à son interprétation. — Lien
proportionnel : en quoi il consiste : part qui revient au chantre.
— Lien d'articulation : comment il se fait. — Résultat final . loi
Table des Matières. 209
Chapitre neuvième.
De la direction du chant, — Chironomie. — A) Par temps
simples; B) par rythmes simples élémentaires; C) par ternps
composés. — Remarques : Classification du rythme : Dessins
mélodiques. — Mouvement. Conseils au directeur. —
Expression ....••••••• ^^^
Chapitre dixième.
Exemples pratiques. — Ordre dans l'analyse. — In medio. —
Ostende. — Videns Dominus. — Exsurge. — Justus . . . 117
TROISIÈME PARTIE.
Chapitre premier.
Des hym7ies. — A) Leur composition. — L'ictus métrique : son
rôle : son indépendance : sa nature : sa place. — B) Leur
exécution. — Mélodies simples : ornées. — Mouvement. —
Syllabes survenantes • • 132
Chapitre deuxième.
Des ions cofumuns. — Avertissements. — Tons des leçons :
commun : solennel : ancien. — Prophéties. — Leçon brève . 136
Chapitre troisième.
Récitatifs liturgiques. — Versets. — Bénédictions. — Capitule. —
Epître. — Evangile. — Oraisons 139
Chapitre quatrième.
De r excellence du chant grégorien. — Elle repose sur son carac-
tère liturgique : son rythme : sa simplicité. — Nécessité de
bien l'exécuter 145
Chapitre cinquième.
De V accompagnement. — De l'harmonie diatonique. — Des
rapports de l'harmonie avec l'accent latin. — De l'accompa-
gnement proprement dit 151
Chapitre sixième.
Aperçu historique. — Période de formation. — Période de per-
fection. — Période de décadence. — Période de restauration . i6ï
Appendice.
Législation ecclésiastique. — Motu proprio. — Lettre de Pie X
au cardinal Respighi. — Décret du 8 janvier 1904. — Motu
proprio pour l'Edition vaticane. — Lettre à l'abbé de Solesmes. —
Lettre du cardinal Merry del Val à D. Pothier (juin 1905). —
Décret du mois d'août 1907. — ' Décret de décembre 191 2 pour
la publication de l'Antiphonaire. — Décrets d'avril 191 1 et de
juillet 19 12 se rapportant aux signes rythmiques et aux
mediantes. — Règlement du cardinal Vicaire pour la musique
sacrée à Rome. — Lettre pastorale de S. Em. le cardinal
Dubois, archevêque de Paris, sur le plain-chant grégorien et la
prononciation romaine du latin. — Lettre de Pie XI au cardinal
Dubois . . . . . . . . . . . 164
1 » %
No 674.
'mi^^rmmmtmfiifr''^9''^<^t^mr^immtmm^miti
UNIVERSITY OF TORONTO
MU SIC l:ohary
Imprimé en Belgique par la Société S. Jean l'Évangéliste, Desclée & Cie, Tournai. —
3797
No 674
.iji, I , iwijwa—i WT'
ÜNIVERSITY OF TORONTO
EDWARD JOH^^SON
MüSIC LIBRAR Y
a50é2û
Sunol, Gregorio Maria
kethode complete de
chant Grégorien,
7. éd.
Musifl
Sunol, Gregorio Marie
Méthode complete de
chant Grégorien. • 7. éd.